La lettre juridique n°324 du 30 octobre 2008 : Droit financier

[Textes] Recommandation de l'AMF sur les FCPE à effet de levier logés au sein de plans d'épargne entreprise

Réf. : Recommandation AMF du 7 octobre 2008, relative aux FCPE à effet de levier logés au sein de plans d'épargne entreprise (N° Lexbase : L6234IBI)

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N4935BHA

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

le 07 Octobre 2010

Alors qu'un projet de loi en faveur des revenus du travail est en cours d'adoption devant le Parlement, qui pourrait offrir aux salariés la liberté de choix entre la disponibilité immédiate et le blocage des droits issus de la participation, l'Autorité des marchés financiers (AMF) vient de publier une recommandation, le 7 octobre dernier, dont l'objet est d'encadrer l'information des salariés/investisseurs. Cette recommandation porte, plus précisément, sur le type de montage particulier que constitue la souscription par les salariés à des augmentations de capital réalisées par la société qui les emploie, au moyen de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), souscrits dans le cadre d'une enveloppe fiscale de plan d'épargne entreprise (PEE). Après l'échec de la concertation de place sur le traitement comptable de ces produits, l'AMF appelle l'attention, de la sorte, sur les incertitudes qui peuvent se faire jour dans l'esprit des investisseurs/salariés quant à l'investissement qu'ils réalisent dans le cadre de leur entreprise. Le communiqué du 7 octobre dernier a, donc, vocation à inciter, par le biais de recommandations, les émetteurs à accroître la transparence de leur communication, tant envers leurs propres salariés qu'à l'encontre du marché.

Il reste que l'exercice est subordonné au respect de nombreux équilibres. En effet, à travers la multitude de textes applicables, qui relèvent autant du droit du travail, du droit fiscal, que du droit des sociétés, il apparaît que l'épargne dans l'entreprise constitue, d'abord, pour le législateur, un outil de la politique économique et sociale (I). Les aspects boursiers de cet investissement ont ainsi été largement occultés dans les textes, d'où l'existence de difficultés à harmoniser les règles relatives à l'épargne salariale avec le fonctionnement des marchés (ii).

I - Un procédé d'investissement placé dans un cadre social et fiscal

L'AMF a donc, tenté de clarifier les règles applicables au régime le plus sensible des mécanismes d'épargne salariale, celui de l'investissement dans des FCPE à effet de levier souscrits dans le cadre de PEE. Ces derniers répondent, en effet, à un objectif double : renforcer le capital des sociétés émettrices et donner un débouché performant au placement réalisé dans le cadre de l'épargne salariale (A). Cette dualité d'objectif contraint à encadrer juridiquement le montage ainsi réalisé par des règles protectrices émanant du droit du travail et du droit des sociétés (B).

A - Renforcement du capital des sociétés cotées et encouragement à l'épargne salariale

Le mécanisme visé par la recommandation de l'AMF, concerne les sociétés cotées, mettant en oeuvre l'enveloppe fiscale des PEE. Le cadre incitatif créé par le droit fiscal a, en effet, ouvert la possibilité aux sociétés cotées de mettre en place des schémas d'investissement au profit de leurs salariés en leur permettant de souscrire à des augmentations de capital. L'ingénierie financière aidant, la participation des salariés au capital de leur entreprise a donné lieu à la mise en place de procédés permettant à la fois de motiver les salariés et de renforcer les fonds propres dans une perspective sociale -voire défensive- répondant en cela aux objectifs des différents textes de droit du travail sur la participation. La création de FCPE à effets de levier a permis, dans ce cadre, de donner un essor à ce type d'investissement dès la fin des années 1990. Le procédé étant légalement reconnu, c'est, désormais, l'article L. 3332-18 du Code du travail (N° Lexbase : L1278H99) qui prévoit la possibilité, pour les sociétés, de procéder à des augmentations de capital réservées aux adhérents d'un PEE.

