La lettre juridique n°337 du 12 février 2009 : Environnement - Bulletin d'actualités n° 2

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Commentaire de la Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, relative aux déchets"

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[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Commentaire de la Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, relative aux déchets". Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211495-textes-bulletin-droit-de-lenvironnement-du-b-cabinet-savin-martinet-associes-b-actualites-commentair
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le 07 Octobre 2010

La nouvelle Directive-cadre relative aux déchets du 19 novembre 2008 a pour objectif principal la mise en place de mesures visant à protéger l'environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets (Directive (CE) 2008/98 du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, relative aux déchets N° Lexbase : L8806IBR). Cette Directive, qui devra être transposée par les Etats membres avant le 12 décembre 2010, vise à clarifier les définitions (I) et les responsabilités en matière de gestion des déchets (II), ainsi qu'à promouvoir la mise en place de mesures destinées à améliorer la prévention et le recyclage des déchets (III). I - La clarification de certaines notions

Les précisions apportées par la Directive permettent de fixer l'étendue du champ d'application de la réglementation relative aux déchets (A) et de clarifier des notions de base relatives à la gestion des déchets (B).

A - La clarification des notions relatives au champ d'application de la Directive

La Directive définit la notion de déchets (1) et établit les exclusions de son champ d'application (2).

1. La définition du déchet

La notion de déchet est définie à l'article 3 de la Directive, comme "toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire". Cette définition est quasiment inchangée par rapport à la réglementation en vigueur : elle est simplement allégée par la suppression de la référence aux catégories de déchets listées en annexe.

2. Les exclusions du champ d'application de la Directive

L'article 2 est consacré aux exclusions du champ d'application de la Directive : la Directive étend le nombre des exclusions (a) et mentionne expressément les sols non excavés (b). Deux types de substances ne figurant pas à l'article 2 sont également exclus du champ d'application de la Directive : les sous-produits (c) et les déchets qui n'en sont plus (d).

a) Des exclusions plus nombreuses

Les exclusions listées par la Directive sont les suivantes :

- les exclusions traditionnelles (effluents gazeux émis dans l'atmosphère, explosifs déclassés, etc.) ;
- les substances et objets couverts par d'autres dispositions communautaires (eaux usées, déchets résultant de l'exploitation des carrières, etc.) ;
- les nouvelles exclusions (sédiments déplacés au sein des eaux de surface, matières naturelles -biomasse- servant à la production d'énergie...).

b) Les sols pollués non excavés

La Directive énonce clairement que les sols pollués non excavés, biens immeubles, ne sont pas des déchets. Cette disposition est primordiale en ce qu'elle met un terme à la jurisprudence "Van de Walle" de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 7 septembre 2004, aff. C-1/03, Paul Van de Walle, Daniel Laurent, Thierry Mersch et Texaco Belgium SA N° Lexbase : A2690DDY). Dans cet arrêt rendu le 7 septembre 2004, la Cour avait estimé que des terres polluées par des hydrocarbures, y compris lorsque ces terres n'ont pas été excavées, étaient des déchets. Cette décision, en élargissant considérablement le champ de la définition des déchets, avait suscité de fortes interrogations quant au régime applicable à la gestion des sols pollués. En droit interne, un problème juridique s'était alors posé quant à l'articulation entre les législations "déchets" et "installations classées". Une circulaire du ministre de l'Ecologie et du Développement durable du 1er mars 2005 était venue écarter tout changement de politique en matière de gestion des sols pollués. Cependant, cette solution n'était pas entièrement satisfaisante eu égard à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la CJCE. La Directive est donc venue rétablir la cohérence un temps perdue entre droit communautaire et droit interne, grâce à l'exclusion des sols pollués non excavés de son champ d'application.

c) Les sous-produits

Aux termes de l'article 5 de la Directive, un sous-produit est "une substance ou un objet issu d'un processus de production dont le but premier n'est pas la production dudit bien". Sa réutilisation doit être certaine, sans transformation préalable, et dans la continuité du processus de production. La Directive précise, en outre, que l'utilisation ultérieure du sous-produit ne devra pas avoir d'incidences globales nocives pour l'environnement ou la santé humaine.

d) La fin du statut de déchet

L'article 6 de la Directive prévoit la fin du statut de déchets pour des déchets qui ont subi une opération de valorisation ou de recyclage et qui n'ont pas d'effets globaux nocifs pour la santé ou l'environnement (déchets de construction et de démolition, certaines cendres et scories, la ferraille, les granulats, les pneumatiques, les textiles, le compost, les déchets de papier et le verre, etc.).

