Dans un arrêt du 6 mai 2010, la CEDH a condamné la France pour violation de la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ) (CEDH, 6 mai 2010, Req. 17265/05, Brunet Lecomte et Lyon Mag c/ France
N° Lexbase : A9814EWE). Si la Cour reconnaît sans difficulté que l'ingérence au sein de cette liberté issue de la condamnation des requérants (§ 34) était prévue par la loi (§ 35-36) et poursuivait un but légitime (§ 38), il en est autrement s'agissant de la nécessité de cette ingérence dans une "
société démocratique". Tout d'abord, les juges européens soulignent que, "
compte tenu de son objet, lié à ces événements d'envergure mondiale [les attentats du 11 septembre 2001]
, la publication litigieuse s'intégrait dans un débat d'intérêt général" (§ 41) et que, dans le contexte de l'époque, "
l'intérêt du public, qu'il soit national ou lyonnais, s'en trouvait alors accru, s'agissant d'un débat politique d'une actualité immédiate", d'où une "
marge d'appréciation" étatique "
particulièrement réduite" (§ 48). Puis, la juridiction strasbourgeoise indique ne pas partager l'analyse de la cour d'appel qui a condamné les requérants au motif que l'article aurait "
insinué" que M. X recrutait des jeunes en vue d'en faire des islamistes. Au contraire, sont relevés "
une certaine prudence dans la forme et l'expression" (§ 44) au sein du dossier litigieux et l'absence d'"
animosité personnelle" à l'encontre de M. X (§ 45). Au surplus, la "
qualité de personnage public" de ce dernier élargit le champ de la liberté de l'expression le concernant, car "
il s'est lui-même exposé à la critique journalistique par la publicité qu'il a choisi de donner à certaines de ses idées ou convictions, et peut donc s'attendre à un contrôle minutieux de ses propos" (§ 46). Enfin, la Cour juge ici que "
la déontologie journalistique" (§ 42) a été respectée, "
une base factuelle suffisante" (§ 47) venant étayer les écrits litigieux (voir aussi CEDH, 18 septembre 2008, Req. 35916/04, Chalabi c/ France
N° Lexbase : A3891EAD). En particulier, la Cour "
est d'avis que les nombreux documents contenus dans l'offre de preuve et produits devant [elle],
même s'ils ne vont pas jusqu'à évoquer directement un rôle de recruteur font clairement état du danger que représentent les discours de" M. X (§ 47). En conséquence, "
la multiplicité et le sérieux des sources consultées et de l'enquête réalisée, conjugués à la modération et à la prudence des propos tenus, permettent de conclure à la bonne foi des requérants" (§ 47) et,
in fine, à la condamnation de la France pour violation de la liberté d'expression (§ 51).
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