Le Quotidien du 30 juillet 2003 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] La cour d'appel appelle au revirement de jurisprudence en matière de retraite "chapeau"

Réf. : CA Paris, 18e, B, 16 mai 2003, n° 99/43113, SA Hewlett Packard France N° Lexbase : A0304C97

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N8381AAN

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par Aurélie Garat
SGR Droit social

le 07 Octobre 2010

Un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 16 mai 2003, pourrait amorcer un important revirement de jurisprudence sur les critères de soumission à cotisations sociales des avantages versés au titre de la retraite supplémentaire et plus précisément de la retraite "chapeau". Aux termes de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4949ADN), les avantages accordés à l'occasion ou en contrepartie du travail doivent être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales. En outre, l'article D. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9135ADP) dispose que les contributions des employeurs destinées au financement des prestations de retraite et de prévoyance complémentaires sont exclues de l'assiette des cotisations pour la partie n'excédant pas 85 % du plafond de sécurité sociale. Au delà, les contributions des employeurs sont réintégrées dans l'assiette des cotisations dès lors que les versements au titre de la retraite supplémentaire correspondent à des avantages consentis aux salariés à l'occasion du travail.Traditionnellement, la jurisprudence étend ce principe de réintégration aux avantages issus d'un régime dit de retraite "chapeau", peu important leur caractère aléatoire et conditionnel. Or, la cour d'appel, dans son arrêt du 16 mai, est venue remettre en question cette solution, pourtant solidement acquise, en décidant que les sommes qui ne sont pas effectivement entrées dans le patrimoine des salariés durant la période du redressement ne peuvent être considérées comme des rémunérations versées aux salariés et ne sont pas, en conséquence, assujetties à cotisations sociales. Dans cette affaire, la société Hewlett Packard France revendiquait l'annulation du redressement opéré par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale (Urssaf). La société contestait la réintégration dans l'assiette des cotisations des contributions patronales au financement d'un régime complémentaire de retraite et des gratifications allouées à des stagiaires d'un montant supérieur à 30 % du Smic. La société décide de saisir la commission de recours amiable afin d'obtenir l'annulation du redressement litigieux. Sa demande est rejetée par la commission et la société saisit alors le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry qui accède à sa demande. Saisie par l'Urssaf, la cour d'appel, dans un arrêt en date du 16 mai 2003, décide de déclarer fondé le redressement au titre de l'intégralité des sommes allouées par l'employeur aux stagiaires dès lors qu'elles sont supérieures à 30 % du Smic. Cette partie de la solution ne fait que confirmer une jurisprudence déjà classique (Cass. soc., 14 novembre 1984, n° 82-16.575, Urssaf de Paris c/ SA Serti N° Lexbase : A2277AAL ; Cass. soc., 28 mars 1996, n° 93-17.592, Urssaf de l'Aveyron c/ Société Hôtellerie de Fontanges N° Lexbase : A2338AB9 ; Cass. soc., 22 mai 1997, n° 95-19.839, Urssaf c/ Société Grand Hôtel de la Muse et du Rozier N° Lexbase : A2852AGQ).

En revanche, la cour d'appel, pour annuler le redressement Urssaf en ce qui concerne les contributions patronales au régime de retraite complémentaire, s'oppose radicalement à la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle décide, en effet, que seules les contributions de l'employeur destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance effectivement versées aux cadres au cours de la période de redressement, suivant les termes de la convention collective d'assurance, sont soumises à cotisations sociales pour la partie excédant 85 % du Smic. Or, en l'espèce, le calcul des réintégrations se fondait sur les bénéficiaires potentiels et non sur les bénéficiaires réels. En conséquence, les sommes litigieuses ne sont pas, selon la cour, des rémunérations versées aux salariés et soumises à cotisations. La cour d'appel revient, ainsi, sur la position traditionnellement soutenue par la Cour de cassation aux termes de laquelle, dès lors que les versements au titre de la retraite supplémentaire sont calculés à partir de critères individuels, tels que l'âge et la rémunération des salariés concernés et correspondent à des avantages consentis aux salariés à l'occasion du travail, ils sont soumis à cotisations de sécurité sociale dans les limites fixées par l'article D. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9135ADP), c'est-à-dire pour la partie dépassant 85 % du plafond de la Sécurité sociale (Cass. soc., 23 juin 1994, n° 92-13.247, Compagnie française des fontes en coquille c/ Urssaf de Paris et autre N° Lexbase : A0971ABL). Cette solution, qui prend pour critère essentiel l'obtention de l'avantage "à l'occasion ou en contrepartie du travail", a été maintes fois confirmée par la Cour de cassation (Cass. soc., 28 novembre 1996, n° 94-21.047, Société Eridania Béghin-Say, société anonyme c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Lille N° Lexbase : A1871AZC) qui ignore ainsi le caractère aléatoire ou conditionnel de l'avantage consenti dans le cadre d'un régime de retraite "chapeau".

