La lettre juridique n°324 du 30 octobre 2008 : Éditorial

Référé précontractuel : "pas d'intérêt, pas d'action", certes ; mais quel intérêt à agir, au juste ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"La hâte engendre en tout l'erreur, et de l'erreur sort bien souvent le désastre". Et l'enseignement d'Hérodote de nous revenir en mémoire face à la profusion des référés précontractuels visant à l'annulation ou à la suspension d'une procédure d'attribution d'un marché public pour non-respect des obligations afférentes à la publicité et à la mise en concurrence, commandée par l'article L. 551-1 du Code de justice administrative.

Car, disons le tout net, lorsque le Conseil d'Etat précise, le 8 avril 2005, "qu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché et, par suite, habilitée à agir devant le juge des référés précontractuels, peut invoquer devant ce juge tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du marché en cause, même si un tel manquement n'a pas été commis à son détriment", il ouvre, ainsi, la boîte de Pandore, libérant même la Crainte. Le Haut conseil s'expose, de facto, à une prolifération des contentieux précontractuels, dévoyés et utilisés, par les candidats malheureux, comme un moyen visant l'annulation de procédures de marché ou la relance de leur candidature à un stade quelconque de la procédure.

Et, si "c'est le propre de l'homme de se tromper ; seul l'insensé persiste dans son erreur" écrivait Cicéron, "insensés" furent les Sages du Palais-Royal en ajoutant, le 20 octobre 2006, que le juge des référés précontractuels pouvait annuler la procédure de passation d'une délégation de service public même s'il n'avait pas été saisi de conclusions en ce sens de la part du requérant qui avait seulement demandé la suspension de cette procédure. Le juge des référés précontractuels pouvait, ainsi, statuer ultra petita, c'est-à-dire au-delà de la demande présentée par le requérant, et ce quel que soit le préjudice qui lui aurait été causé !

Et "l'intérêt à agir", nous diriez-vous ? Justement, le référé précontractuel n'est ouvert qu'aux personnes ayant vocation à signer le contrat de marché public. Qu'à cela ne tienne, présente un intérêt à agir toute personne qui a intérêt à conclure le contrat et est susceptible d'être lésée par les manquements incriminés (CE, 16 décembre 1996, n° 15823). Aussi, la société qui a présenté une offre est, de ce fait même, habilitée à agir (CE, 13 décembre 1996, n° 169706).

Convenons que cette jurisprudence permissive allait à l'encontre des principes même exposés à l'article 1er du Code des marchés publics, pour lequel "les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures". Ces principes ne sauraient, ainsi, tolérer qu'une procédure administrative, le référé précontractuel, dont la finalité est justement de tenir compte du préjudice subi par les candidats à un marché afin de relancer la procédure sur le terrain de la transparence et de la libre concurrence, soit détournée de son objet. "La mort du jardinier n'est rien qui lèse un arbre. Mais si tu menaces l'arbre, alors meurt deux fois le jardinier" (Antoine de Saint-Exupéry).

La prophétie bucolique est écartée, et "Pandore" referme la boîte (littéralement une jarre), par un spectaculaire revirement en date du 3 octobre 2008, sur lequel revient, cette semaine, François Brenet, Maître de conférences à l'Université de Paris VIII. Aux termes de cet arrêt rendu par le Conseil d'Etat, une erreur d'indication dans la rubrique relative à l'Accord international sur les marchés publics n'est pas nécessairement synonyme d'annulation du marché, étant donné qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre, soit susceptible d'avoir été lésée par les irrégularités ainsi invoquées, qui se rapportent à une phase de la procédure antérieure à la sélection de son offre. Désormais, l'office du juge des référés précontractuels doit rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée. C'est donc sur la base d'un critère plus sévère de l'intérêt à agir des entreprises en référé précontractuel que les juges doivent trouver les solutions à ce type de litige.

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