En pratique, les investissements d'actionnariat salarié reposant sur des effets de levier ont été introduits en France à compter de 1993. Des entreprises majeures admises à la négociation sur les marchés réglementés, telles Sanofi et Total, ont initié le mécanisme qui permettait l'achat d'actions à crédit dans le cadre d'augmentations de capital réservées. L'effet de levier résultant de cet achat à crédit est ainsi obtenu en effectuant un investissement initial portant sur une fraction des actions souscrites (un dixième par exemple), le solde de cet investissement (les neuf dixièmes en vertu de l'exemple précédent) étant financé par un emprunt. Cet emprunt est remboursable, en principe, in fine, au terme d'un plan de 5 ans, le remboursement étant financé par la revente d'une partie des actions souscrites et l'abandon des dividendes au profit de l'établissement préteur. Au terme du plan, le salarié peut raisonnablement escompter recevoir, en sus de la mise de fonds initiale, un nombre d'actions correspondant à un montant supérieur de quatre à cinq fois celui qui était investi.

Encore est-il nécessaire, qu'au terme de cette opération, les cours de l'action n'aient pas baissé. L'effet de levier est donc en général garanti de façon mécanique : d'une part par la souscription des actions initiales avec une décote sur le cours de bourse (pouvant représenter jusqu'à 20 % du cours), d'autre part, par un abondement de l'entreprise (jusqu'à 50 % de la mise de fonds du salarié). Par ailleurs le prêt peut être consenti au taux de 0 % ce qui multiplie d'autant le levier financier.

En dépit de cette complexité -apparente- la problématique posée par ces opérations ne naît pas véritablement du montage financier réalisé puisque, dans différents contextes, les plans souscrits ont toujours permis aux salariés de préserver leur investissement initial, notamment grâce à l'abondement de l'entreprise. L'issue du plan d'investissement de la société Vivendi, en dépit d'une chute importante de son cours de bourse, comme celui de la société France Telecom, ont, ainsi, démontré l'absence de nocivité du mécanisme. L'encadrement législatif, social et fiscal, y a largement contribué, sans doute, autant que la sécurisation des opérations par les émetteurs.

Ce qui justifie, en revanche, l'initiative de l'AMF quant à l'élaboration de sa recommandation du 7 octobre 2008, c'est la modification du contexte qui entoure la souscription de FCPE à effet de levier dans le cadre des augmentations de capital. Cette modification ressort, en premier lieu, de l'impact de l'assouplissement des règles relatives à l'augmentation de capital, intervenu depuis le lancement des opérations précitées. Elle pourrait résulter, en second lieu, de la levée, encore éventuelle, du principe de blocage des fonds souscrits dans le cadre d'un PEE ce qui pourrait déjouer, à la fois les prévisions des émetteurs, et la viabilité des opérations d'augmentation de capital. Enfin, et ce risque est lié à la remarque précédente, il semble pertinent de s'interroger sur l'éventualité d'une protection des émetteurs et du marché face à des sorties de plans massives, notamment dans un contexte où ces derniers sont durablement orientés à la baisse.

B - Un encadrement juridique centré sur les aspects de droit du travail et des sociétés

Le régime fiscal applicable aux PEE est, ainsi, la première composante de l'environnement juridique des opérations. Il est régi conjointement par les articles L. 3332-1 (N° Lexbase : L1238H9Q) et suivants du Code du travail et la circulaire du 14 septembre 2005, relative à l'épargne salariale (N° Lexbase : L1463HDK). L'enveloppe fiscale qui le constitue prévoit que les sommes versées au salarié par l'entreprise sur un PEE échappent à l'impôt sur le revenu et aux charges sociales. Elles sont soumises, en revanche, à la CSG au taux de 8 % sur 97 % de leur montant pour le salarié. Par ailleurs, les plus-values réalisées sur le PEE ne supportent pas l'impôt sur le revenu même si elles demeurent soumises aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS). Cette exonération, en revanche, ne peut être obtenue qu'après un investissement sur 5 ans, l'indisponibilité des sommes versées étant calculée à partir de la date de chaque versement. Ainsi, les actions ne peuvent être délivrées par l'entreprise au salarié qu'à l'issue de ce terme. Il existe, toutefois, des possibilités de déblocage anticipé dans neuf hypothèses tenant à la situation personnelle et sociale de l'investisseur dont, principalement, le départ de la société par le salarié pour quelque cause que ce soit.

