La lettre juridique n°368 du 22 octobre 2009 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - octobre 2009

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N1647BMX

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts rendus pas la Chambre commerciale de la Cour de cassation : le premier arrêt, en date du 6 octobre 2009, consacre, pour la première fois explicitement, que l'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus sous clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle et en tire la conséquence que l'action en paiement du prix laissé impayé par le sous-acquéreur tendant au paiement d'une créance antérieure aux jugements d'ouverture de celui-ci, est soumise à la règle de l'interdiction des paiements des créances antérieures ; le second arrêt, rendu le 22 septembre 2009, rappelle, à bon escient, que la caution solvens qui a payé après l'ouverture de la procédure collective du débiteur principal, n'est pas tenue de déclarer sa créance subrogatoire lorsque le créancier a lui-même, avant paiement, déclaré sa créance, peu important que le paiement ait eu lieu avant l'expiration du délai légal de déclaration.
  • L'impossible condamnation du sous-acquéreur sous procédure collective à payer le prix de marchandises vendues sous clause de réserve de propriété (Cass. com., 6 octobre 2009, n° 08-15.048, FS-P+B N° Lexbase : A8728ELT)

La société R vend à une autre, la société A, des marchandises sous clause de réserve de propriété. L'acheteur A revend à des filiales, B, ces marchandises, sans en payer le prix au vendeur d'origine. Après la mise en redressement judiciaire de l'acheteur d'origine (A), puis 15 jours après en liquidation judiciaire, le vendeur réservataire (R) a exercé une action en revendication ou défaut de leur prix, puis en a demandé le paiement entend aux sous-acquéreurs (B), eux-mêmes placés en redressement judiciaire 15 jours après l'acheteur d'origine (A), ce redressement étant 15 jours plus tard converti en liquidation judiciaire.

La cour d'appel avait accepté la condamnation du liquidateur des filiales B à payer les sommes restant dues au vendeur réservataire, la société R. Ayant formé un pourvoi, la question posée à la Cour de cassation par le liquidateur était de savoir si le vendeur réservataire pouvait obtenir paiement du sous-acquéreur, qui n'avait pas payé le prix de revente des marchandises vendues sous clause de réserve de propriété, alors qu'il avait été placé en redressement puis en liquidation judiciaire. A cette question, la Cour de cassation va apporter une réponse négative et casser l'arrêt de la cour d'appel. Elle va, d'abord, énoncer en principe que "l'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus sous clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle". Elle va, ensuite, en tirer la conséquence en relevant que "l'action en paiement du prix laissé impayé par les filiales tendait au paiement d'une créance antérieure aux jugements d'ouverture des procédures collectives de celles-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

L'arrêt a été rendu au visa des articles L. 622-7 (N° Lexbase : L3866HBS), L. 622-21 (N° Lexbase : L3741HB8), L. 624-18 (N° Lexbase : L4091HB7), L. 631-14 (N° Lexbase : L4025HBP) et L. 631-18 (N° Lexbase : L4029HBT) du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT).

La clause de réserve de propriété permet à un vendeur de revendiquer le bien vendu, qui reste sa propriété tant que le prix de vente n'est pas intégralement payé. Lorsque l'acheteur initial a revendu le bien à un sous-acquéreur, la revendication du bien entre les mains de ce dernier est, par principe, impossible. L'article 2276 du Code civil (N° Lexbase : L7197IAS) y fait obstacle, dès lors, du moins, que le sous-acquéreur est de bonne foi, c'est-à-dire qu'il est, lors de l'acquisition (1), dans l'ignorance que son auteur n'est pas encore propriétaire du bien, ce qui peut être le cas en présence d'une clause de réserve de propriété, lorsque le vendeur d'origine n'a pas été payé (2).

Les droits du vendeur réservataire ne sont toutefois pas anéantis. Le Code de commerce lui ouvre en effet la possibilité d'exercer une revendication du prix de revente entre les mains du sous-acquéreur, dès lors que ce prix n'a pas été payé à l'acheteur intermédiaire à la date du jugement d'ouverture. C'est l'objet de l'article L. 624-18 du Code de commerce, texte de la sauvegarde applicable en redressement et en liquidation judiciaire. Pour cela, le vendeur réservataire doit exercer une action en revendication du bien ou du prix dans la procédure collective de l'acheteur.

