Le Quotidien du 29 janvier 2002 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La transaction conclue avec un représentant du personnel avant la notification de son licenciement est frappée de nullité absolue

Réf. : Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-40.301, N° Lexbase : A1150AZM

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N3613AA3

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par Sonia Koleck-Desautel, Docteur en droit, Chargée d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt rendu le 10 juillet 2002 destiné à une large diffusion, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que la transaction conclue entre l'employeur et le salarié protégé avant la notification de son licenciement prononcé après autorisation de l'autorité administrative est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public. L'employeur peut donc invoquer une telle nullité. La précision est importante, cette décision intervenant peu de temps après une décision rendue par la Cour de cassation dans une affaire similaire mais concernant un salarié non protégé. En l'espèce, un salarié investi des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel et par ailleurs membre du comité d'entreprise, conclut avec son employeur une transaction prévoyant les conditions de la rupture de son contrat de travail et les conséquences qui en résultent. La transaction prévoit le versement par l'employeur, le jour de sa signature, d'une indemnité destinée à réparer "le préjudice lié à la perte de rémunération par suite de la rupture du contrat de travail", et d'une indemnité destinée à réparer les "troubles" de toute nature consécutifs au licenciement. En contrepartie, elle comporte l'engagement du salarié de démissionner de ses fonctions représentatives. A la suite de son licenciement prononcé un an après la conclusion de cette transaction, le salarié saisit le conseil de prud'hommes de diverses demandes ; l'employeur forme alors une demande reconventionnelle en "résolution" de la transaction pour absence de cause et en restitution des sommes versées en exécution de cette dernière.

La cour d'appel de Paris, après avoir décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et alloué à ce titre des indemnités au salarié, accueille la demande de l'employeur : elle prononce la résolution de la transaction pour défaut de cause et condamne le salarié à rembourser la somme qu'il avait reçue en exécution de cette dernière. En effet selon elle, les indemnités allouées au salarié en application de la transaction n'avaient pas de cause, le salarié ayant continué à percevoir ses salaires depuis la date de la conclusion de la transaction jusqu'à la date de son licenciement, et le salarié n'ayant pas été licencié à la date de la transaction.

Le salarié décide alors de se pourvoir en cassation. Se fondant sur les articles 1131 (N° Lexbase : L1231AB9) et 2044 (N° Lexbase : L2289ABE) et suivants du Code civil, il fait notamment valoir que les engagements de l'employeur avaient eu pour contrepartie le départ physique immédiat du salarié de l'entreprise à compter de la signature de la transaction, la démission du salarié de ses mandats représentatifs, l'acceptation par le salarié de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la renonciation par lui à l'engagement de toute action judiciaire.

La Cour de cassation rejette sans surprise le pourvoi. Elle énonce que "la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée, non dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l'ensemble des salariés". Elle poursuit en indiquant qu'"il en résulte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public toute transaction conclue entre l'employeur et le salarié protégé avant la notification de son licenciement prononcé après autorisation de l'autorité administrative". La transaction conclue en l'espèce était par conséquent entachée d'une nullité absolue d'ordre public, qui entraînait l'obligation pour le salarié de restituer à l'employeur la somme qu'il avait perçue en exécution de cet acte nul.

La Cour de cassation, pour confirmer la nullité de la transaction conclue entre le représentant du personnel et l'employeur, ne se fonde pas sur le défaut de cause, comme l'avait fait la cour d'appel, mais sur le fait que la protection exceptionnelle et exorbitante des représentants du personnel est instituée dans l'intérêt de l'ensemble des salariés ; par conséquent, une transaction ne peut être conclue par le salarié protégé avant la notification de son licenciement. A défaut, la transaction est nulle ; il s'agit d'une "nullité absolue d'ordre public" qui peut être invoquée par toute personne intéressée, y compris l'employeur, puisqu'elle sanctionne la violation d'une règle d'intérêt général. La solution se justifie pleinement au regard des fonctions représentatives du salarié concerné. Elle a vocation à s'appliquer lorsque les autres conditions de validité de la transaction ne sont pas remplies (notamment en l'absence de concessions réciproques).

La précision est importante au regard d'une décision récemment rendue par la Cour de cassation et opérant un revirement de jurisprudence selon laquelle la transaction conclue par un salarié non investi de fonctions représentatives ne peut être annulée à la demande de l'employeur ; seul le salarié peut invoquer la nullité de cette transaction car il s'agit, dans cette hypothèse, d'un cas de nullité relative instituée dans l 'intérêt du seul salarié (Cass. soc., 28 mai 2002, n° 99-43.852, N° Lexbase : A7919AYX).

Ainsi, la transaction conclue avec un représentant du personnel avant la notification du licenciement est nulle ; les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent, en effet, en signant une transaction antérieure au licenciement, renoncer par avance aux dispositions d'ordre public instituées pour protéger leur mandat (Cass . soc., 2 décembre 1992, n° 91-42.326, N° Lexbase : A3818AAN ; Cass. soc., 14 octobre 1997 , n° 94-43.623, N° Lexbase : A2762AGE). La transaction conclue avec un salarié non investi de telles fonctions avant la notification de son licenciement est également frappée de nullité, mais dans le premier cas, la nullité de la transaction peut être invoquée à la fois par le salarié et l'employeur, alors que dans le second cas, l'employeur ne peut pas invoquer la nullité de l'acte.

La jurisprudence exige, comme c'était le cas en l'espèce, que la transaction soit conclue une fois la rupture intervenue et définitive (Cass. soc., 29 mai 1996, n ° 92-45.115, N° Lexbase : A3966AA7 ; Cass. soc., 28 mai 2002, n° 99-43.852, précité), c'est -à-dire une fois la notification du licenciement opérée ou après la réception par l'employeur de la lettre de démission du salarié. A défaut, la transaction est nulle.

En revanche, une transaction conclue avec un représentant du personnel après la notification de son licenciement prononcé après autorisation de l'autorité administrative est valable. Une telle transaction n'empêche toutefois pas le salarié de former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision administrative autorisant le licenciement (CE, 11 mars 1994, n° 125905, N° Lexbase : A9823ARA), et le salarié ne peut en aucun cas y renoncer dans la transaction. Pour cette raison, il est recommandé à l'employeur de signer une transaction avec un salarié protégé une fois que l'autorisation préalable de licenciement est définitivement acquise. Cela signifie que le délai du recours administratif doit être expiré (deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur du travail) et que le salarié n'a engagé aucun recours contre cette décision.

Précisons pour terminer que la transaction conclue avec un représentant du personnel après la notification d'un licenciement irrégulier (intervenu malgré un refus d'autorisation administrative ou en l'absence d'une telle autorisation) reste possible à condition que le salarié protégé ne renonce pas aux dispositions d'ordre public instituées en faveur des représentants du personnel (CE, 2 février 1996, n° 152406, N° Lexbase : A7743AN4 ), et dès lors qu'il s'agit d'accords librement consentis en vue de régler uniquement les conséquences pécuniaires de la rupture (Cass. soc., 3 juin 1981, n° 79-41.887, N° Lexbase : A9088AAT) ; le salarié protégé peut ainsi renoncer à réclamer sa réintégration (Cass. soc., 5 février 2002, n° 99-45.861, N° Lexbase : A9102AXE). La transaction conclue avec le salarié protégé irrégulièrement licencié n'exclut pas la poursuite de l'employeur sur la base du délit d'entrave.

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