Un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. Le choix des partenaires sociaux de priver des salariés du bénéfice d'une prime pour permettre aux salariés des autres établissements de bénéficier sans délai des avantages issus de l'accord-cadre, choix justifié par l'employeur par l'insuffisance de ses capacités financières, ne reposait sur aucune explication objective relative à la situation des salariés, propre à justifier les différences de traitement constatées. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 octobre 2009 (Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-40.457, F-P+B
N° Lexbase : A6131EMZ).
Dans cette affaire, un accord cadre de groupe prévoyait le bénéfice d'une prime anniversaire d'entrée dans le groupe, renvoyant pour sa mise en oeuvre à une négociation dans chaque société. L'accord conclu le 30 novembre 2004 au sein de la société X prévoyait l'application de la prime dès le 1er mois suivant la date de signature de l'accord, à l'exception de l'établissement V, pour lequel la date d'application était fixée au 1er décembre 2005. Des salariés de l'établissement V avaient saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en paiement de la prime. Contre le jugement du 8 novembre 2007, l'employeur soutenait qu'un accord d'entreprise peut prévoir une entrée en application différée de certaines dispositions pour un établissement compte tenu de ses caractéristiques et que les capacités budgétaires de l'entreprise ne permettaient pas l'application immédiate à tous les salariés des avantages prévus par l'accord-cadre. Après avoir rappelé qu'un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence, la Haute juridiction retient que le juge a fait ressortir que le choix des partenaires sociaux de priver un certain nombre de salariés de l'établissement V du bénéfice de la prime anniversaire aux fins de permettre au plus grand nombre de salariés des autres établissements de bénéficier sans délai de la plupart des avantages issus de l'accord cadre, choix que l'employeur justifiait par l'insuffisance de ses capacités financières, ne reposait sur aucune explication objective relative à la situation des salariés, propre à justifier les différences de traitement constatées entre les salariés de l'établissement V et ceux affectés dans les autres établissements de l'entreprise. Elle rejette donc le pourvoi (sur les justifications juridiques des différences de traitement, cf. l’Ouvrage "Droit du travail"
N° Lexbase : E0721ETU).
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