La revendication du prix de revente est fondée sur la subrogation réelle (3) : le droit de propriété sur le bien dont disposait le vendeur initial réservataire est reporté sur la créance de prix de revente du bien (4). Est évoquée, à cet égard, une "revendication de substitution" (5).

La cour d'appel avait considéré que la créance de l'acquéreur sur le sous-acquéreur se substitue aux marchandises, par voie de subrogation réelle, ce qui, croyait-elle, permettait de considérer que la condamnation du sous-acquéreur était possible nonobstant son état de redressement ou de liquidation judiciaire. C'était aller trop vite en besogne. C'était, en effet, confondre l'action réelle en revendication exercée dans la procédure collective de l'acheteur et l'action personnelle en paiement exercée contre le sous-acquéreur. Même si ces actions sont toutes deux couramment désignées sous le vocable de "revendication du prix", elles sont parfaitement distinctes. L'ambivalence de cette expression a bien été mise en évidence (6).

En effet, ainsi que l'a lumineusement analysé un auteur (7), l'action réelle en revendication du prix dans la procédure collective de l'acquéreur-revendeur se double d'une action personnelle en paiement de la créance du prix de revente contre le sous-acquéreur. La revendication par le vendeur initial de la créance du prix dans la procédure collective constitue l'action réelle en revendication stricto sensu qui fonde la seconde action, l'action personnelle en paiement contre le sous-acquéreur, dont dispose le vendeur initial.

Il est indiscutable que la recevabilité et le caractère fondé de la première action -l'action réelle en revendication- conditionnent le succès de la seconde action -l'action personnelle en paiement-. Pour autant, encore faut-il que la seconde action -l'action personnelle en paiement- puisse être exercée contre le sous-acquéreur. A ce stade, il faut tenir compte de l'éventuelle procédure collective qui atteint le sous-acquéreur. Dès lors que ce dernier est placé sous sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, les droits de ses créanciers se trouvent atteints. S'appliquent, comme dans toute procédure collective de paiement, la règle de l'interdiction des paiements éditée par l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3389ICI) et celle de l'arrêt des poursuites individuelles énoncée par l'article L. 622-21 du même code (N° Lexbase : L3452ICT). On comprend, dès lors, le visa de ces deux textes par la Cour de cassation, dans la présente espèce.

L'action personnelle en paiement étant, comme son nom l'indique, une action en paiement d'une créance antérieure au jugement, elle est interdite ou interrompue par l'effet du jugement d'ouverture. En l'espèce, n'ayant pas été entamée au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective des sous-acquéreurs, elle est interdite. La condamnation au paiement ne pouvant intervenir, d'évidence, le paiement ne peut avoir lieu. Peu importe, à cet égard, que la condamnation soit dirigée contre le liquidateur des filiales, sous-acquéreurs des biens vendus sous clause de réserve de propriété. Le liquidateur ne fait que représenter les filiales, c'est-à-dire les sous-acquéreurs. Il ne peut donc es qualités être condamné au paiement.

Bien que l'affirmation selon laquelle "l'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus sous clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle" soit posée pour la première fois par la Cour de cassation, elle ne peut surprendre. En effet, la solution constituait déjà le fondement d'au moins deux décisions précédemment rendues par la Cour de cassation.

Tranchant une première difficulté, la Cour de cassation a considéré que l'action du vendeur initial exerçant une revendication sur le prix est indépendante du sort de la créance née de la revente du bien par l'acheteur-revendeur au sous-acquéreur. Il a, en effet, été jugé que le vendeur réservataire de propriété "peut revendiquer le prix impayé par le sous-acquéreur en redressement ou liquidation judiciaires, peu important que la créance détenue par l'acquéreur initial à l'encontre du sous-acquéreur soit éteinte pour n'avoir pas été déclarée au passif de ce dernier" (8). La solution est justifiée par la subrogation réelle, qui s'opère à la date de la revente (9), cependant que le "flottement notionnel" est dénoncé, qui consiste à évoquer le "propriétaire d'une créance" (10).

Cette position se justifie pleinement, puisque l'action en revendication s'exerce à l'encontre de la procédure collective et, dès lors que les conditions de recevabilité de celle-ci au jour de l'ouverture de la procédure sont réunies, cette action en revendication doit prospérer. Celle-ci se double alors d'une action personnelle du vendeur initial à l'encontre du sous-acquéreur. Cette action, du fait de la règle de l'interdiction des paiements, se transforme alors en un droit pour le vendeur initial de déclarer sa créance au passif du sous-acquéreur à hauteur de la créance de prix que ce dernier restait devoir à son propre vendeur, l'acquéreur-revendeur.