Les critiques qui ont pu être formulées par divers courants doctrinaux quant à l'intégration dans l'assiette des cotisations des avantages consentis dans le cadre de ce régime ne sont que difficilement compréhensibles sans un bref rappel du principe du régime de retraite dit "chapeau" ou "différentiel". En effet, celui-ci garantit au bénéficiaire, au moment de sa mise à la retraite, un niveau global de revenus sous déduction du total des droits acquis par l'intéressé dans les autres régimes. Le droit ainsi généré à une retraite complémentaire est incertain puisque certains salariés, qui ne remplissent pas les conditions posées par l'accord mettant en place le régime, ne bénéficieront finalement d'aucune prestation. En outre, le niveau de la prestation pourra varier d'un salarié à l'autre en fonction des pensions versées aux bénéficiaires par les autres organismes de retraite.

La Cour de cassation, pour justifier sa position, considère que l'objet de l'avantage, qui est de garantir, à certains salariés, sous certaines conditions, le versement d'une pension de retraite égale à une fraction de leur salaire d'activité, n'est pas altéré par le caractère aléatoire de cet avantage (Cass. soc., 23 juin 1994, n° 92-13.247, Compagnie française des fontes en coquille c/ Urssaf de Paris et autre N° Lexbase : A0971ABL). La Cour de cassation précise que les versements effectués à la compagnie d'assurance constituent une contribution de l'employeur au financement de prestations complémentaires de retraite, individualisées lors de leur règlement. En conséquence, selon la Cour suprême, la fraction de ces primes dépassant les limites prévues à l'article D. 242-1 du Code de la Sécurité sociale doit être soumise à cotisation quand bien même le paiement de celles-ci serait assorti d'une condition suspensive (Cass. soc., 6 juillet 1995, n° 93-18.212, Société Cassese c/ Urssaf de Seine-et-Marne et autre N° Lexbase : A1260ABB ; Cass. soc., 5 mai 1995, n° 93-12.233, Urssaf de l'Aube c/ Société Teinturerie de Champagne et autre N° Lexbase : A1131ABI ; Cass. soc., 20 février 1997, n° 95-15.274, Société des eaux minérales d'Evian, société anonyme et autres c/ Urssaf N° Lexbase : A1872AZD).

Dans l'arrêt rendu par la cour d'appel, le 16 mai 2003, le régime de retraite complémentaire ne bénéficiait qu'aux cadres ayant pris leur retraite dans l'entreprise, à condition qu'ils aient liquidé simultanément l'ensemble de leurs retraites obligatoires et facultatives et que leur salaire de fin de carrière soit quatre fois supérieur au plafond annuel de la Sécurité sociale en vigueur au cours de l'année de liquidation de la rente. A partir du moment où les salariés ne remplissent pas les conditions fixées par la convention d'assurance collective mettant en place le régime de retraite complémentaire, ils ne pourront bénéficier de l'avantage. Tirant les conséquences du caractère virtuel de l'avantage ainsi consenti et s'opposant par là-même à la logique de la Cour de cassation, la cour d'appel décide que "les sommes versées par l'employeur constituent bien une contribution au financement des prestations complémentaires de retraite, à la condition que lesdites sommes, individualisées lors de leur règlement soient de fait acquises aux salariés". La cour d'appel, en abandonnant le critère d'"avantage obtenu à l'occasion ou en contrepartie du travail" au profit de celui de l'effectivité de l'avantage fait place à une solution, à notre sens, plus réaliste et plus pragmatique que celle actuellement retenue par la Cour de cassation.

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