La lettre juridique n°272 du 13 septembre 2007 : Internet - Bulletin d'actualités n° 7

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2007

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le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, quelques jugements concernant les hébergeurs de site internet, ainsi qu'un arrêt très important de la Cour de cassation relatif au monopole conféré au PMU par la réglementation française au regard du droit communautaire.

  • Par un jugement en date du 26 mars 2007, le tribunal d'instance de Rennes condamne la société Ebay International AG à payer 920 euros à un acheteur escroqué par un vendeur sur le site ebay.fr : TI Rennes, 26 mars 2007, n° RG 11-05-001696, Monsieur L. c/ Société Ebay et Société Ebay AG (N° Lexbase : A9282DWP)

Faits :

Monsieur L. a remporté une enchère sur le site internet ebay.fr portant sur la vente d'un jet-ski. Il a adressé au vendeur, résidant en Grèce, par mandat Western Union, la somme de 4 600 euros après avoir reçu un message électronique portant le logo Ebay et signé "ebay Safety Departement Customer Support" l'invitant à procéder de la sorte.

En l'absence de réponse du vendeur, Monsieur L. a adressé un message à Ebay lui demandant de bloquer le paiement tant que le jet-ski ne lui était pas livré. Le service consommateur d'Ebay International lui a, alors, répondu par courrier électronique que la somme versée lui serait restituée à l'issue d'une enquête menée par la police athénienne.

Faute d'avoir récupéré le jet-ski ou la somme versée un mois plus tard, Monsieur L. a contacté le service consommateur d'ebay.fr qui lui a répondu que l'opération était inconnue de ses services et qu'il avait été victime d'une escroquerie par un vendeur ayant usurpé l'identité d'Ebay.

Monsieur L. a, alors, assigné Ebay France devant le tribunal d'instance de Rennes pour obtenir réparation du préjudice subi en se fondant, d'une part, sur la théorie du mandat apparent et, d'autre part, sur la violation par Ebay de son obligation d'informer les utilisateurs sur les risques de fraude et la sécurité des transactions.

Dans la mesure où Ebay France soutenait que les demandes étaient irrecevables à son encontre, Monsieur L. a assigné Ebay International AG pour la faire condamner solidairement avec Ebay France au paiement de la somme de 4 600 euros.

Décision :

Le TI considère que les demandes formulées à l'encontre d'Ebay France sont irrecevables dans la mesure où "elle ne fait qu'assurer la promotion, le développement et l'adaptation aux règles du droit français des services proposés sur le site ebay.fr par la société Ebay International AG". Le TI conclut que la société Ebay International AG a seule qualité pour se défendre dans la présente affaire.

Afin d'obtenir la restitution de la somme de 4 600 euros auprès de Ebay International AG, Monsieur L. s'est fondé sur la théorie de l'apparence.

Selon cette théorie, une personne est considérée comme en représentant une autre à l'égard des tiers, en vertu d'un mandat apparent, lorsque les tiers ont légitimement pu croire qu'elle agissait au nom et pour le compte du mandant.

Monsieur L. soutenait, en effet, que les messages électroniques qu'il a reçus lui ont légitiment laissé croire qu'ils émanaient de la société Ebay, celle-ci se trouvant engagée par le courrier électronique lui assurant la restitution de la somme versée en cas de non remise du jet-ski.

Le TI relève que, "pour pouvoir engager la responsabilité d'Ebay International AG, il revient à Monsieur L. de démontrer qu'il pouvait légitimement croire que l'auteur de ces messages agissait en représentation de la société Ebay International AG". Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, selon le TI, puisque Monsieur L. avait clairement affirmé aux juges que les "messages considérés provenaient de la société Ebay et non d'un tiers dont il aurait pu croire qu'il avait pouvoir d'engager la société".

Le TI décide qu'en usurpant l'identité d'Ebay, le vendeur cherchait à se faire passer pour Ebay et non pour un représentant d'Ebay. Dans ce dernier cas, Ebay aurait pu être engagée contractuellement par son représentant en vertu de la théorie du mandat apparent. Ainsi, le TI refuse de condamner Ebay International AG à rembourser la somme de 4 600 euros sur ce fondement.

Monsieur L. reprochait, également, à Ebay International AG d'avoir manqué à son obligation d'information. Le TI pose le principe selon lequel "la société Ebay International AG convient d'être tenue d'une obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l'égard des personnes inscrites sur le site ebay.fr et au demeurant la présence de pages consacrées à ces domaines sur ledit site établit au besoin l'existence de cette obligation à la charge de la société Ebay International AG". En outre, poursuit le TI, "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de celle-ci".