La seconde question posée à la Cour de cassation était de savoir si le sous-acquéreur pouvait opposer au vendeur initial l'exception d'inexécution par le revendeur de son obligation pour refuser de régler le prix. La Chambre commerciale avait semblé y être hostile (11), mais l'arrêt n'était pas très significatif, s'agissant de l'absence de réponse à un moyen (12). La solution avait clairement été posée par une cour d'appel (13). La Cour de cassation devait ensuite, dans un arrêt de principe, énoncer que la revente opère, par l'effet de subrogation réelle, transport dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou de la partie du prix impayé par les sous-acquéreurs au jour de l'ouverture de la procédure collective de l'acheteur. Il en résulte que le sous-acquéreur ne peut opposer au vendeur initial les exceptions qu'il aurait pu opposer à son propre vendeur (14). La solution est justifiée pour la même raison que celle exposée précédemment : l'action personnelle du vendeur initial à l'encontre du sous-acquéreur est distincte de l'action en paiement dont peut se prévaloir l'acquéreur-revendeur à l'encontre de son propre acquéreur. Le vendeur réservataire de propriété exerce à l'encontre du sous-acquéreur non pas l'action en paiement dont est titulaire l'acquéreur-revendeur, mais une action personnelle en paiement. Le sous-acquéreur ne peut donc opposer au vendeur initial l'exception d'inexécution par le revendeur de son obligation, laquelle ne concerne que les rapports entre le revendeur et son acquéreur, auxquels le vendeur initial est un tiers.

Le sous-acquéreur, qui ne se libérera valablement qu'entre les mains du propriétaire, non entre celle du débiteur ou de son liquidateur (15), n'aura à s'exécuter que si la revendication est acceptée par le mandataire de justice compétent ou, à défaut, par le juge-commissaire. De même, la prétention du vendeur sous clause de réserve de propriété, qui entend demander au factor, auquel avaient été transmises les créances de revente des biens, la restitution de sommes par lui encaissées sur des sous-acquéreurs, à la suite de l'annulation du contrat d'affacturage, ne pourra prospérer que si sa demande en revendication a été acceptée (16).

Ainsi, au final, la cour d'appel a été censurée, en l'espèce, pour avoir oublié que ce que l'on appelle en pratique la revendication du prix recouvre bien deux actions distinctes, une action réelle en revendication exercée contre la procédure collective et une action personnelle en paiement initiée contre le sous-acquéreur, qui ne suivent pas nécessairement le même sort, même si le succès de l'action réelle est une condition sine qua non du succès de l'action personnelle en paiement.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Incidence du défaut de déclaration par la caution de sa créance subrogatoire lorsque le créancier a lui-même déclaré sa créance (Cass. com., 22 septembre 2009, n° 08-20.175, F-D N° Lexbase : A3497EL4)

Aux termes des dispositions de l'article 2306 du Code civil (N° Lexbase : L1204HIG, C. civ., art. 2029, anc. N° Lexbase : L2264ABH), "la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur". Cet article, propre au cautionnement, n'est que la reprise d'une règle générale posée par l'article 1251, 3°, du Code civil (N° Lexbase : L0268HPM) qui dispose que "la subrogation a lieu de plein droit : [...] 3° au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter". Cette disposition ouvre un cas de subrogation légale au profit de celui qui paye, en y étant tenu, la dette d'autrui. Cette subrogation, qui intervient à l'exact moment du paiement, a pour effet d'investir le subrogé de tous les droits et actions que le créancier subrogeant détenait à l'encontre du débiteur.

Dans l'hypothèse où le débiteur fait l'objet d'une procédure collective, la question s'est posée de savoir si la caution se trouvait dans l'obligation de procéder à la déclaration de créances résultant de cette subrogation. Dans l'espèce commentée, une banque s'était portée caution du remboursement des sommes qu'une société pourrait devoir à deux compagnies pétrolières. Avant que la banque, caution, ait été appelée, le débiteur principal avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Les créanciers avaient déclaré leur créance au passif du débiteur puis actionné la caution, laquelle s'était exécutée alors même que le délai de déclaration de créances n'était pas encore expiré.