Le mécanisme fiscal permet, de la sorte, de bloquer les fonds résultants de la souscription à l'augmentation de capital pendant 5 ans, offrant ainsi la sécurité d'un actionnariat stable, élément qui peut être déterminant de la politique d'une société cotée. Or, le projet de loi en faveur des revenus du travail du 8 août 2008 envisage d'offrir aux salariés la faculté de percevoir immédiatement les sommes susceptibles d'être investies dans une augmentation de capital. L'actuel article L. 3324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L1344H9N), qui emporte dispositions sur "l'indisponibilité des droits des salariés" et qui prévoit que ces derniers "sont négociables ou exigibles à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de [leur] ouverture" serait, ainsi, réformé par l'article 2 du projet. Le premier alinéa de l'article serait complété par les mots : "sauf si le salarié demande le versement de tout ou partie des sommes correspondantes dans un délai fixé par décret".

S'agissant de l'économie du texte, les travaux préparatoires font ressortir la volonté du Gouvernement de faire en sorte que les salariés bénéficiaires de la participation ne soient plus tenus de placer celle-ci sur un plan d'épargne salariale pour une durée minimale de cinq ans, mais disposent de la faculté d'en obtenir le versement immédiat, sur demande, dans un court délai consécutif à la notification des droits. L'état actuel des débats fait présumer du maintien, dans ce cas, de l'imposition et de l'application du texte aux seuls droits à naître après son entrée en vigueur. La question se pose, alors, de l'attitude qu'adopteront les sociétés cotées confrontées, notamment, au risque, lorsqu'elles envisagent de réaliser une augmentation de capital réservée aux salariés, que l'émission soit insuffisamment souscrite.

L'augmentation de capital, elle-même, deuxième composante, du mécanisme consiste en une opération sensible, en particulier depuis les réformes introduites successivement par l'ordonnance du 24 juin 2004 (ordonnance n° 2004-604, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale N° Lexbase : L5052DZ7) et le décret du 10 février 2005 (décret n° 2005-112, modifiant le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales et relatif aux valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales N° Lexbase : L5238G77). L'ordonnance, en premier lieu, a permis, sous réserve de l'obtention par les organes de direction d'une délégation accordée par l'assemblée générale des actionnaires, de permettre aux dirigeants de décider de l'augmentation de capital dans la limite d'un plafond fixé par l'assemblée. Cette délégation est subordonnée à la production d'un rapport du conseil d'administration ou du directoire. Elle a permis, par ailleurs, au titre de l'article L. 225-134, 1° du Code de commerce (N° Lexbase : L8390GQS) l'adaptation de l'augmentation de capital à la demande effective (1).

Le décret de 2005, en second lieu, impose d'introduction dans le rapport précité, d'un certain nombre de renseignements permettant d'éclairer l'assemblée générale sur les conditions de l'augmentation de capital. C'est pourquoi l'article 155 (alinéas 1er et 2) du décret de 1967 (décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales N° Lexbase : L0729AYN, codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce par le décret n° 2007-431 du 25 mars 2007, relatif à la partie réglementaire du Code de commerce N° Lexbase : L8082HUU) a été modifié (C. com., art. R. 225-116 N° Lexbase : L0251HZC). Il prévoit, d'abord, s'agissant de la fixation du prix dans le cas d'émission par appel public à l'épargne sans droit préférentiel de souscription (C. com., art. L. 225-136 N° Lexbase : L8393GQW) et, notamment, dans les hypothèses évoquées à l'article L. 225-138, I (N° Lexbase : L8394GQX) -qui concernent les augmentations réservées aux salariés-, que le rapport contient : "les modalités de placement des nouveaux titres de capital ou des nouvelles valeurs mobilières donnant accès au capital et, avec leur justification, le prix d'émission ou les modalités de sa détermination". Il établit, ensuite, qu'il doit préciser le nom des attributaires des nouveaux titres de capital ou des nouvelles valeurs mobilières donnant accès au capital, ou les caractéristiques des catégories de personnes, le nombre de titres attribués à chacun d'eux ou les modalités d'attribution des titres.

