La lettre juridique n°283 du 29 novembre 2007 : Social général

[Jurisprudence] Transfert des contrats de travail : rappels

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 05-45.895, FS-D (N° Lexbase : A5853DZS) ; Cass. soc., 13 novembre 2007, 3 arrêts, n° 06-41.512, F-D (N° Lexbase : A6022DZ3) ; n° 06-41.800, F-D (N° Lexbase : A6025DZ8) et n° 06-42.296, F-D (N° Lexbase : A6028DZB)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010


La question du transfert des contrats de travail entre employeurs successifs ne va pas sans poser de difficultés. Les évolutions de la jurisprudence à la lumière, notamment, des Directives européennes laissaient espérer une stabilisation et une simplification du régime applicable au transfert d'entreprise. Ni la stabilité, ni la simplicité du régime ne sont, à ce jour, acquis, à en juger par quatre arrêts de cassation rendus les 13 et 14 novembre derniers et commentés ci-après. Les règles rappelées par la Haute juridiction n'ont pourtant pas de quoi surprendre, elles ne sont que la reprise des principes antérieurement dégagés.



Résumés

Pourvoi n° 06-41.512 : il résulte de l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY) que les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et qui poursuit la même activité ou une activité similaire.

Pourvoi n° 05-45.895 : lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12 sont réunies, la poursuite des contrats de travail avec le cessionnaire s'opère de plein droit et s'impose tant aux employeurs successifs qu'aux salariés.

Pourvoi n° 06-41.800 : la perte d'autonomie de l'entité économique après le transfert n'empêche pas ce dernier de relever de l'article L. 122-12 du Code du travail.

Pourvoi n° 06-42.296 : en application de l'article 1er de l'accord du 29 mars 1990 étendu, relatif à la garantie d'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire constituant l'annexe VII de la convention collective nationale des personnels des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 , les dispositions s'appliquent aux employeurs et aux salariés des entreprises et établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le numéro de code APE 8708, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public.

1. Conditions du maintien des contrats de travail

  • Conditions générales

L'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail dispose que "s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".

Plusieurs conditions entourent donc le transfert des contrats de travail. La jurisprudence, sous l'influence du droit communautaire, a évolué, faisant de l'objet du transfert l'élément déterminant.

Pour la jurisprudence, il faut, pour que l'article L. 122-12 du Code du travail trouve à s'appliquer, qu'il y ait transfert d'un "ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre" (Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-21.451, Caisse primaire d'assurance maladie de Paris et autres N° Lexbase : A5565AC4 ; RJS 1998, n° 1346).

Il est, ainsi, nécessaire que le transfert d'activité s'accompagne du transfert des moyens de production nécessaires à l'exercice autonome de l'activité et, singulièrement, d'actifs corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité autonome.

Tel n'était pas le cas dans la décision commentée en date du 13 novembre 2007 (pourvoi n° 06-41.512).

Dans cette espèce, une société de confection avait vu son bail résilié par le bailleur et avait conclu, avec le nouveau locataire, une société de vente de chaussures, une convention en vertu de laquelle ce dernier s'engageait à reprendre le salarié de l'ancien locataire. Le salarié avait été licencié. Contestant ce licenciement, il avait saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités, prétendant avoir été privé du bénéfice de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.

Bien que la cour d'appel ait fait droit aux demandes du salarié, la Cour de cassation ne l'entend pas de la même façon. Elle rappelle, en effet, que, dans la mesure où l'activité exercée par le nouveau locataire n'était pas la même que celle qu'exerçait l'ancien, il y avait lieu d'exclure l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.

  • Extension conventionnelle du champ de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail

Les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail interdisent d'en faire application à la simple perte d'un marché, en l'absence de transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité autonome.

Les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail étant d'ordre public social, il est néanmoins possible de les améliorer, voire de prévoir leur application lorsqu'elle n'est pas imposée par la loi.