Le paiement avait donné lieu à l'établissement d'une quittance subrogative sur la base de laquelle la banque, caution, avait demandé son admission aux lieu et place des sociétés pétrolières.

Le juge-commissaire avait prononcé l'admission de la banque subrogée. Cependant, la cour d'appel avait infirmé la décision du juge-commissaire. Pour statuer ainsi et rejeter la demande de la banque, les juges d'appel avaient considéré que, dès lors que le paiement effectué par la banque, caution, était intervenu postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et à l'intérieur du délai de déclaration de créances, il incombait à la caution de déclarer sa propre créance résultant de cette subrogation, ce qu'elle s'était gardée de faire.

Dans son arrêt en date du 22 septembre 2009, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au motif que "la caution solvens qui a payé après l'ouverture de la procédure collective du débiteur principal, n'est pas tenue de déclarer sa créance subrogatoire lorsque le créancier a lui-même, avant paiement, déclaré sa créance, peu important que le paiement ait eu lieu avant l'expiration du délai légal de déclaration".

Dans des circonstances analogues, les Hauts magistrats avaient déjà eu l'occasion de poser la solution selon laquelle le recours subrogatoire de la caution est préservé par une déclaration de créance effectuée par le créancier au passif du débiteur principal (17). Cependant, même si la solution n'est pas totalement nouvelle, cette confirmation mérite d'être soulignée et nous donne l'occasion de cerner la situation de la caution qui a procédé, après jugement d'ouverture, et à l'intérieur du délai de déclaration de créance, au paiement de la celle-ci.

Rappelons que la caution dispose de plusieurs recours contre le débiteur principal (18). Lui est d'abord ouvert un recours "exceptionnel", avant paiement, que lui offre l'article 2309 du Code civil (N° Lexbase : L1208HIL). La jurisprudence a récemment considéré que cette créance de recours, qui est une variété de recours personnel, naît de l'engagement de caution (19) et doit donc donner lieu à une déclaration de créance de la caution au passif du débiteur principal.

La caution dispose également de deux sortes d'actions en remboursement contre le débiteur principal : l'action personnelle en remboursement (C. civ., art. 2305 N° Lexbase : L1203HIE) et l'action subrogatoire en remboursement (C. civ., art. 2306 [LXB= L1204HIG]).

En exerçant l'action subrogatoire, la caution -pour reprendre l'expression d'une doctrine éminente (20)- "chausse les bottes du créancier désintéressé" et "bénéficie des avantages de sa position et souffre de ses faiblesses". Ainsi, pourra-t-elle bénéficier des sûretés du créancier (par exemple hypothèque, réserve de propriété, etc.) mais ne pourra, au travers de cette action, prétendre qu'à un remboursement limité au montant payé.

Pour sa part, l'action personnelle en remboursement lui permettra d'obtenir, outre le remboursement intégral du paiement effectué par elle, le remboursement de ses frais personnels, des intérêts à partir de son propre paiement ou des dommages-intérêts si l'exécution lui a causé un préjudice particulier.

Ces créances de recours doivent-elles donner lieu à déclaration ? Cette question est naturellement intimement liée à celle de leur fait générateur.

La Cour de cassation a considéré que, pour déterminer le fait générateur de la créance de recours personnel de la caution, il ne fallait pas prendre en considération la date de paiement effectué par cette dernière, ce qui aurait conduit à faire naître au profit de la caution une créance postérieure dès lors que son paiement aurait été postérieur au jugement d'ouverture. Au contraire, la Chambre commerciale affirme catégoriquement que la créance de recours personnel de la caution solvens naît de l'engagement de caution (21).

S'agissant du recours subrogatoire, dès lors que la caution "chausse les bottes du créancier désintéressé", la créance de la caution fondée sur ce recours est nécessairement antérieure, dès lors que la créance du créancier l'est également.

Ainsi, quel que soit le type de recours exercé par la caution, à partir du moment où la créance garantie est antérieure au jugement d'ouverture, la créance de recours de la caution l'est également et sera, à ce titre, appelée à être déclarée au passif. Cependant, la caution doit-elle nécessairement et systématiquement déclarer cette créance issue de son recours subrogatoire ?