L'ensemble de ces dispositions appelle plusieurs remarques. La première tient à la faculté reconnue aux dirigeants bénéficiaires de la délégation d'adapter l'émission à la souscription et, notamment, de la limiter aux actions souscrites. La mesure, largement appelée des voeux des entreprises, semble laisser suffisamment de latitude aux émetteurs pour pallier le risque né d'un succès insuffisant de la souscription auprès des salariés. Toutefois, la possibilité de limitation de l'augmentation de capital a été largement encadrée par l'ordonnance de 2004 qui dispose, en vertu de l'article L. 225-134, 1° du Code de commerce, que l'augmentation de capital effective soit au minimum égal à 75 % de l'augmentation décidée. Ainsi, le texte permet à l'émetteur de se prémunir contre une insuffisance de souscription mais non contre un échec de l'augmentation de capital. Dans un contexte boursier troublé, les sociétés cotées risquent, alors, de souffrir de cette restriction. La seconde remarque tient à l'insuffisance de l'information légale car, si cette dernière est exhaustive quant à l'augmentation en elle-même, les aspects propres à l'investissement, et en particulier les précisions apportées aux salariés quant à la portée de leur placement et aux risques boursiers qui y sont attachés peuvent paraître largement en retrait par rapport aux renseignements qui sont fournis aux autres investisseurs.

La situation du marché, troisième et dernière composante, joue, donc, un rôle fondamental que le législateur semble avoir, sinon ignoré, du moins, peu pris en considération. Ainsi, les dispositions essentielles en la matière consistent en la fixation d'un prix d'émission en fonction du cours de bourse de l'action de la société cotée. Le prix de référence, retenu en l'espèce, est fixé à la moyenne des cours cotés des vingt séances de bourse précédant le jour de la décision de l'augmentation de capital. Les salariés peuvent, alors, bénéficier d'une décote de 20 % par rapport à cette référence, cette décote pouvant aller jusqu'à 30 % lorsque l'indisponibilité des avoirs détenus sur le PEE est d'au moins dix ans. En revanche, si les souscriptions sont réalisées en utilisant la réserve de participation, c'est le prix de référence qui doit être retenu. Le fonctionnement du marché peut, ainsi, dans l'hypothèse d'une baisse de l'action, constituer une contrainte majeure pour l'augmentation de capital réservée aux salariés. Alors précisément que, dans un contexte troublé, la société peut éprouver le besoin d'augmenter ses capitaux propres en recourant à un actionnariat stable, les perspectives négatives qu'offre le cours de l'action pourront, en effet, décourager les salariés d'investir dans leur entreprise.

II - Les difficultés à coordonner les aspects sociaux et fiscaux avec les contraintes liées au fonctionnement des sociétés et des marchés

Cet ensemble de considérations justifie le souci de l'AMF de mettre en oeuvre, par ses recommandations (A), un cadre infra-juridique (B) susceptible d'orienter l'action des sociétés cotées.

A - La mise en oeuvre des recommandations à l'encontre des sociétés cotées

C'est sur la base d'une étude des FCPE à effet de levier ayant obtenu leur agrément en 2007, que l'AMF a bâti sa recommandation du 7 octobre dernier, l'étude récapitulant des résolutions des assemblées générales, des notices d'information, des communiqués de presse et des comptes consolidés des sociétés émettrices. Au-delà de la diversité du degré d'information des salariés dans les opérations analysées, la recommandation s'appuie sur trois séries de remarques tenant successivement à l'information préalable du salarié, aux deux périodes de constitution et de sortie des plans, pour clore sur l'information périodique et les "normes" comptables applicables aux FCPE à levier.