Les substances n'étant plus des déchets doivent respecter les critères suivants, pouvant être définis au niveau communautaire ou par les Etats membres au cas par cas :

- l'utilisation courante à des fins spécifiques ;
- l'existence d'un marché ou d'une demande ;
- le respect des exigences techniques, normes et réglementations en vigueur ;
- l'innocuité (les Etats membres peuvent imposer le respect de valeurs limites en polluants).

B - La clarification des notions de base relatives à la gestion des déchets

Les notions suivantes sont notamment définies par la Directive :

- la collecte : il s'agit du ramassage des déchets, mais également de leur stockage temporaire et provisoire avant transport vers une installation de traitement ;
- la valorisation : alors que la Directive "déchets" de 2006 (Directive 2006/12 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 N° Lexbase : L4374HIT) établissait simplement une liste des opérations de valorisation, la Directive définit à présent la valorisation comme "toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d'autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l'usine ou dans l'ensemble de l'économie". Comme auparavant, la Directive fixe une liste des opérations de valorisation, mais cette liste présente un caractère non exhaustif ;
- l'élimination : l'élimination n'est plus réduite à une simple liste d'opérations. Elle est définie à l'article 3 de la Directive comme "toute opération qui n'est pas de la valorisation même lorsque ladite opération a comme conséquence secondaire la récupération de substances ou d'énergie" ;
- le recyclage : la Directive précise que le recyclage inclut le retraitement des matières organiques, mais pas la valorisation énergétique, la conversion pour l'utilisation comme combustible ou pour des opérations de remblayage.

II - La clarification des responsabilités

L'un des apports importants de la Directive réside également dans ses dispositions permettant de clarifier les responsabilités. Tout d'abord, l'extension du régime de la responsabilité élargie du producteur permet d'inciter les producteurs de produits à une prise en charge des produits tout au long de leur cycle de vie (A). La Directive prévoit, également, la responsabilité et les coûts de la gestion des déchets (B).

A - La responsabilité élargie du producteur

La responsabilité élargie du producteur est un instrument de politique environnementale qui étend les obligations du producteur à l'égard du produit tout au long de son cycle de vie, et ceci dès sa conception. Cette responsabilité élargie existait déjà dans des Directives sectorielles, notamment la Directive du 27 janvier 2003, relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (Directive 2002/96 N° Lexbase : L4790A9B). Elle est maintenant consacrée par la Directive-cadre sur les déchets, qui prévoit que, pour mettre en place un tel régime de responsabilité, les Etats membres peuvent :

- mettre en place l'obligation pour le producteur d'accepter les produits renvoyés et les déchets qui subsistent après l'utilisation de ces produits ;
- instaurer la prise en charge et la responsabilité financière du producteur de la gestion des déchets ;
- encourager la conception par le producteur de produits ayant des incidences réduites sur l'environnement.

Le producteur du produit est défini à l'article 8-1 de la Directive comme étant la personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits.

B - La responsabilité et les coûts de la gestion des déchets

L'article 15 de la Directive, relatif à la responsabilité de la gestion des déchets, prévoit que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui-même ou fait procéder à leur traitement.

La Directive définit les notions de producteur et de détenteur de déchets dans son article 2 :

- le producteur de déchets est défini comme étant "toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur de déchets initial) ou toute personne qui effectue des opérations de prétraitement, de mélange ou autres conduisant à un changement de nature ou de composition de ces déchets" ;
- le détenteur de déchets peut être "le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession".

La Directive va ainsi dans le sens de la jurisprudence de la CJCE, qui a estimé récemment, dans un arrêt "Commune de Mesquer" du 24 juin 2008 (CJCE, 24 juin 2008, aff. C-188/07, Commune de Mesquer c/ Total France SA N° Lexbase : A2899D9A), pris en réponse à une question préjudicielle de la Cour de cassation française dans le cadre de l'affaire du naufrage de l'Erika (Cass. civ. 3, 28 mars 2007, n° 04-12.315, FS-D N° Lexbase : A7897DUZ), que "les 'détenteurs antérieurs' ou le 'producteur du produit générateur' peuvent, conformément au principe du pollueur-payeur, être tenus de supporter le coût de l'élimination des déchets. Ainsi, cette obligation financière leur incombe en raison de leur contribution à la génération desdits déchets et, le cas échéant, au risque de pollution qui en résulte".

