La lettre juridique n°328 du 27 novembre 2008 : Procédures fiscales

[Jurisprudence] Le contribuable "hors la procédure d'imposition" : l'opposition au contrôle fiscal libère l'administration de son obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a recueillis auprès de tiers

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 6 octobre 2008, n° 299933, n° 299934 et n° 299935, M. de Caigny et a. (N° Lexbase : A7093EAX)

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[Jurisprudence] Le contribuable "hors la procédure d'imposition" : l'opposition au contrôle fiscal libère l'administration de son obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a recueillis auprès de tiers. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210686-jurisprudence-le-contribuable-hors-la-procedure-dimposition-lopposition-au-controle-fiscal-libere-la
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par Frédéric Dieu, commissaire du Gouvernement près la cour administrative d'appel de Marseille

le 07 Octobre 2010

L'obligation d'information du contribuable imposée par la jurisprudence lorsque l'administration fonde ses redressements sur des renseignements obtenus de tiers s'impose-t-elle, aussi, en cas d'évaluation d'office faisant suite à une opposition à contrôle fiscal ? Telle était la question à laquelle devait répondre le Conseil d'Etat dans les trois pourvois en cassation dont l'avaient saisi les trois gérants d'une société spécialisée dans le commerce de boissons, pourvois qui ont donné lieu à la décision du 6 octobre 2008 (CE 3° et 8° s-s-r., 6 octobre 2008, n° 299933, n° 299934 et n° 299935, M. de Caigny et autres, à paraître à la RJF 12/08 n° 1363, concl. Mme N. Escaut à paraître au BDCF 12/08 n° 155). Dans cette décision, le Conseil d'Etat considère qu'en s'opposant au contrôle fiscal, le contribuable s'est lui-même "placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition" et des garanties propres à cette procédure, qu'elle soit contradictoire ou d'office, et "notamment de celle tenant à l'obligation qui pèse sur le service d'informer l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements qu'il a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication ou qu'il a utilisés pour arrêter les bases de l'imposition". De manière remarquable même si elle est implicite, le Conseil d'Etat semble ainsi estimer que la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal n'est pas véritablement une procédure d'imposition mais marque au contraire l'échec, en raison du comportement du contribuable, d'une telle procédure. Le contribuable qui s'oppose au contrôle fiscal est ainsi regardé comme s'étant placé hors la procédure d'imposition et c'est pourquoi l'exclusion de l'obligation d'information du contribuable sur les renseignements recueillis par l'administration résulte, selon la décision du 6 octobre 2008, de la nature même de l'opposition au contrôle fiscal manifestée par ce dernier. 1. Si l'administration fiscale a, en principe, l'obligation d'informer le contribuable sur l'origine et la teneur des renseignements qu'elle a recueillis auprès de tiers...

1.1. L'administration a, en principe, l'obligation d'informer le contribuable des renseignements qu'elle a recueillis dans l'exercice de son droit de communication ou qu'elle a utilisés pour arrêter les bases de l'imposition, sous peine d'irrégularité de la procédure

Lorsque l'administration utilise des renseignements qu'elle a recueillis auprès de tiers pour établir ou rectifier une imposition, elle doit informer le contribuable de l'origine et de la teneur de ces renseignements, afin qu'il puisse demander la communication des pièces en cause, avant la mise en recouvrement. Ces règles, d'abord dégagées par la jurisprudence, ont été ensuite codifiées à l'article L. 76 B du LPF (N° Lexbase : L7606HEG) par l'article 27 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 (N° Lexbase : L4620HDH). L'obligation qui pèse ainsi sur l'administration trouve le plus souvent à s'appliquer lorsque celle-ci a obtenu des documents ou des renseignements dans l'exercice de son droit de communication, mais elle ne se limite pas à ce cas et vise l'ensemble des renseignements et documents obtenus auprès de tiers (par exemple, renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité d'un tiers : CAA Paris, 2ème ch., 15 décembre 2004 n° 01PA03912, Société Tessier One N° Lexbase : A1148DID, RJF, 07/05 n° 737 ; ou encore, renseignements recueillis à l'occasion d'une réclamation déposée par un tiers : CAA Lyon, 13 décembre 2001, 2ème ch., n° 01LY00578, M. Jean Philippe Lemaire N° Lexbase : A7648A4Z, RJF, 07/02, n° 823, concl. A. Bonnet, Dr. Fisc., 30-35/02, n° 645). Précisons que l'administration n'est pas tenue de communiquer spontanément les documents invoqués. C'est au contribuable d'en demander la communication (CE, 10 juillet 1996, n° 160164, Minefi c/ M. Jacob N° Lexbase : A0428APK, RJF, 10/96, n° 1176).