Le premier volet, qui porte sur l'information préalable du salarié, établit, d'abord, la nécessité de préciser, dans la résolution établissant que les salariés se verront réserver l'augmentation de capital, le type de plan mis en place à cette occasion. Elle indique, ensuite, que, lorsque différentes enveloppes juridiques sont proposées (FCPE classique, à effet de levier ou attribution gratuite d'actions), des indications sur la répartition entre ces différentes enveloppes soient fournies. S'agissant des délégations éventuelles consenties par l'assemblée générale des actionnaires, l'AMF relève, enfin, que l'information sur la façon dont la délégation accordée peut être utilisée est "importante" pour la prise de décision des salariés et devrait, en conséquence, faire l'objet d'une communication ad hoc.

Il demeure que, l'ordonnance de 2004 précitée ayant accru la souplesse des augmentations de capital, pour prendre en considération les variations du marché, la mise en oeuvre de la délégation mérite d'être préservée, l'AMF distinguant, à cet égard deux situations :

- lorsque l'émetteur a connaissance de la façon dont la délégation sera utilisée, il est invité à préciser, dans son projet de résolution ou l'exposé des motifs, la nature des plans prévus et, en particulier, l'existence d'un effet de levier, le montant maximum de l'augmentation de capital et la décote envisagée ;
- lorsqu'il ne dispose pas, en revanche, de cette information, l'AMF recommande qu'il soit rappelé aux actionnaires la façon dont la délégation précédente a été utilisée, à la fois quant à la répartition entre les différentes enveloppes juridiques et quant à ses modalités précises. A ce titre mériteraient d'être indiqués, pour les FCPE à effet de levier, la maturité du plan, le prix de référence, le prix de souscription, la décote, le nombre total d'actions souscrites, le montant global souscrit et le montant souscrit par les salariés.

L'information du marché lors de la mise en place et de la sortie des plans constitue le deuxième volet de la recommandation, mais sur ce point, l'AMF ne fait que reprendre les termes d'un relevé de décisions d'octobre 2005 relatif aux FCPE à effet de levier (2). La publication en question soulevait deux problèmes majeurs susceptibles de se poser à l'occasion de la mise en oeuvre et de la sortie des fonds : d'une part, l'intervention des contreparties du contrat d'échange, susceptibles de "vendre à découvert les titres de l'émetteur afin de couvrir ses engagements vis-à-vis du FCPE", cette intervention devant se faire dans "le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur". L'existence de telles opérations devrait, en conséquence, être portée à la connaissance du public par l'émetteur si celles-ci devaient avoir une incidence sur les cotations.

D'autre part, lors de la clôture des FCPE, la cession des titres par l'autorité de gestion étant susceptible d'avoir un impact sur le marché, l'AMF -dans le relevé de décision précité de 2005-, souligne que "le débouclage des FCPE sur la base d'un cours moyenné" était de nature à faciliter le respect de ces dispositions.

Dans son texte l'AMF détaille, enfin, les opérations qui lui semblent nécessaires de mettre en oeuvre lorsque, à la différence du cas précité, la société émettrice ne souhaite pas mettre en place de mécanisme de liquidité (3).

L'information périodique, due par l'émetteur lors de la vie du fonds, forme le troisième et dernier volet de la recommandation. En effet, l'AMF rappelle, dans celle-ci, qu'elle avait déjà édicté une recommandation, à ce sujet, plus précisément le 4 décembre 2007, "en vue de l'arrêté des comptes 2007". C'est, ainsi, en prenant comme socle le communiqué du Conseil nationale de la comptabilité (CNC) du 7 février 2007, qui établissait les informations à fournir en annexe au titre des FCPE classiques (4), que l'AMF avait, à l'époque, dégagé des principes d'information comptable pour les FCPE à effet de levier ou les plans d'attribution gratuite d'actions dans le cadre d'un PEE. Or, la revue d'information des comptes fournis pour l'année 2007, vient de faire apparaître, selon l'autorité, la perfectibilité de la communication des sociétés émettrices. C'est ainsi, que, rappelant qu'en la matière les normes comptables en vigueur n'encadrent que les FCPE classiques et non les produits à levier, qui sont explicitement exclus du "communiqué du 21 décembre 2004" du CNC, l'AMF "juge utile" de souligner que la bonne information du marché impose le respect d'un certain nombre de principes. Ces derniers renvoient, essentiellement, à la précision, la pertinence et le caractère détaillé de l'information donnée au marché ainsi qu'aux hypothèses de valorisation de l'investissement réalisé (5).