Dès lors que la caution a désintéressé le créancier avant l'ouverture de la procédure collective, la réponse doit, indiscutablement, être affirmative.

Lorsque la caution a désintéressé le créancier après l'ouverture de la procédure collective et à l'intérieur du délai de déclaration de créance, la réponse doit être plus nuancée car il faut distinguer selon que le créancier a, de son côté, procédé ou non à la déclaration de sa créance qui était, par hypothèse, impayée au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur principal.

Si le créancier a procédé à la déclaration de créance avant d'être réglé par la caution, il ressort de l'arrêt rapporté que la caution ne sera pas tenue de déclarer sa créance de recours subrogatoire. La solution est parfaitement logique : dès lors que la caution, qui a "chaussé les bottes du créancier", se prévaut de son recours subrogatoire, elle peut à sa place, prétendre à l'admission de sa créance au passif. Une déclaration par la caution d'une créance fondée sur le recours subrogatoire serait d'ailleurs redondante comme faisant doublon avec la propre déclaration de créance du créancier dans les droits duquel la caution se trouve subrogée. Cependant, contre toute attente, la Chambre commerciale considère que la caution est en droit de déclarer également sa créance de remboursement fondée sur le recours subrogatoire en jugeant que "la créance dont la caution dispose par subrogation contre le débiteur principal est celle du subrogeant et peut donner lieu à une autre admission au passif du débiteur principal au profit de cette caution en sa qualité de subrogée dans les droits du créancier garanti" (22). Eu égard à la formulation large employée par la Cour de cassation, la solution, bien que rendue dans une hypothèse de sous-cautionnement (23), semble avoir vocation à s'appliquer en dehors même de cette hypothèse.

Si, en revanche, le créancier n'a pas procédé à la déclaration de sa créance avant d'être réglé par la caution à l'intérieur du délai de déclaration de créance, cette dernière doit, au contraire, impérativement procéder à une déclaration de créance fondée sur le recours subrogatoire (24).

La Cour de cassation a précisé que, si le créancier reçoit paiement à l'intérieur du délai de déclaration de créance, il n'a pas à déclarer sa créance (25). Cette solution semble sujette à critique dès lors que, par principe, sont soumis à l'obligation de déclarer leur créance les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d'ouverture afin que soit tirée une photographie du passif au jour de l'ouverture de la procédure. Le juge-commissaire doit, en effet, admettre la créance pour le montant dû au jour du jugement d'ouverture sans prendre en compte les paiements intervenus postérieurement qui émaneraient par exemple d'une caution (26). On conçoit mal, dans ces conditions, comment le créancier pourrait être dispensé de cette obligation de déclarer dès lors qu'il est créancier au jour du jugement d'ouverture. Cette situation peut, en outre, placer la caution dans une situation particulièrement délicate : dans l'hypothèse où le paiement effectué par la caution interviendrait quelques jours avant l'expiration du délai de déclaration de créance -voire le jour même de son expiration-, le créancier se trouverait dispensé d'avoir à déclarer sa créance alors que, dans le même temps, la caution se trouverait "au pied du mur" et devrait déclarer sa créance de recours subrogatoire sans délai. Il ne resterait plus à la caution qu'à d'obtenir un hypothétique relevé de forclusion ou à tenter de se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP) pour espérer être déchargée à hauteur du préjudice que lui aurait causé le fait que le créancier, tout en actionnant la caution juste avant l'expiration du délai de déclaration, n'ait pas déclaré sa créance.

