L'appréciation faite par la cour d'appel et approuvée par la Cour de cassation selon laquelle les conditions n'étaient pas réunies pour qu'une délégation d'autorité parentale croisée soit accordée aux requérantes ne révèle pas de différence de traitement selon leur orientation sexuelle. C'est ainsi que s'est prononcée la Cour européenne des droits de l'Homme aux termes d'un arrêt rendu le 1er mars 2018 (CEDH, 1er mars 2018, Req. 6190/11
N° Lexbase : A1420XGP).
L'affaire concernait la demande croisée d'exercice conjoint de l'autorité parentale de deux femmes qui vivaient en couple et ayant chacune un enfant né au moyen d'une procréation médicalement assistée. Invoquant l'article 14 (
N° Lexbase : L4747AQU interdiction de la discrimination) combiné avec l'article 8 (
N° Lexbase : L4798AQR droit au respect de la vie privée et familiale) de la CESDH, les requérantes estimaient que le rejet de leur demande croisée de délégation d'autorité parentale était fondé sur leur orientation sexuelle et entraînait une différence de traitement injustifiée et disproportionnée.
La requête est déclarée irrecevable par la Cour européenne qui considère, pour la période de leur vie commune, que les requérantes se trouvaient dans une situation comparable à celle d'un couple hétérosexuel dans le cadre d'une famille recomposée, où le ou la partenaire du parent vit sans lien biologique avec un enfant qu'il élève. L'article 377 § 1 du Code civil (
N° Lexbase : L0254K7K) qui permet aux parents de saisir le juge d'une demande de délégation de leur exercice de l'autorité parentale lorsque les circonstances l'exigent ne fait aucune différence entre les parents et ne contient aucune distinction quant à l'orientation sexuelle du parent qui effectue la demande ou du délégataire. L'examen de la jurisprudence fait apparaître que les décisions d'octroyer ou non la délégation de l'autorité parentale sont fondées sur les circonstances de fait de chaque affaire, notamment l'état de santé de la mère ou de l'enfant, les déplacements ou les contraintes professionnelles. En l'espèce, la Cour estime que l'appréciation faite par la cour d'appel et approuvée par la Cour de cassation selon laquelle les conditions n'étaient pas réunies pour qu'une délégation d'autorité parentale croisée soit accordée aux requérantes ne révélait pas de différence de traitement selon leur orientation sexuelle. Au surplus, comme l'avaient relevé le juge aux affaires familiales et la cour d'appel, la Cour observe que les requérantes sont perçues par leur entourage comme les parents des deux enfants et qu'elles n'ont pas fait état de difficultés particulières telles qu'elles auraient exigé les délégations d'autorité parentale sollicitées. La Cour conclut qu'il n'y a aucune apparence de violation des articles 8 et 14 combinés (cf. l’Ouvrage "L'autorité parentale" N° Lexbase : E5843EY3).
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