B - Les effets à attendre de la recommandation

Si pendant longtemps, les deux catégories d'actes (6) que constituent les instructions et les recommandations (7) de la COB (8) ont suscité, en doctrine, nombre d'interrogations quant à leur valeur normative, cette dernière n'est plus contestée (9) depuis la modification de leur procédure (10) d'élaboration. La recommandation, désormais, a été élevée implicitement, par le législateur, au rang de texte interprétatif, dont on peut augurer qu'il est susceptible, de facto, de présenter la même valeur que le texte qu'il interprète s'il s'intègre aux dispositions d'origine. En l'espèce, la recommandation du 7 octobre 2008 semble, pourtant, présenter certaines ambiguïtés. La plus importante d'entre elle repose sur la valeur à accorder à un texte interprétatif qui propose une lecture d'une disposition qu'elle n'a pas le pouvoir de réformer.

Si le deuxième volet de la recommandation, qui évoque l'information du marché, peut présenter une réelle valeur interprétative puisqu'il se réfère expressément à un texte édicté par l'AMF, on est en droit de s'interroger sur la portée à donner au premier volet qui renvoie à la fois à des textes du droit des sociétés et du droit du travail. En effet, les domaines concernés relèvent de la compétence du Parlement, seul habilité, aux termes de l'article 34, alinéa 3, de la Constitution (11), à édicter des textes posant les principes relatifs au régime des obligations commerciales et du droit du travail. A supposer que, ne s'agissant plus des principes mais de la mise en oeuvre pratique des dispositions, un organe doté d'un pouvoir normatif puisse être compétent, on peut douter que l'AMF fasse partie de cette catégorie d'institution. La même réflexion s'impose quant au troisième volet, qui renvoie à la mise en oeuvre de normes comptables pour lesquelles l'AMF ne dispose pas de pouvoir réglementaire.

Ceci posé, il demeure que, en toute hypothèse, la recommandation de l'Autorité sera probablement respectée par les sociétés concernées. En effet, la doctrine, à une époque où la COB disposait de compétences normatives peu claires, avait évoqué sa "magistrature morale" (12) pour décrire le phénomène d'assujettissement des acteurs du marché à des textes, dont on savait, pourtant, qu'ils étaient dépourvus de valeur normative. Sans nul doute, si la recommandation de l'AMF du 7 octobre 2008 peut être analysée comme critiquable au plan formel, son efficacité matérielle se trouvera compensée par la position et l'autorité particulière dont l'institution dispose vis-à-vis de tous les acteurs du marché.