L'article 76 B du LPF met ainsi à la charge de l'administration la double obligation d'informer le contribuable sur la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers et utilisés dans le cadre d'une procédure de rectification, d'une part, et de lui communiquer, sur demande, lesdits documents avant la mise en recouvrement des impositions, d'autre part. L'instruction 13 L-6-06 adoptée le 21 septembre 2006 (N° Lexbase : X7347ADH) pour l'application de ces nouvelles dispositions impose aux services une règle stricte et claire en précisant que le non-respect de cette obligation constitue une erreur substantielle (§ 2) et donne une interprétation large de l'obligation en matière d'origine, interprétée comme étant "les conditions de leur obtention", ce qui impose au service de porter à la connaissance du contribuable : "La procédure ayant permis de les obtenir (droit de communication, procédure de visite et de saisie, questionnement...) ; l'identité du tiers auprès duquel cette procédure a été diligentée (autorité fiscale étrangère, autorité judiciaire, entreprise) ; la nature du document, c'est-à-dire le support de l'information (document administratif, procès-verbal, facture, contrat)" (§ 9).

Soulignons, enfin, que le défaut de respect de cette obligation d'information, comme de l'obligation de communication des éléments en cause lorsque le contribuable le demande, entraîne l'irrégularité de la procédure d'imposition et la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents (voir, par exemple : CE, 10 juin 1998, n° 168322, Minefi c/ SARL "Le Sansa's" N° Lexbase : A7339ASM ; CE, 13 octobre 1999, n° 181010 et n° 181209, Minefi c/ Blanc N° Lexbase : A5023AXC ; CE, 16 novembre 2005, n° 270342, Minefi c/ SARL Manufacture française des chaussures Eram N° Lexbase : A6328DLX, et toute la jurisprudence à l'exception des quatre décisions indiquant que la mention de l'origine ne constitue pas une formalité substantielle).

1.2. Cette obligation est destinée à garantir les droits de la défense et la loyauté du débat fiscal

Au stade du redressement, l'administration ne peut échapper au principe général des droits de la défense. Ce principe, dégagé depuis longtemps dans le cadre du contentieux général, exige que tout un chacun soit mis à même de présenter ses observations avant qu'une décision prise en considération de sa personne et présentant une certaine gravité ne soit prise. La jurisprudence lui a récemment donné une extension nouvelle, en jugeant qu'il était applicable lorsque la mesure envisagée reposait sur l'appréciation d'une situation individuelle et alors même que la décision était fondée sur des éléments de caractère purement objectif, dès lors que l'administration remettait en cause les éléments déclarés par l'administré (CE, 7 décembre 2001, n° 206145, SA Ferme de Rumont N° Lexbase : A7331AXS, RJF, 2/02, n° 180, chronique J. Maïa, RJF, 4/02, p. 287, concl. F. Séners, BDCF, 2/02, n° 24, Lebon p. 638). En matière fiscale, cette jurisprudence a été appliquée à la taxe professionnelle, d'abord (CE 9° et 10° s-s-r., 5 juin 2002, n° 219840, Simoens N° Lexbase : A8663AYI, RJF, 8-9/02, n° 934, chronique L. Olléon, RJF, 12/02, p. 951, concl. J. Courtial, BDCF, 8-9/02, n° 113) et à la taxe foncière, ensuite, du moins en tant que la loi impose, pour cet impôt, non déclaratif dans son principe, certaines obligations de déclaration (CE, 29 juin 2005, n° 271893, Minefi c/ Société Sud-Ouest Bail N° Lexbase : A0248DKE, RJF, 10/05, n° 1038, concl. L. Olléon, BDCF, 10/05, n° 115). Le Conseil d'Etat a, d'ailleurs, précisé que le respect des droits de la défense s'imposait même lorsque le contribuable s'était abstenu de souscrire la déclaration à laquelle il était tenu (CE, 2 juillet 2003, n° 233944, M. Guth N° Lexbase : A1974C9Y, RJF, 10/03, n° 1110, concl. G. Goulard, BDCF, 10/03, n° 119, s'agissant de la taxe professionnelle et CE, 29 juin 2005, n° 271893, précité, s'agissant de la taxe foncière).

