L'état de choc émotionnel violent d'une salariée, auteur supposée de faits de harcèlement moral, se déclenchant à partir du moment où son supérieur lui a demandé de quitter son poste et de rentrer chez elle, et aggravant ainsi une dépression nerveuse déjà latente, caractérise un accident du travail. Telle est la solution d'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux rendu le 3 février 2011 (CA Bordeaux, ch. soc., sect. B, 3 février 2011, n° 09/06841
N° Lexbase : A2622GWZ).
Dans cette affaire, une salariée, Mme V., placé sous la responsabilité de Mme R., reproche à cette dernière et à Mme N. un harcèlement moral. Les deux salariées visées ont alors sollicité, sans succès à trois reprises, un rendez-vous avec le responsable des ressources humaines pour avoir des précisions sur les faits de harcèlement qui leur étaient imputés. A la suite d'un rapport rendu par un psychologue très à charge à l'encontre de Mme R. et qu'elles ont contesté auprès de la direction de l'entreprise, elles ont saisi le CHSCT. La société a, par la suite, convoqué les deux salariées à des entretiens préalables en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Le responsable industriel de l'entreprise, les estimant hors d'état de travailler, leur a enjoint de quitter immédiatement la société. Mme N., en larmes et dans l'incapacité de conduire, est allée voir le médecin du travail qui l'a déclarée "
inapte temporaire". Son médecin traitant l'a, ensuite, placée en arrêt de travail et a établi un certificat d'accident du travail, motivé par un syndrome anxiodépressif réactionnel. La société a contesté auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, toute notion de choc émotionnel de nature professionnel. La CPAM a notifié à la salariée le refus de la prise en charge de l'accident au titre de la législation relative aux accidents professionnels, la lésion semblant "
résulter d'une série d'évènements et ne pas répondre au critère de soudaineté qui distingue l'accident de la maladie". Pour la cour d'appel, malgré le fait que Mme N. était déjà affectée moralement par la situation dans l'entreprise et avait, en outre, des problèmes personnels liés au soucis de santé de son mari, et était déjà suivie psychologiquement et traitée par antidépresseurs, elle confirme que "
la décision des premiers juges qui ont exactement relevé que le terme de 'burn out psychologique'
, les témoignages concordants selon lesquels Mme N. a été en état de choc émotionnel violent à partir du moment où son supérieur lui a demandé de quitter son poste et de rentrer chez elle, et le fait que s'il existait un état antérieur , il n'avait pas nécessité jusqu'alors un arrêt de travail, suffisent amplement à démontrer la réalité de l'évènement requis pour caractériser l'accident du travail" (sur le caractère soudain de la lésion, cf. l’Ouvrage "Droit du travail " N° Lexbase : E3011ETP).
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