(1) L'article L. 225-134, 1° Code de commerce prévoit l'adaptation de l'augmentation de capital à la demande effective, sous réserve que l'augmentation de capital effective soit au minimum égal à 75 % de l'augmentation décidée. Le décret du 10 février 2005 fixe, lui, le montant maximal de l'augmentation à 15 % de l'émission initiale (décret n° 67-236, art. 154-4 nouveau ; aujourd'hui C. com., art. R. 228-40 N° Lexbase : L0350HZY), augmentation qui pourra être réalisée dans les trente jours de la date de clôture de la souscription, et ce, au même prix que celui de l'émission initiale.
(2) Revue mensuelle de l'AMF n° 18 d'octobre 2005, p. 1 à 4. Avec, notamment, les mentions suivantes : "Lors de la création d'un FCPE à effet de levier investi en titres de l'entreprise, la contrepartie peut être amenée à vendre à découvert les titres de l'émetteur afin de couvrir ses engagements vis-à-vis du FCPE. Cette intervention éventuelle doit se faire dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Par ailleurs, lors de la clôture d'un FCPE à effet de levier investi en titres de l'entreprise, la cession de ces titres par la société de gestion est susceptible d'avoir un impact sur le marché.
L'Autorité des marchés financiers rappelle aux sociétés de gestion et aux contreparties des opérations d'échange :
- qu'elles sont tenues à l'obligation de ne pas perturber le marché, aux termes du livre VI du règlement général de l'AMF et, s'agissant des sociétés de gestion, de l'article 321-194 du règlement général de l'AMF, selon lequel 'le prestataire doit promouvoir l'intérêt de ses mandants. A cet effet il doit exercer ses activités dans le respect de l'intégrité, la transparence et la sécurité du marché',
- qu'il est, en conséquence, nécessaire de tenir compte de cette obligation dans la structuration des opérations et qu'à cet égard le débouclage des FCPE sur la base d'un cours moyenné est de nature à faciliter le respect de ces dispositions
".
(3) Revue mensuelle de l'AMF n° 18 d'octobre 2005. L'AMF renvoyait, par ailleurs, à d'autres préconisations : "dans le cas où la société ne souhaite pas recourir à un mécanisme de liquidité, [...] la société de gestion doit être en mesure de justifier des dispositions prises afin de respecter cet article ; et les "sociétés émettrices des titres sous-jacents aux FCPE à effet de levier [...] doivent, conformément à l'article 223-25 du règlement général de l'AMF, porter à la connaissance du public par voie de communiqué dont elles s'assurent de la diffusion effective et intégrale :
- au cours de la période située entre la date de la réunion de l'organe social arrêtant la date de l'augmentation de capital et le début de la période de réservation, et, dans tous les cas, avant le début des opérations de couverture de la contrepartie du contrat d'échange, une information adaptée sur l'existence de ces opérations. Cette information doit notamment porter sur le nombre maximum de titres susceptibles d'être créés, les échéances des opérations et l'existence d'un effet de levier de nature à générer des interventions en couverture. L'information donnée au public doit également comporter l'indication des conditions d'exercice des droits de vote afférents aux titres émis au bénéfice de l'intermédiaire pour les besoins de l'effet de levier ;
- avant la clôture de l'opération, c'est-à-dire avant la cession des titres sur le marché par le FCPE, une information adaptée sur le débouclage de l'opération ainsi que sur la possibilité d'un impact sur le marché du titre. Toutefois, cette deuxième information n'est pas nécessaire lorsque le débouclage de l'opération se fait hors marché en raison, par exemple, de l'existence d'un mécanisme de liquidité
".
(4) Parmi les informations à fournir en annexe qui ont été énumérées par le CNC, on trouve notamment :
- le montant de la décote totale octroyée aux salariés par rapport au cours spot à la date d'octroi ;
- le nombre d'actions souscrites ;
- la méthode retenue pour la valorisation des clauses d'incessibilité ;
- la charge enregistrée au compte de résultat ;
- le cours comptant des titres à la date d'octroi (si la méthode CNC 2004 est suivie) ;
- le taux d'intérêt sans risque de référence à la date d'octroi ;
- le taux d'intérêt retenu pour calculer le coût de portage de l'achat des titres au comptant (choix du taux retenu et niveau de ce taux) ;
- le coût notionnel d'incessibilité des titres souscrits, exprimé en pourcentage du cours comptant des titres à la date d'octroi.
(5) La revue de l'information fournie au titre des comptes 2007 par l'échantillon d'émetteurs ayant mis en place un FCPE à effet de levier en 2007 montre que cette information demeure largement perfectible. Il apparaît, en particulier, que les informations figurant dans le communiqué du CNC de février 2007 sont rarement fournies. C'est pourquoi l'AMF juge utile de rappeler les points suivants :
"a. L'AMF note que le communiqué du CNC du 21 décembre 2004 s'applique aux FCPE classiques et exclut explicitement de son champ d'application les FCPE à effet de levier ;
b. L'AMF souligne l'importance de la qualité de l'information concernant les FCPE à effet de levier (IAS 1.121) ;
c. Il convient d'apprécier le caractère significatif de cette information au regard de son incidence possible sur le marché et pour les actionnaires ;
d. Dès lors que la mise en place de l'un de ces schémas est un événement considéré comme significatif, une information sur le traitement comptable retenu est fournie ;
e. L'information détaillée sur les caractéristiques de cette opération (maturité des plans, prix de référence, prix de souscription, décote, nombre d'actions souscrites, montant global souscrit) est intégrée dès publication des premiers comptes dotés d'une annexe (semestriels ou annuels) ;
f. Afin de tenir compte des caractéristiques des différents schémas (FCPE classique, à effet de levier ou attribution gratuite d'actions), l'information en annexe distingue la description fournie au titre des FCPE à effet de levier de celle présentée pour les autres produits ;