S'agissant plus précisément du droit de communication, une décision du 18 décembre 1968 relevait, déjà, que "la circonstance que l'inspecteur a tenu compte pour déterminer les bases de redressement d'un rapport de police n'est pas de nature à vicier la procédure d'imposition dès lors que la société requérante avait eu la possibilité d'apporter la preuve des prétendues inexactitudes contenues dans ledit rapport" (CE, 18 décembre 1968, n° 74520 N° Lexbase : A2596B8N, Dupont 1969 p. 66). L'obligation de communication a été plus nettement affirmée encore par une décision du 7 mai 1980 jugeant que le vérificateur peut légalement utiliser des éléments d'information recueillis chez un autre contribuable à la seule condition que le contribuable vérifié soit mis à même de les contester au cours de la procédure contradictoire (CE, 7 mai 1980, n° 8255, RJF, 6/80, n° 499). Il a, ensuite, rattaché explicitement cette obligation au principe général des droits de la défense (CE, 31 octobre 1990, n° 51223, Centre des infirmières danoises diplômées N° Lexbase : A5318AQZ, RJF, 12/90, n° 1513) et l'a réaffirmée constamment depuis.

Dégagée pour la procédure contradictoire (CE, 14 mai 1986, n° 59590 N° Lexbase : A3877AMK, RJF, 7/86, n° 719, concl. P.-F. Racine, Dr. fisc., 40/86, n° 1674 ; CE, 9 juillet 1986, n° 30770 N° Lexbase : A3898AMC, RJF, 10/86, n° 917, concl. P.-F. Racine, Dr. fisc., 52/86, n° 2392), cette garantie a été étendue aux procédures d'imposition d'office : d'abord la rectification d'office (CE, 3 décembre 1990, n° 103101, SA Antipolia N° Lexbase : A4680AQE : RJF, 2/91, n° 200, concl. J. Arrighi de Casanova, Dr. fisc., 7/91, n° 259), puis l'évaluation d'office (CE, 6 juillet 1994, n° 120118, Gozlan N° Lexbase : A2021ASN, RJF, 10/94, n° 1113, ou CE, 30 septembre 1996, n° 139846, Leboeuf N° Lexbase : A0756APP, RJF, 11/96, n° 1325, concl. G. Bachelier, BDCF, 6/96, p. 38) et, enfin, la taxation d'office (CE, 24 novembre 1997, n° 171928, Minefi c/ Miailhe N° Lexbase : A5200ASE, RJF, 1/98, n° 82, concl. G. Bachelier, BDCF, 1/98, n° 15 et Dr. fisc., 10/98, n° 173). Elle vaut au-delà même du champ du droit de communication. Ce point a été récemment confirmé par un avis contentieux, qui a indiqué que l'obligation d'information du contribuable ne se limitait pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication (CE, avis du 21 décembre 2006, n° 293749, Duguay N° Lexbase : A1476DTT, RJF, 3/07, n° 314, concl. P. Collin, BDCF, 3/07, n° 32). Cet avis précise, ainsi, explicitement ce qui résultait déjà de décisions antérieures : celle du 18 décembre 1968 concernait un rapport de police et celle du 14 mai 1986 des documents recueillis dans le cadre des enquêtes menées sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 précitée.

Dans ses conclusions sous la décision "Rouch" (CE, 29 décembre 2000, n° 209523, Rouch N° Lexbase : A2117AIA, RJF, 3/01, n° 341, concl. Mme E. Mignon, BDCF, 3/01, n° 42), Mme Mignon évoquait ainsi la nécessité d'affirmer et de préserver une "certaine loyauté du débat fiscal". C'est bien ce "souci de loyauté" qui implique que le contribuable soit suffisamment informé sur la nature, l'origine et la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication.

La construction jurisprudentielle édifiée par le Conseil d'Etat, aujourd'hui reprise à l'article L. 76 B du LPF, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 décembre 2005, est donc inspirée, ainsi que le soulignait également François Séners dans ses conclusions sous la décision du 5 octobre 2005, "Mme Blondeau" (CE 3° et 8° s-s-r., 5 octobre 2005, n° 270341, Minefi c/ Mme Blondeau N° Lexbase : A6972DKG, RJF, 2005, n° 1438), à la fois du principe général des droits de la défense et de l'exigence de loyauté du débat fiscal.