Il aurait semblé plus rationnel de maintenir l'obligation pour le créancier de déclarer sa créance, dès lors que celle-ci existe au jour du jugement d'ouverture et ainsi dispenser, systématiquement et symétriquement, la caution d'avoir à procéder à la déclaration d'une créance fondée sur son recours subrogatoire.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) CA Paris, 5ème ch., sect. B, 4 février 1999, RJDA, 1999/11, n° 1236.
(2) Cass. com., 5 octobre 1993, n° 91-15.453, Société Illig Adolf Mashinenbau et Cie c/ M. Piollet, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Danglade, et autres, publié (N° Lexbase : A5736AB3), Bull. civ. IV, n° 317 ; Rev. huissiers, 1994, 187, note D. Vidal.
(3) Sur cette analyse, v. F. Pérochon, La revendication du prix de revente, D. Affaires, 1996, 1402, n° 14 ; M. Laroche, Revendication et propriété - Du droit des procédures collectives au droit des biens, coll. Th. Doctorat et notariat, t. 24, éd. Defrénois, 2007, p. 290, n° 450.
(4) V., not. F., Pérochon, Dictionnaire Permanent, Difficultés des entreprises, Clause de réserve de propriété et revendication, n° 58 ; E. Le Corre-Broly, La revendication du prix de revente sous l'éclairage de la jurisprudence, Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 3.
(5) M. Laroche, Revendication et propriété - Du droit des procédures collectives au droit des biens, préc..
(6) F. Pérochon, Dictionnaire Permanent, Difficultés des entreprises, Clause de réserve de propriété et revendication, nº 61.
(7) F. Pérochon, Dictionnaire Permanent, Difficultés des entreprises, Clause de réserve de propriété et revendication, nº 61 ; F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., n° 550-2.
(8) Cass. com., 21 février 2006, n° 04-19.672, Société Poncinoise de charpente et de menuiserie c/ Société Ceratherm, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1801DNZ), Bull. civ. IV, n° 43 ; D., 2006, AJ 718, obs. A. Lienhard, pan. 2255, obs. crit. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2006, chron. 1569, p. 672, n° 9, obs. M. Cabrillac ; Act. proc. coll., 2006/7, n° 81, note J. Vallansan ; Gaz. proc. coll., 2006/2, p. 49, obs. E. Le Corre-Broly ; RTDCom., 2007, 233, n° 5, obs. A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll., 2006/4, p. 361, n° 3, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; RJ com., 2006/5, p. 394, note J.-P. Sortais.
(9) V. obs. M. Cabrillac, sous Cass. com., 21 février 2006, n° 04-19.672, préc., JCP éd. E, 2006, chron. 1569, p. 672, n° 9 ; obs. E. Le Corre-Broly, Gaz. proc. coll. 2006/2, p. 49 ; F. Pérochon, Dictionnaire permanent - Recouvrement de créances et procédures d'exécution, Clause de réserve de propriété, n° 61 ; adde, F. Pérochon, La revendication du prix de revente, préc..
(10) F.-X. Lucas, obs. préc., sous Cass. com., 21 février 2006, préc..
(11) Cass com., 3 janvier 1995, n° 93-11.093, Société Saunier-Duval c/ Société TCHP et autres, publié (N° Lexbase : A8228ABD), Bull. civ. IV, n° 3, JCP éd. E, 1995, I, 457, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Rev. proc. coll., 1995, 198, n° 11, obs. B. Soinne.
(12) A. Lienhard, D., 2007, AJ 1729, note sous Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349, M. Günter Bastubbe, FS-P+B (N° Lexbase : A5511DWZ).
(13) CA Poitiers, ch. civ., 1ère sect., 16 mars 1994, Rev. proc. coll., 1995, 476, n° 13.
(14) Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349, préc. ; D., 2007, AJ 1729, note A. Lienhard ; Act. proc. coll., 200713, n° 153, note E. Le Corre-Broly ; RD banc. et fin., juillet-août 2007, p. 21, n° 155, note D. Legeais ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 224, n° 1, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; JCP éd. E, 2008, chron. 1207, n° 11, p. 32, obs. crit. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; RTDCom., 2008, 622, n° 3, obs. A. Martin-Serf.
(15) CA Paris, 3 décembre 1997, Rev. proc. coll., 2001, 19, n° 12, obs. B. Soinne.
