La condamnation du président d'un parti politique français pour discrimination raciale est confirmée. Telle est la solution d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 20 avril 2010 (CEDH, 20 avril 2010, Req. 18788/09, Jean-Marie Le Pen c/ France
N° Lexbase : A0656EXL). Le requérant, président d'un parti politique français, a été condamné en 2005 pour "
provocation à la discrimination, à la haine, à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". Il fut de nouveau condamné en 2008 à une amende du même montant, pour des propos mettant à nouveau en cause la communauté musulmane. Le 3 février 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi (Cass. crim., 3 février 2009, n° 08-82.402, F-P+F
N° Lexbase : A9646ECA), jugeant, notamment, que les juges d'appel avaient exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux et caractérisé le délit en tous ses éléments. La CEDH considère qu'il est fondamental, dans une société démocratique, de défendre le libre jeu du débat politique, qui se trouve au coeur même de la notion de société démocratique (CEDH, 16 juillet 2009, Req. 10883/05, W. c/ France
N° Lexbase : A8882EIS). Plus généralement, elle considère que tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général peut recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos (CEDH, 7 novembre 2006, Req. 12697/03, Mamère c/ France
N° Lexbase : A1924DS3 et lire
N° Lexbase : N0498BKN). Si le requérant dénonce une violation de son droit à la liberté d'expression, lequel est garanti par l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ), la Cour relève, cependant, que les propos du requérant étaient assurément susceptibles de donner une image négative, et même inquiétante, de la "communauté musulmane" dans son ensemble. Elle constate que le requérant instillait dans l'esprit du public la conviction que la sécurité des Français passait par le rejet des musulmans et que l'inquiétude et la peur, liées à leur présence croissante en France, cesseraient si leur nombre décroissait et s'ils disparaissaient. Dès lors, eu égard aux circonstances de l'espèce, la Cour estime que l'ingérence dans l'exercice du droit du requérant à la liberté d'expression était "
nécessaire dans une société démocratique". La requête est donc déclarée irrecevable.
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