Or, le TI constate que Ebay a effectivement déconseillé à Monsieur L. de finaliser la transaction, mais cette information est arrivée postérieurement à la transaction litigieuse (alors même que la période d'enchère n'avait pas encore pris fin). Le TI juge que tous les éléments de preuve produits aux débats par Ebay International AG sont postérieurs à la période de transaction litigieuse de sorte qu'ils "sont impropres à démontrer que l'information fournie à l'époque était complète et suffisante", c'est-à-dire de nature à prévenir le préjudice subi par Monsieur L..

Par conséquent, le tribunal considère qu'Ebay International AG a manqué à son obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l'égard des utilisateurs du site ebay.fr.

Cependant, le TI constate que Monsieur L. "a agi avec une précipitation fautive, laquelle a largement concouru à la réalisation de la perte qu'il a subie" dans la mesure où il a transféré la somme de 4 600 euros selon un mode de paiement reconnu comme n'étant pas sécurisé, sans attendre la fin de l'enchère, alors que des anomalies et des incohérences (objet du contrat en France, vendeur en Grèce rédigeant les messages en anglais sur un site internet destiné à des internautes français) devaient le rendre prudent.

En conséquence, le TI engage la responsabilité d'Ebay à hauteur de 1/5ème du dommage en raison de l'absence d'informations complètes et suffisantes sur les risques de fraude et la sécurité des transactions. Ebay International AG est donc condamnée à verser à Monsieur L. la somme de 920 euros à titre de dommages intérêts.

Commentaire :

Par ce jugement en date du 26 mars 2007, le tribunal d'instance expose que la société Ebay International AG est tenue de fournir aux utilisateurs du site ebay.fr une information complète et suffisante sur les risques de fraude et sur la sécurité des transactions. Le manquement à cette obligation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de Ebay International AG.

Cependant, la responsabilité de la société Ebay International AG peut être limitée lorsque la victime commet une faute.

En l'espèce, le tribunal relève que Monsieur L. a agi avec une précipitation fautive en procédant à la transaction selon un moyen de paiement non sécurisé, sans attendre la fin de l'enchère et sans prendre en considération différents éléments qui étaient de nature à démontrer l'escroquerie. Par conséquent, la responsabilité de Ebay International AG a été réduite de 80 %.

Nous pouvons noter que, dans un jugement en date du 1er février 2007, le tribunal d'instance de Grenoble jugeait que la responsabilité d'Ebay ne saurait être engagée dans la mesure où l'acheteur victime d'une fraude, qui n'a pas utilisé les moyens de paiement mis à sa disposition par Ebay (système Paypal), et qui n'a pas respecté les règles élémentaires de sécurité a fait preuve d'une particulière imprudence, laquelle a largement concouru à la réalisation de son préjudice.

Par conséquent, le fait pour l'acheteur victime d'une escroquerie de ne pas utiliser les moyens de paiement proposés par Ebay peut constituer une faute susceptible de limiter la responsabilité d'Ebay International AG, voire de l'exonérer.

  • Par une ordonnance de référé en date du 22 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société américaine Myspace Inc., prise en qualité d'hébergeur et d'éditeur des pages personnelles créées par ses membres, de supprimer une page internet diffusant les vidéos d'un humoriste sans son consentement : TGI Paris, 22 juin 2007 n° RG 07/55081, Monsieur J. L. dit Lafesse c/ Société Myspace INC (N° Lexbase : A5140DXN)

Faits :

La société Myspace Inc. ("Myspace") dispose d'un site internet permettant à ses membres de créer gratuitement des pages personnelles. C'est ainsi qu'un membre a créé une page personnelle dédiée à Jean-Yves L., dit Lafesse, diffusant 35 vidéos de l'humoriste ainsi que sa photographie et son nom.

Lafesse a, alors, assigné en référé la société Myspace devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire cesser la diffusion sans son autorisation de ses sketches sur le fondement (i) de l'atteinte à son image, (ii) de la violation des droits d'auteurs et droits voisins et (iii) de la contrefaçon de ses oeuvres.

Décision :

Le TGI a considéré que les sketches de l'humoriste étaient des oeuvres protégées au sens de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3360ADS) de sorte que leur diffusion sans le consentement de l'auteur constitue un acte de contrefaçon et est de nature à porter atteinte aux droits d'artiste interprète de l'humoriste.

En outre, la reproduction sur la page internet litigieuse du nom et de la photographie de Lafesse sans son autorisation constitue une violation des droits de sa personnalité (C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY).

Par conséquent, le TGI a ordonné à la société Myspace, en sa qualité d'éditeur, (i) de supprimer la page internet dédiée à Lafesse sous astreinte et (ii) de verser à l'humoriste des dommages intérêts provisionnels de 58 000 euros en réparation des divers préjudices subis.

Commentaire :

Par cette ordonnance, le TGI considère que Myspace a le double statut d'hébergeur et d'éditeur. Elle constate, en effet, que dans la mesure où la société Myspace impose à ses hébergés "une structure de présentation par cadres" et où elle diffuse, "à l'occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit", Myspace avait non seulement la qualité d'hébergeur, mais également d'éditeur.

