La lettre juridique n°399 du 17 juin 2010 : Fiscalité des entreprises

[Questions à...] "Ma petite entreprise"... ou la naissance d'un nouveau statut pour les entrepreneurs - Questions à Maître Franck Demailly, Avocat associé, Ducellier Avocats

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 07 Octobre 2010

La loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), adoptée au terme d'une procédure accélérée, a été publiée au Journal officiel du 16 juin 2010 (loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée N° Lexbase : L5476IMR). Très attendue par des centaines de milliers d'entrepreneurs en nom propre -ceux-ci représentent à ce jour plus de 1,4 million de chefs d'entreprise, soit près de la moitié de l'ensemble des entreprises existantes en France- cette loi a pour objet de permettre la création d'un patrimoine professionnel séparé, répondant ainsi à la préoccupation d'une protection des biens personnels en cas de faillite, sans création d'une personne morale. En effet, l'"Homo entreprenarius", serait-on tenté de dire, ou l'individu désireux de créer et développer une activité qu'elle soit commerciale, agricole, artisanale ou libérale, présente une réticence certaine à recourir à la forme sociétale, pourtant limitative de l'engagement de sa responsabilité, ce malgré les efforts du législateur pour simplifier les modalités de création et de fonctionnement de la société unipersonnelle. Pour concilier ses intérêts, ce dernier lui offre donc un nouveau statut, celui de l'EIRL. Sur le plan fiscal, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée a le choix d'opter soit pour l'impôt sur le revenu, soit pour l'impôt sur les sociétés. Pour appréhender les aspects fiscaux de ce nouveau statut, nous avons rencontré Maître Franck Demailly, Avocat associé Ducellier Avocats. En quelques chiffres, l'étude d'impact menée préalablement au dépôt du projet de loi prévoit 100 000 EIRL d'ici à fin 2012 correspondant à 60 000 créations nouvelles, 35 000 transformations d'entreprises individuelles existantes en EIRL, et 5 000 créations par transformations issues d'EURL. Il faudra, toutefois, attendre début 2011 pour que la loi entre en vigueur afin de permettre au Gouvernement d'adapter, entre temps, par voie d'ordonnance, l'EIRL au droit des procédures collectives.

Lexbase : Pouvez-vous présenter brièvement le régime fiscal de l'EIRL ?

Maître Franck Demailly : La mesure phare du nouveau dispositif de l'EIRL est celle qui permet à l'exploitant individuel de séparer son patrimoine privé de son patrimoine professionnel seul affecté en garantie à ses créanciers professionnels. Le régime fiscal de droit commun de l'EIRL sera celui de l'impôt sur le revenu selon les règles applicables à la catégorie des revenus correspondant à la nature de l'activité exercée (BIC, BNC, BA).

L'autre nouveauté est fiscale et elle offrira à l'EIRL la possibilité d'opter pour un assujettissement à l'impôt sur les sociétés. C'est un principe d'égalité fiscale, nous dit le rapport de M. Jean-Jacques HYEST (Rapport au Sénat n° 362-2009-2010) fait au nom de la commission des lois et déposé le 24 mars 2010 qui a guidé la conception du projet vers la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés pour les EIRL par l'assimilation fiscale de cette dernière à l'EURL. Le texte viendrait donc réparer l'injustice fiscale qui existait entre l'EURL et l'entreprise individuelle.

Malgré l'absence de personnalité morale, l'entrepreneur individuel pourra désormais opter pour le régime fiscal réservé aux sociétés commerciales. En effet, jusqu'alors, l'entreprise individuelle n'avait pas cette personnalité fiscale qui était seulement reconnue au contribuable personne physique qui devait ajouter aux revenus de son foyer fiscal le résultat de son entreprise.

Lexbase : Quels avantages présente l'option pour l'IS ?

Maître Franck Demailly : A l'avenir, l'entrepreneur-EIRL ayant opté pour l'impôt sur les sociétés déterminera le bénéfice réalisé par son entreprise en y incluant dans les charges déductibles de son résultat, la rémunération qu'il s'octroie. L'entreprise individuelle soumettra son résultat net à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun ou/et au taux réduit.

Dans ces conditions, l'entrepreneur individuel ne sera plus fiscalisé (à l'impôt sur le revenu), ni soumis à cotisations sociales sur le résultat qui sera réinvesti, alors que, jusque maintenant, il n'était pas fait de distinction entre les bénéfices prélevés et ceux laissés à disposition de l'entreprise.

L'option pour l'impôt sur les sociétés devrait ainsi favoriser l'autofinancement en incitant les entrepreneurs à conserver dans leur patrimoine affecté une partie de leurs bénéfices en vue de constituer des fonds propres. L'entreprise individuelle pourrait alors devenir une structure de croissance après avoir longtemps été une structure de subsistance (1).

L'exploitant sera, lui, soumis à l'impôt sur le revenu sur la rémunération qu'il s'accorde. Les dividendes versés supporteront l'impôt sur le revenu en revenus de capitaux mobiliers.

Lexbase : Quels sont les avantages/inconvénients que présente l'EIRL par rapport à l'EURL ?

Maître Franck Demailly : La loi créé un nouvel article 1655 sexies du CGI qui précise que l'EIRL (hors micro) est assimilé à l'EURL.

L'assimilation fiscale de l'EIRL au régime de l'EURL ci-dessus évoquée n'est toutefois pas totale et trouve ses limites puisqu'il est prévu une disposition anti-abus résultant de l'article 7 de la loi et créant un article L. 131-6-3 dans le Code de la Sécurité sociale.

Ainsi, pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale du dirigeant, le revenu professionnel intègrera également les dividendes versés excédant 10 % du montant de la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d'exercice ou la part de ces revenus qui excède 10 % du montant du bénéfice net si ce dernier montant est supérieur.

L'intention du législateur qui est de préserver les recettes sociales est de contrer les mécanismes "offensifs" d'optimisation sociale qui consisteraient à privilégier les dividendes non cotisables (hors CSG CRDS) au détriment de la rémunération sur laquelle les cotisations sociales TNS sont assises. Ce dispositif dit "anti-abus" qui est calqué sur ce qui existe déjà pour les sociétés d'exercice libéral préfigure sans doute des évolutions à venir en ce qui concerne les dividendes versés à tous les gérants TNS.

En attendant, ce mécanisme créé aujourd'hui une nouvelle injustice entre les EIRL et les EURL dont les dividendes versés, pour ces dernières, ne sont pas soumis à cotisations sociales.

Ce traitement différencié des dividendes versés est un des derniers critères de choix qui pourrait plaider en faveur du choix de l'EURL.

Lexbase : Quid des conséquences fiscales du passage du statut de l'entrepreneur individuel à celui de l'EIRL ?

Maître Franck Demailly : La création de l'EIRL s'effectue par une simple déclaration d'affectation des biens au registre dont dépend le professionnel concerné.

Cette création n'entraîne aucune conséquence fiscale particulière, si ce n'est celle de se placer sous le régime du nouvel article L. 273 B du LPF qui prévoit un dispositif anti-abus pour les entrepreneurs qui seraient tentés d'échapper à leurs obligations fiscales.

Conformément au nouvel article 1655 sexies du CGI, l'option à l'impôt sur les sociétés devrait emporter pour l'EIRL les mêmes conséquences fiscales qu'une telle option implique pour l'EURL (notamment l'imposition immédiate des bénéfices non encore taxés).


(1) Voir à ce propos : Maurice Cozian, Précis de fiscalité des entreprises.

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