L'article 14 de la Directive est consacré à la prise en charge des coûts de la gestion des déchets. Il prévoit que :
- conformément au principe du pollueur-payeur, les coûts de la gestion des déchets sont supportés par le producteur de déchets initial ou par le détenteur actuel ou antérieur des déchets, conformément à la responsabilité de la gestion des déchets instaurée par l'article 15 de la Directive ;
- les Etats membres peuvent décider que les coûts de la gestion des déchets doivent être supportés en tout ou en partie par le producteur du produit qui est à l'origine des déchets et faire partager ces coûts aux distributeurs de ce produit, conformément au régime de responsabilité élargie du producteur prévu par l'article 8 de la Directive.

III - Les mesures visant à améliorer la prévention ainsi que la préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets

La Directive (art. 4) établit une hiérarchie des modes de traitement des déchets, dans l'ordre suivant :

- prévention ;
- préparation en vue du réemploi ;
- recyclage ;
- autre valorisation, notamment valorisation énergétique ;
- élimination.

La priorité est accordée à la prévention, qui vise à réduire à la source la quantité de déchets produits ainsi que la réduction de leurs effets nocifs sur l'environnement et la santé humaine. La priorité donnée à la prévention s'illustre par la consécration de la responsabilité élargie du producteur.

L'amélioration des mesures de gestion des déchets passe, en outre, par :

- la fixation d'objectifs chiffrés en matière de préparation en vue du réemploi et pour le recyclage de certains déchets (A) ;
- la mise en place de plans et programmes permettant d'améliorer aussi bien la prévention des déchets, que leur préparation en vue d'un réemploi ou leur recyclage (B).

A -  Des objectifs chiffrés pour la préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets

Les mesures prévues par la Directive ont pour ambition d'amener les Etats membres à "tendre vers une société européenne du recyclage, avec un niveau élevé de rendement des ressources" (art. 11), en leur imposant :

- d'une part, d'atteindre d'ici 2020 un minimum de 50 % de préparation en vue du réemploi et de recyclage pour le papier, le métal, le plastique et le verre contenus dans les déchets ménagers et assimilés ;
- d'autre part, de mettre en place des collectes séparées de déchets, lorsqu'elles sont réalisables et souhaitables d'un point de vue technique, environnemental et économique. Pour le papier, le métal, le plastique et le verre, la Directive prévoit que cette collecte séparée est instaurée d'ici 2015.

B - La mise en oeuvre de plans et programmes

Des plans de gestion (1) et de prévention des déchets (2) doivent être établis par les Etats membres. L'article 30 de la Directive prévoit que ces plans sont évalués, et révisés si nécessaire, au moins tous les six ans. L'article 31 de la Directive prévoit que le public soit associé à l'élaboration de ces plans et puisse y avoir accès après leur adoption. Il convient de noter que les Etats membres fournissent également tous les trois ans à la commission un rapport sur la mise en oeuvre de la Directive.

1. Les plans de gestion des déchets

Les plans de gestion des déchets doivent comporter :

- une analyse de la situation en matière de gestion des déchets dans les Etats membres ;
- des mesures à prendre pour améliorer la préparation des déchets en vue de leur réemploi, recyclage, valorisation ou élimination ;
- une évaluation de la manière dont les mesures envisagées soutiennent la mise en oeuvre des dispositions et la réalisation des objectifs de la Directive.

Les plans de gestion sont établis conformément aux grands principes encadrant la réglementation relative aux déchets, comme la protection de la santé humaine et de l'environnement et doivent également respecter les principes d'autosuffisance et de proximité. Le respect des principes d'autosuffisance et de proximité ne signifient pas pour autant que chaque Etat membre doive posséder la panoplie complète d'installations de valorisation finale sur son territoire (art. 16).

2. Les dispositions relatives à la prévention des déchets

Outre les documents établis par la commission, c'est-à-dire un rapport d'étapes, un plan d'action, ainsi que la définition d'objectifs de prévention des déchets (art. 9), la Directive prévoit que les Etats membres établissent des programmes de prévention des déchets (art. 29). Ces programmes doivent fixer des objectifs en matière de prévention des déchets et "visent à rompre le lien entre la croissance économique et les incidences environnementales associée à la production de déchets" (art. 9). Ils peuvent être élaborés de manière indépendante ou être intégrés aux plans de gestion des déchets.

En conclusion, la Directive ne provoque pas une révolution dans la réglementation communautaire sur les déchets, mais s'inscrit plutôt dans la continuité de la réglementation en vigueur. Elle présente toutefois quelques apports significatifs, notamment au niveau conceptuel grâce à de nombreuses définitions et précisions. La Directive doit donc permettre aux Etats membres de l'Union européenne de faire un pas de plus vers les objectifs ambitieux de l'article 174 du Traité instituant la Communauté européenne , à savoir la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement, la protection de la santé des personnes, l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ainsi que la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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