La convention collective nationale des personnels des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 prévoit un transfert des contrats de travail aux employeurs et aux salariés des entreprises et établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le code APE 8708, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les même locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public.

Cette disposition signifie qu'en cas de changement de prestataire, le nouveau prestataire est tenu de reprendre les salariés de l'ancien prestataire lorsque l'activité continue à s'exercer dans les mêmes locaux.

Ceci implique a contrario que, si les locaux sont différents, le nouveau prestataire n'est tenu à aucune reprise. Tel était le cas dans la décision du 13 novembre 2007 (pourvoi n° 06-42.296), décision dans laquelle un supermarché avait mis fin au contrat de nettoyage qu'il avait avec une société. Le nouveau prestataire avait refusé de reprendre les salariées de l'ancien prestataire en se fondant sur le fait que les travaux ne devaient pas être effectués dans les mêmes locaux, mais dans de nouveaux.

La Cour de cassation donne raison au nouveau prestataire en se fondant sur la lettre de la convention collective qui précise bien que les travaux doivent être effectués dans "les mêmes locaux".

Si on comprend aisément cette application stricte des dispositions conventionnelles, les faits de l'espèce laissent penser à une injustice, le nettoyage devant, en effet, se faire pour la même enseigne mais dans des locaux neufs situés à quelques mètres des anciens...

L'exclusion des salariés du transfert de leur contrat de travail n'est pas anodine, au regard des effets de l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.

2. Effets de l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail

  • Généralités

Lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail sont réunies, les contrats de travail sont maintenus, les salariés n'ont aucune démarche à faire et le nouvel employeur n'a pas à leur notifier le transfert de leur contrat. Les salariés, comme l'employeur, ne peuvent s'opposer à ce transfert. L'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail est une disposition d'ordre public à laquelle les salariés ne peuvent renoncer et à laquelle l'employeur ne peut déroger, à moins que cela ne soit dans un sens favorable aux salariés.

Ainsi, un employeur ne peut aucunement écarter un salarié du champ d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et un salarié ne peut renoncer, par avance, au droit de s'en prévaloir.

Un salarié qui ne souhaite par travailler pour le nouvel employeur n'aura pas d'autre alternative que de donner sa démission. Le refus du salarié de se rendre à son nouveau poste de travail rend la rupture imputable à ce dernier (Cass. soc., 26 septembre 1990, n° 87-41.092, Mme Mercier et autre c/ Société V Distribution, publié N° Lexbase : A9055AAM).

C'est ce principe que rappelle la Cour de cassation dans la décision du 14 novembre 2007 (pourvoi n° 05-45.895). A la cour d'appel qui avait condamné l'employeur au versement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au profit de salariés qui avaient refusé de se rendre aux entretiens et sur leur nouveau lieu de travail, elle rappelle que l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail s'impose tant aux employeurs successifs qu'aux salariés.

  • Modalités de poursuite du contrat de travail

Le contrat transféré se poursuit, en principe, aux mêmes conditions que celles qui avaient été fixées avec le cédant, les salariés conservent la même ancienneté, la même qualification, la même rémunération et les mêmes avantages (Cass. soc., 24 janvier 1990, n° 86-41.497, Société Nouvelle Micromécanique pyrénéenne c/ M. Abadie et autres, publié N° Lexbase : A8736AAS), voire leur mandat.

Rien n'empêche, toutefois, le cessionnaire de modifier certains éléments du contrat de travail (Cass. soc., 17 septembre 2003, n° 01-43.687, FS-P+B N° Lexbase : A5412C9C).

Dans une telle hypothèse, c'est le régime des modifications du contrat de travail qui trouve à s'appliquer. La modification pourra être légitimement refusée par le salarié s'il s'agit d'une véritable modification de son contrat de travail. Le refus du salarié devra être considéré comme abusif lorsque la modification doit être considérée comme un simple changement des conditions de travail.