2. ... elle est affranchie de cette obligation lorsque le contribuable, par son comportement, s'est placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition

2.1. Conformément aux nouvelles dispositions de l'article L. 76 B LPF, dont il anticipe ainsi l'application, le Conseil d'Etat exclut la procédure d'évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal du champ d'application de cette obligation

Dans la décision en date du 6 octobre 2008, le Conseil d'Etat a considéré qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L. 67 (N° Lexbase : L7602HEB), L. 74 (N° Lexbase : L8160AEX) et L. 76 (N° Lexbase : L5568G4Y) du LPF que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable avaient été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur avait entendu priver l'intéressé, qui s'était de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office, et notamment de celle tenant à l'obligation qui pèse sur le service d'informer l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements qu'il a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication ou qu'il a utilisés pour arrêter les bases de l'imposition.

La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office du fait de l'opposition au contrôle fiscal prévue par l'article L. 74 du LPF n'est en effet assortie, en vertu de l'article L. 67, alinéa 2, du même Livre, d'aucune mise en demeure préalable. Par ailleurs, en application de l'article L. 76, alinéa 3, l'administration n'est pas tenue dans ce cas de notifier au contribuable les bases de calcul des impositions d'office.

La solution retenue par le Conseil d'Etat a été rendue dans le cadre du régime antérieur à l'article L. 76 B du LPF. Elle est, toutefois, pleinement cohérente avec ces nouvelles dispositions. En effet, l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui a codifié à l'article L. 76 B du LPF la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de droit de communication, n'a imposé à l'administration d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus de tiers que pour les seules impositions faisant l'objet soit de la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 (N° Lexbase : L5447H9M) en cas de procédure de redressement contradictoire, soit de la notification prévue à l'article L. 76 en cas d'imposition d'office. Elle a donc exclu du champ de cette obligation les impositions supplémentaires faisant suite à une opposition à contrôle fiscal. L'instruction 13 L-6-06 adoptée le 21 septembre 2006 l'indique d'ailleurs très clairement (I. b., § 5).

La solution rendue par le Conseil d'Etat le 6 octobre 2008 conserve, donc, toute sa valeur pour l'application de ces dispositions qui visent précisément l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 du LPF ou de la notification des bases d'imposition prévue par l'article L. 76 de ce Livre, ce qui exclut le cas de l'opposition au contrôle fiscal.

2.2. Une solution justifiée par la nature particulière de la procédure d'évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal

Pour la plupart des procédures d'imposition d'office, depuis la loi du 29 décembre 1977, reprise aujourd'hui au premier alinéa de l'article L. 76 du LPF, l'administration est tenue d'adresser au contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, une notification comportant les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office ainsi que les modalités de leur détermination. Même s'il n'y a pas de dialogue comme dans la procédure de redressement contradictoire, il y a donc une information à donner au contribuable sur les impositions que l'administration envisage de mettre à sa charge.

Toutefois, la situation du contribuable en cas d'opposition à contrôle fiscal est différente de celle des autres contribuables imposés d'office : en effet, en application des dispositions combinées du dernier alinéa de l'article L. 76 du LPF et du second alinéa de l'article L. 67, l'administration n'est pas tenue d'adresser une notification de redressements. C'est pourquoi, dans le cas où l'administration adresse néanmoins au contribuable une notification de redressements, les irrégularités entachant cette notification demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition (CE 8° et 9° s-s-r., 15 juin 1987, n° 48864, N° Lexbase : A2460APS, RJF, 8-9/87, n° 916 ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 7 mars 1995, n° 94BX01250 N° Lexbase : A7589AHK et n° 94BX01251 N° Lexbase : A0745BEC, Michel Bonhomme, RJF, 11/95, n° 1275 ; CE, 15 avril 1996, n° 167250, Durand, RJF, 10/96, n° 1197 ; CAA Paris, 2ème ch., 22 octobre 1996, n° 95PA02843, SARL Sintex N° Lexbase : A1298BIW, RJF, 2/97 n° 147). Ajoutons que la faculté, prévue par l'article L. 76 du LPF, de saisir la commission départementale des impôts en cas de taxation d'office pour défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle n'est pas non plus ouverte en cas d'évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal (CAA Bordeaux, 7 mars 1995, n° 94BX01250, précité).