g. Lorsque tout ou partie des actions utilisées dans le cadre du plan provient d'actions déjà émises et détenues par l'émetteur, celles-ci sont identifiées de façon séparée au sein des informations décrivant les caractéristiques des plans ;
h. Les principales hypothèses de valorisation sont détaillées, conformément à la norme IAS1.122 et IAS1.125 ;
i. Pour apprécier l'incidence des hypothèses utilisées, l'annexe mentionne les trois informations suivantes pour chaque schéma mis en place : la charge brute totale évaluée avant décote pour incessibilité, la valorisation de ladite décote et la charge nette enregistrée au compte de résultat après déduction de la décote d'incessibilité
".
(6) C. mon. fin., art. L. 621-6 (N° Lexbase : L6277DIC).
(7) Certains auteurs y voyaient ainsi des "directives administratives dépourvues de pouvoir réglementaire" : L. Faugérolas, La nature juridique des actes administratifs pris par la Commission des opérations de bourse, Bulletin Joly, janvier 1987, § 12, n° 36.
(8) N. Decoopman, La commission des opérations de bourse, in La modernisation des activités financières, dir. Th. Bonneau, éd. Joly, 1996, n° 230, sous l'empire de la loi du 14 décembre 1985, si les règlements devaient être homologués par arrêté du ministre de l'Economie et des Finances (ordonnance du 28 septembre 1967, dans son ancienne rédaction, art. 4-1), "les instructions ainsi que les recommandations" ne faisaient l'objet, en revanche, d'aucune "formalisation", ce défaut d'habilitation permettait donc à la plupart des auteurs de conclure à l'absence de caractère obligatoire de ces dispositions (ibid., n° 240).
(9) A. Pietrancosta, Les dispenses de prospectus d'admission sont-elles légales, Bulletin Joly, septembre-octobre, 1998, p. 616 : "La COB n'est pas la délégataire primaire' de la faculté de dispense reconnue par les articles cité de la directive modifiée du 17 mars 1980, lesquels s'adressent exclusivement aux Etats membres'. Et le soin mis par le Conseil européen à distinguer lesdits Etats membres' des autorités' dites compétentes', c'est-à-dire chargées du contrôle des prospectus, rend vaine toute tentative d'assimilation ou d'extension".
(10) P. Aïdan, Droit des marchés financiers, réflexions sur les sources, Banque éditeur, 2001, préf. X. Boucobza, n° 109 : "Depuis la loi Maf, les instructions et recommandation constituent les instruments d'interprétation officiels de la COB et font l'objet d'une délibération spécifique : délibération du collège, transmission au ministère de l'économie et des finances, publication. Elles se voient donc encadrées par le législateur soucieux de faire produire certains effets juridiques à des actes interprétatifs de portée générale".
(11) Constitution de 1958, art. 34, al. 3 (N° Lexbase : L1294A9S). 
(12) M. Guillaumme-Hofnoung, Les actes juridiques de la COB, AJDA, 1982, p. 683.

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