C'est ce principe que rappelle, également, la Cour de cassation dans l'une des décisions commentées. A la cour d'appel qui avait cru pouvoir voir dans l'affectation des salariés sur de nouveaux lieux de travail une modification du contrat impossible à imposer aux salariés sans leur accord, elle rappelle que le fait d'affecter un salarié à un poste situé dans le même secteur géographique que le précédent, n'entraîne pas une modification du contrat de travail. Les salariés ne pouvaient donc, pour ce motif, refuser le changement qui leur était proposé.

  • Sort des mandats en cours

Si le contrat de travail se poursuit aux mêmes conditions, les mandats que pouvaient avoir les salariés dans l'entreprise sont, en principe, maintenus.

La jurisprudence, reprenant sur ce point les dispositions légales (C. trav., art. L. 412-16, al. 4, notamment N° Lexbase : L6336ACN), pose toutefois une condition à cette continuité.

Elle considère, en effet, que le mandat des représentants du personnel qui ont fait l'objet du transfert subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique. Ce principe s'applique, qu'il s'agisse des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise ou des délégués syndicaux (Cass. soc., 24 mai 2006, n° 05-60.244, F-P+B N° Lexbase : A7688DPG).

C'est cette règle dont la Cour de cassation a fait application dans la décision du 13 novembre 2007 (pourvoi n° 06-41.800). Après avoir relevé qu'au jour du transfert, la branche d'activité cédée constituait une entité économique autonome et que les modifications ensuite apportées dans son fonctionnement par la société cessionnaire n'avaient pas affecté son identité à la date du changement d'employeur, elle rappelle que "nonobstant la perte d'autonomie de l'entité après transfert, le transfert du mandat relevait de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail". Ce qui signifie que, seule importe pour la poursuite des mandats, qu'au moment du transfert l'entreprise ait conservé son autonomie juridique. Sa situation postérieure à ce transfert ne peut et ne doit pas être prise en considération pour décider du sort des mandats de représentation dont sont en charge certains salariés.

On peut être surpris que la Haute juridiction fasse, dans cette décision, référence à l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et non à l'article L. 412-16, alinéa 4, du même code, mais il s'agit d'une substitution traditionnelle, tout autant que l'ensemble des principes rappelés dans ces différentes décisions, ce dont il convient de se féliciter. Un peu de stabilité en la matière ne saurait, en effet, être dénoncée...

Décisions

Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 05-45.895, Société Sefico Berger, FS-D (N° Lexbase : A5853DZS)

Cassation (CA Versailles, 6ème chambre, 18 octobre 2005)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-12, al. 2 (N° Lexbase : L5562ACY) ; C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU) ; C. trav., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL).

Cass. soc., 13 novembre 2007, n° 06-41.512, Société San Marina, F-D (N° Lexbase : A6022DZ3)

Cassation (CA Grenoble, chambre sociale, 25 janvier 2006)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-12, al. 2, interprété à la lumière de la Directive n° 98/50/CE du 29 juin 1998 (N° Lexbase : L9988AUH).

Cass. soc., 13 novembre 2007, n° 06-41.800, M. Jean-Claude Lenfant, F-D (N° Lexbase : A6025DZ8)

Rejet (CA Caen, 1ère chambre civile, 17 janvier 2006)

Texte concerné : C. trav., art. L. 122-12, al. 2.

Cass. soc., 13 novembre 2007, n° 06-42.296, Société L'Eclat 2000, F-D (N° Lexbase : A6028DZB)

Cassation (CA Dijon, chambre sociale, 2 mars 2006)

Textes visés : article 1er de l'accord du 29 mars 1990 étendu, relatif à la garantie d'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire  constituant l'annexe VII de la convention collective nationale des personnels des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 .

Mots-clefs : transfert des contrats de travail ; employeurs successifs ; identité de l'activité ; secteur géographique identique ; poursuite des contrats de travail ; transfert conventionnel ; sort des mandats en cours ; changement du lieu de travail.

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