La spécificité de la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal est en fait destinée à tirer les conséquences de l'attitude particulière et, plus précisément, particulièrement "obstructive" manifestée par le contribuable, lequel refuse alors tout dialogue avec l'administration fiscale. Or, si la loyauté du débat fiscal est, en règle générale, invoquée par le contribuable qui n'a pas à sa disposition les mêmes armes que celles de l'administration fiscale, elle a aussi vocation à s'appliquer à l'administration fiscale. Ainsi que l'indique la décision du 6 octobre 2008, en s'opposant au contrôle fiscal, le contribuable se met en dehors des règles normales de la procédure d'imposition. C'est pourquoi la nature même de l'opposition à contrôle fiscal conduit à exclure le contribuable des garanties de la procédure d'imposition et c'est d'ailleurs la logique du législateur qui a écarté l'obligation pour l'administration d'adresser, dans ce cas, une notification de redressements au contribuable et a autorisé en conséquence une mise en recouvrement immédiate des impositions. Ainsi, le contribuable est privé de tout dialogue et de tout droit d'information, étant précisé qu'il retrouvera le bénéfice des droits de la défense dans le cadre des garanties de la procédure contradictoire devant le juge.

Le Conseil d'Etat considère, donc, que la nature particulière de la procédure d'évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal justifie à elle seule l'exclusion du droit à l'information sur les renseignements recueillis par l'administration, sans fonder cette exclusion sur la dispense de notification de redressement spécifique à cette procédure et donc sur l'absence de support à l'exercice du droit de communication. Dans un arrêt du 25 février 2003 (CAA Bordeaux, 3ème ch., 25 février 2003, n° 99BX02355, M. et Mme Guy Meriaud N° Lexbase : A5778C9U, RJF, 2003, n° 884), la cour administrative d'appel de Bordeaux s'était, quant à elle, fondée sur l'idée que le support de l'obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration fiscale était la notification de redressements et que la dispense de l'obligation d'adresser une telle notification rendait impossible la mise en oeuvre de cette obligation d'informer. Le Conseil d'Etat, dans la décision du 6 octobre 2008, semble estimer pour sa part que l'absence d'obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration fiscale n'est pas la conséquence de la dispense de notification de redressements mais elle est la conséquence de la nature particulière de la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal et, surtout, de la nature particulière du comportement du contribuable que cette procédure a pour but de sanctionner. Le raisonnement retenu par le Conseil d'Etat est logique puisque le lien entre l'existence d'une notification de redressements et l'obligation d'information sur l'exercice du droit de communication n'est pas déterminant. En effet, l'administration n'a pas obligatoirement à mentionner la teneur et l'origine des informations dans la notification de redressements mais peut procéder à cette information dans tout document adressé au contribuable avant la mise en recouvrement des impositions (CE, 13 octobre 1999, Minefi c/ Blanc, précité, RJF, 1999, n° 1582). Ce n'est donc pas en elle-même l'absence de notification de redressements obligatoire dans la procédure d'imposition d'office à la suite d'une opposition à contrôle fiscal qui doit nécessairement conduire à exonérer l'administration de son obligation d'informer les contribuables sur la teneur et l'origine des renseignements obtenus pour fonder leur imposition.

Il n'en demeure pas moins que la coïncidence entre existence d'une notification de redressements (et donc existence d'une information sur les bases et les éléments servant au calcul des impositions) et existence d'une obligation d'information en ce qui concerne l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers par l'administration fiscale n'est pas niée par la décision du 6 octobre 2008. Plus précisément et à l'inverse, cette décision confirme le lien de principe entre l'absence de notification de redressements et l'absence d'obligation d'information sur l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers par l'administration fiscale.

Conclusion

La décision du 6 octobre 2008 peut être interprétée comme déniant à la procédure d'évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal la qualité de "procédure d'imposition". En effet, si le commissaire du Gouvernement N. Escaut, dans ses conclusions sous cette décision, estimait qu'en s'opposant au contrôle fiscal, le contribuable se mettait "en dehors des règles normales de la procédure d'imposition" (nous soulignons), le Conseil d'Etat n'a pas repris ce qualificatif et a estimé plus simplement, et plus radicalement, qu'un tel contribuable s'était lui-même "placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition".

Est ainsi manifestée la spécificité d'une procédure dispensée de notification de redressements et affirmé, même si c'est implicite, le lien entre l'existence d'une notification de redressements et l'obligation d'information du contribuable en ce qui concerne les renseignements recueillis par l'administration fiscale auprès de tiers. Serait, donc, une procédure d'imposition une procédure marquée par l'envoi au contribuable d'une notification de redressements avant la mise en recouvrement des impositions. A l'inverse, ne pourrait être qualifiée comme telle une procédure permettant à l'administration de mettre en recouvrement des impositions sans avoir au préalable informé le contribuable des bases ou des éléments ayant servi à leur calcul.

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