(16) Cass. com., 20 septembre. 2005, n° 04-10.129, M. Günter Bastubbe c/ Société GE Factofrance SNC, F-D (N° Lexbase : A5137DKH).
(17) Cass com., 26 mai 1999, n° 96-16.126, Groupe Saint-Père, anciennement société Agrilait Ouest portefeuille, c/ M. René Terrier et autres, inédit (N° Lexbase : A8826AGY).
(18) Sur la question, v. not., M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac, Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 8ème éd, n° 269 et s..
(19) Cass com., 3 février 2009, n° 06-20.070, Mme Maria Carlino, divorcée de Bruijn, FS-P+B (N° Lexbase : A9438ECK), JCP éd. E, 2009, 1347, n° 12, obs. M. Cabrillac.
(20) M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac, P. Pétel, Droit des sûretés, préc., n° 271.
(21) Cass. com., 1er mars 2005, n° 02-13.176, M. Louis, Pierre, Marie Gaborit c/ M. Edouard Guinard, F-D (N° Lexbase : A0946DHI), D., 2005, jur. p. 1365, note P.-M. Le Corre, Gaz. proc. coll., 2005/2, p. 42, obs. P.-M. Le Corre, P.-M. Le Corre, La créance de recours de la caution solvens après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4227AIE) ; Cass com., 1er avril 2008, n° 07-12.238, M. Florent Rovira, F-D (N° Lexbase : A7710D7P), JCP éd. E, 2008, chron. 2013, n° 7, obs. Ph. Simler ; Cass. com., 30 septembre 2008, n° 07-18.479, M. Philippe Blériot, F-D (N° Lexbase : A5948EAK) ; v., dans le même sens, à propos du recours de la caution solvens contre un cofidéjusseur, Cass. com., 16 juin 2004, n° 01-17.199, M. Philippe Jeannerot c/ M. Adine Nevada, FS-P+B (N° Lexbase : A7318DCZ), Bull. civ. IV, n° 123, D., 2004, AJ p. 2046, Act. proc. coll., 2004/15, n° 185, note D. Legeais, JCP éd. E, 2005, chron. 31, p. 32, n° 15, obs. M. Cabrillac, RD banc. et fin., 2004/5, p. 326, n° 200, obs. D. Legeais et 2004/6, p. 410, n° 244, obs. F.-X. Lucas, RTDCom., 2004, p. 812, note A. Martin-Serf, RTDCiv., 2004, p. 758, n° 2, obs. P. Crocq, Gaz. Pal., 1 au 3 août 2004, p. 12, note P.-M. Le Corre, Du fait générateur de la créance de remboursement détenue par la caution, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2336AB7). Selon cet arrêt, "la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil [devenu C. civ., art. 2310 N° Lexbase : L1209HIM], prend naissance à la date de l'engagement de caution".
(22) Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-11.390, M. Jean-Claude Masson c/ Crédit agricole mutuel de Franche-Comté, F-P+B (N° Lexbase : A7104DKC), Bull. civ. IV, n° 197 ; JCP éd. E, 2006, chron. 1066, p. 76, n° 14, obs. M. Cabrillac, JCP éd. E, 2006, chron. 1753, p. 856, n° 7, obs. Ph. Simler.
(23) Ce qui est relevé par un auteur : M. Cabrillac, sous Cass. com., 4 octobre 2005, préc. dans ses obs. préc..
(24) Cass com., 13 avril 1999, n° 96-18.183, M. Cardi c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), publié (N° Lexbase : A8042AGX), Bull. civ. IV, n° 85 ; D. Affaires, 1999, p. 906, obs. V. Avéna-Robardet ; D., 2000, somm. p. 99, obs. A. Honorat ; Act. proc. coll., 1999/10, n° 133 ; JCP éd. E, 1999, chron. 1534, n° 13, obs. M. Cabrillac ; LPA, 8 juin 1999, n° 113, p. 6, note P.-M. Le Corre ; RTDCom., 1999, p. 973, obs. A. Martin-Serf.
(25) Cass com., 21 février 2006, n° 05-10.603, Société Fuchs labo auto c/ M. Franck Candelier, F-D (N° Lexbase : A1871DNM), JCP éd. E, 2006, chron. 1753, p. 855, n° 7, obs. Ph. Simler ; Gaz. proc. coll., 2006/3, p. 39, obs. P.-M. Le Corre.
(26) Cass. com., 2 février 1999, n° 95-15.291, Société Premeco, publié (N° Lexbase : A2192A4X), Bull. civ. IV, n° 34, D. affaires, 1999, p. 636, obs. L. F. ; JCP éd. G, 1999, I, 139, n° 5, obs. M. Cabrillac, RTDCom., 1999, p. 974, obs. A. Martin-Serf, Rev. proc. coll., 2000, 56, n° 5, obs. E. Kerckhove, LPA, n° 65 du 1er avril 1999, p. 7 ; Cass. com., 24 juin 2003, 2 arrêts, n° 01-11.944, Société Banque nationale de Paris Paribas (BNP Paribas) c/ Société Tersac, F-D (N° Lexbase : A9704C8W) et n° 02-11.062, Société BNP Paribas c/ Société Arend et compagnie, F-D (N° Lexbase : A9833C8P).

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