La lettre juridique n°374 du 3 décembre 2009 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] TVA : cession à titre onéreux d'un portefeuille de contrats de réassurance vie à une personne établie dans un Etat tiers

Réf. : CJCE, 22 octobre 2009, aff. C-242/08, Swiss Re Germany Holding GmbH c/ Finanzamt München für Körperschaften (N° Lexbase : A2335EMG)

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

le 07 Octobre 2010

Une compagnie d'assurances allemande, exerçant des activités de réassurance vie, avait cédé à une compagnie d'assurances établie en Suisse un portefeuille comprenant 195 contrats d'assurance vie. Aux termes de la convention de cession, la compagnie concessionnaire était tenue d'obtenir l'accord des assurés pour devenir partie à ces contrats et reprendre l'ensemble des droits et obligations résultant de ceux-ci. Les contrats de réassurance vie cédés concernaient des entreprises établies dans des Etats membres autres que l'Allemagne ou dans des pays tiers. L'administration allemande avait adressé un avis d'imposition relatif au paiement d'une avance sur la TVA, considérant que la cession était soumise à la TVA en tant que livraison de bien. La société cédante contestait l'imposition en invoquant le bénéfice d'une exonération en tant que l'opération en cause constituait une prestation de services exonérée. En outre, une valeur négative avait été fixée pour 18 des 195 contrats, en conséquence le prix global d'acquisition de l'ensemble de ces contrats avait été réduit. La question posée était de savoir s'il fallait, ou non, assujettir à la TVA la cession d'un portefeuille de contrats de réassurance vie. La juridiction allemande a décidé de surseoir à statuer en renvoyant le litige devant la Cour de justice des Communautés européennes.

L'article 13 B de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) prévoit : "sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations [...] des opérations d'assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance".

Au regard des dispositions communautaires (6ème Directive-TVA, art. 9 § 1 et 2), le lieu de prestation de services est, en principe, situé à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle. Toutefois, en matière d'opérations bancaires, financières et d'assurance, y compris celles de réassurance à l'exception de la location de coffres-forts, le lieu de la prestation à retenir est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

La notion d'opérations d'assurance et celle d'intermédiaire d'assurance ne sont définies ni par la 6ème Directive-TVA ni par la Directive 73/239/CE du 24 juillet 1973. La Cour de justice, après avoir relevé que les exonérations de l'article 13 de la 6ème Directive-TVA sont d'interprétation stricte (CJCE, 15 juin 1989, aff. C-348/87, Stichting Uitvoering Financiële Acties c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A7893AUU, RJF, 1989, 11, comm. 1300) estime que l'expression "opération d'assurance" est, en principe, suffisamment large pour inclure l'octroi d'une couverture d'assurance par un assujetti qui n'est pas lui-même assureur mais qui, dans le cadre d'une assurance collective procure à ses clients une telle couverture en utilisant les prestations d'un assureur qui se charge du risque assuré. La Cour de justice précise que les prestations de services sont des notions communautaires qui doivent être interprétées uniformément afin d'éviter les situations de double imposition ou de non imposition pouvant résulter d'interprétations divergentes. Il s'agit de notions autonomes.

Pour la Cour, l'article 33 de la 6ème Directive-TVA permet aux Etats de maintenir ou d'introduire une taxe sur les contrats d'assurance.

La Cour de justice rappelle, en l'espèce, la réglementation communautaire et, notamment, qu'est "considéré comme prestation de services toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien [...]. Cette opération peut consister entre autres en une cession d'un bien incorporel représenté ou non par un titre".

Dans son arrêt rendu le 22 octobre 2009, la Cour affirme qu'une cession à titre onéreux, par une société établie dans un Etat membre à une compagnie d'assurances établie dans un Etat tiers, d'un portefeuille de contrats de réassurance vie, impliquant pour cette dernière, avec l'accord des assurés, l'ensemble des droits et obligations résultant de ces contrats ne constitue ni une opération d'assurance ou bancaire, ou une opération de réassurance exonérée, ni une opération de prise en charge exonérée d'un engagement ou une opération exonérée concernant des créances.

La Cour rappelle l'article 5, paragraphe 1, de la 6ème Directive-TVA : "est considéré comme une livraison d'un bien le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire". Les biens corporels visés par cette disposition sont : le courant électrique, le gaz, la chaleur, le froid et les choses similaires. La Cour en déduit qu'il "suffit de constater que les contrats de réassurance vie ne peuvent être qualifiés de biens corporels au sens de cette disposition et que, par conséquent, une opération telle que celle en cause au principal, qui consiste à céder de tels contrats, ne peut être considérée comme une livraison de biens au sens de cette même disposition". Or, si l'on se réfère à l'article 6, paragraphe 1 de la 6ème Directive-TVA, toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5 précité est considérée comme une prestation de services.

Par conséquent, une cession à titre onéreux d'un portefeuille de contrats de réassurance vie constitue une prestation de services au sens de l'article 6 précité. En outre, la Cour soutient à bon droit qu'une cession d'un portefeuille de contrats de réassurance n'est pas, par sa nature, une opération bancaire.

A suivre la Cour de justice, est sans incidence le fait que ce soit le cédant qui paie en contrepartie la valeur négative pour la reprise de 18 de ces contrats.

Rappelons qu'en droit interne français les opérations d'assurance et de réassurance effectuées par des courtiers ou intermédiaires d'assurance sont exonérées de TVA, l'exonération s'étend aux prestations de services étroitement liées aux opérations d'assurance et de réassurance (CGI, art. 261 C {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 4884947, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "261 C", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L5553ICN"}}). L'administration considère que l'exonération concerne uniquement les personnes autorisées par le droit français à exercer l'activité d'assureur ou d'intermédiaire d'assurances (DB 3 A -3181 du 20 octobre 1999). L'exonération s'applique aux courtages et autres prestations de services accomplies par les courtiers d'assurance et de réassurance dans le cadre de leur activité réglementée par les dispositions du Code des assurances.

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