Le Quotidien du 9 octobre 2002 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Retour sur la force probante d'un acte irrégulier au regard de l'exigence de l'article 1326 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 1ère, 18 septembre 2002, 2 arrêts, n° 99-13.192 N° Lexbase : A4423AZT et n° 00-12.876 N° Lexbase : A4498AZM

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 28 Août 2014

L'occasion a, à plusieurs reprises, été donnée d'évoquer les difficultés posées par l'exigence de l'article 1326 du Code civil aux termes duquel, faut-il même le rappeler, "l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres...". Les deux arrêts rapportés, rendus par la même première chambre civile de la Cour de cassation le 18 septembre 2002, invitent à revenir sur la question de la force probante d'un acte pourtant irrégulier au sens de ce texte. Dans les deux arrêts en effet, un individu reprochait à un arrêt de cour d'appel de l'avoir condamné au paiement d'une certaine somme en exécution d'une reconnaissance de dettes alors, selon les pourvois, que l'acte était irrégulier au sens de l'article 1326 du Code civil puisqu'il ne comportait aucune mention en chiffres de la somme . Dans les deux cas pourtant, la Cour de cassation approuve les juges du fond et rejette les pourvois. La portée du second arrêt peut certes être considérée comme étant plutôt limitée, la haute juridiction énonçant, pour rejeter le pourvoi, que, "dans leurs conclusions d'appel, (les débiteurs) n'ont pas fait valoir que la reconnaissance de dette ne comportait aucune mention manuscrite de la somme en chiffres", de telle sorte que, fort logiquement, "la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée au moyen, a légalement justifié sa décision sur ce point". Ce sont donc des raisons de procédure plus que de fond proprement dites qui justifiaient ici la solution.

En revanche, la question de la force probante d'un acte irrégulier au regard de l'article 1326 du Code civil parce que ne comportant pas de mention manuscrite de la somme en chiffres était directement au coeur du litige dans le premier arrêt. Or , précisément, la Cour de cassation affirme sans détour que "l'omission de la mention manuscrite en chiffres exigée par l'article 1326 du Code civil n'a pas pour effet de priver l'écrit de sa force probante dès lors qu'il comporte la mention de la somme en toutes lettres". Autrement dit, selon la Cour de cassation, le fait de satisfaire à l'exigence de l'indication manuscrite de la somme en toutes lettres suffirait à couvrir l'absence de la mention de la somme en chiffres, pourtant exigée par l'article 1326 du Code civil.

Ces libertés prises avec l'article 1326 du Code civil méritent d'être soulignées. Après en effet avoir nettement abandonné la position qui avait été la sienne à une certaine époque conduisant à déclarer nul l'engagement au motif que l'exigence de l'article 1326 du Code civil n'avait pas été respectée, la première chambre civile affirme aujourd'hui de façon très nette que la règle posée par ce texte est une règle de preuve ayant pour finalité la protection de celui qui s'engage (Cass. civ. 1ère , 15 nov. 1989 N° Lexbase : A8588AHK, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd. par F. Terré et Y. Lequette, Dalloz, 2000, tome 2, n° 276). Aussi bien en déduit -on que l'omission des formalités de l'article 1326 du Code civil est sans influence sur la validité de l'obligation elle-même (Cass. com., 26 nov. 1990 [LXB=A4162AGA ], JCP 1991, II, 21701, note D. Legeais ; civ. 1ère, 5 oct. 1994 N° Lexbase : A7150ABG, D . 1995, Somm. p. 227, obs. R. Libchaber) et ne prive pas, sur le terrain de la preuve cette fois, l'acte de toute force probante, un acte irrégulier au sens de l'article 1326 du Code civil pouvant, à défaut de faire à lui seul la preuve de l'engagement , constituer un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du Code civil (Cass. civ. 1ère, 16 janv. 1985 N° Lexbase : A3815AGE, RTDCiv. 1986, p. 758, obs. J . Mestre; com., 26 juin 1990, deux arrêts, n° n° 88-14.659 N° Lexbase : A3658AHX et n° 89 -11.555 N° Lexbase : A4171AGL, Rép. Defrénois 1990, p. 1345, obs. L. Aynès, JCP 1992, II , 21923, note Ph. Simler). Cette solution, régulièrement réaffirmée (voir, en dernier lieu, Cass. com., 17 sept. 2002, arrêt N° Lexbase : A4470AZL) et commentaire [LXB=N4102AA8 ]), a, précisément, conduit la Cour de cassation à considérer que, en l'absence de mention de la somme écrite en chiffres, "l'acte sous seing privé contenant l'engagement (...) est irrégulier et ne peut donc constituer qu'un commencement de preuve par écrit" (Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1996 N° Lexbase : A8554ABG), et ce alors même que l'acte comporterait bien une mention de la somme en lettres (Cass. civ. 1ère, 15 nov. 1989, préc. ; comp ., à propos d'une reconnaissance de dette ne comportant pas de mention de la somme en chiffres, Cass. civ. 1ère, 19 déc. 1995, Contrats, conc., consom . 1996, 37, obs. L. Leveneur, RTDCiv. 1996, p. 620, obs. J. Mestre). Ce sont précisément ces solutions que le premier des arrêts commentés remet en cause, la force probante de l'acte n'étant pas affectée par le fait qu'il ne comporte que la mention de la somme en lettres - et non en chiffres.

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