Cette ordonnance du TGI confirme l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 7 juin 2006 (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 7 juin 2006, n° 05/07835, SA Tiscali Média c/ SA Dargaud Lombard N° Lexbase : A6632DR3), selon lequel la société Tiscali devait être regardée comme ayant la qualité d'éditeur "dès lors qu'il est établi qu'elle exploite commercialement le site www.chez.tiscali.fr puisqu'elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, telle que la page www.chez.com/bdz, sur lesquelles apparaissent différentes manchettes publicitaires".

Ainsi, au regard de la jurisprudence récente, une société qui propose à ses membres d'héberger des pages personnelles et qui exploite commercialement cette activité, grâce, notamment, à la publicité, doit assumer toutes les responsabilités dévolues aux hébergeurs et aux éditeurs de sites internet.

  • Par un jugement en date du 13 juillet 2007, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Dailymotion, prise en qualité d'hébergeur, pour avoir permis la diffusion sur son site internet du film "Joyeux Noël" : TGI Paris, 13 juillet 2007, n° RG 07/05198, M. C. C. c/ SA Dailymotion (N° Lexbase : A5139DXM)

Faits :

La société Dailymotion exploite un site internet permettant aux internautes de partager des vidéogrammes. Entre janvier et mars 2007, le film intitulé "Joyeux Noël", réalisé par Christian C. et produit par la société Nord-Ouest Production, est mis à disposition des internautes en streaming sur le site de Dailymotion sans autorisation préalable de Christian C. ou de la société Nord-Ouest Production.

Le réalisateur et le producteur du film assignent à jour fixe la société Dailymotion devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire cesser cette diffusion et obtenir réparation de leurs préjudices.

Décision :

Christian C. et la société Nord-Ouest Production demandaient que la société Dailymotion soit considérée comme éditeur et non hébergeur, soutenant que l'activité développée par la société Dailymotion relevait du domaine de l'édition de contenu puisque le modèle économique choisi par la société Dailymotion reposait sur une exploitation commerciale liée exclusivement à la vente d'espaces publicitaires, Dailymotion n'étant pas rémunérée au titre de son activité de stockage de données.

La société Dailymotion soutenait, quant à elle, que son rôle était celui d'un simple hébergeur, "de sorte que sa responsabilité civile ne peut être recherchée que ce soit du chef de contrefaçon ou du chef de concurrence déloyale dès lors qu'elle a respecté les obligations mises à sa charge à savoir : mise en oeuvre de dispositifs d'information et d'alerte quant à tout nouveau contenu illicite incluant les contenus contrefaisants, retrait immédiat du contenu litigieux dès qu'il lui a été signalé et conservation des données disponibles permettant d'identifier l'utilisateur concerné, lequel n'a pas été mis en cause par les demandeurs".

Le TGI de Paris écarte la qualification d'éditeur aux motifs que "la commercialisation d'espaces publicitaires ne permet pas de qualifier la société Dailymotion d'éditeur de contenu dès lors que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes, situation qui distingue fondamentalement le prestataire technique de l'éditeur, lequel, par essence même, est personnellement à l'origine de la diffusion, raison pour laquelle il engage sa responsabilité".

Le TGI qualifie donc la société Dailymotion d'hébergeur de contenu.

Cependant, le TGI considère que si, aux termes l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ("LCEN" N° Lexbase : L2600DZC), les hébergeurs "ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible", ce texte, poursuit le tribunal, n'instaure pas une "exonération de responsabilité mais seulement une limitation de responsabilité restreinte aux cas où les prestataires techniques n'ont pas effectivement connaissance du caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère".

Or, relève le TGI, le succès de la société Dailymotion "supposait nécessairement la diffusion d'oeuvres connues du public, seules de nature à accroître l'audience et à assurer corrélativement des recettes publicitaires". Dans ce contexte, la société Dailymotion "doit être considérée comme ayant connaissance à tout le moins de faits et circonstance laissant à penser que des vidéos illicites sont mises en ligne".

Ainsi, conclut le TGI, "si la loi n'impose pas aux prestataires techniques une obligation générale de rechercher les faits ou circonstances révélant des activités illicites, cette limite ne trouve pas à s'appliquer lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même".

En l'espèce, le TGI constate que la société Dailymotion n'a mis en oeuvre aucun moyen propre à rendre impossible l'accès au film "Joyeux Noël" alors qu'il lui incombe de réaliser un contrôle a priori.

En conséquence, le TGI condamne la société Dailymotion, prise en qualité d'hébergeur, à payer 23 000 euros au réalisateur et au producteur du film sur le fondement de l'article 6-I-2 de la LCEN.

Commentaire :

L'apport de ce jugement est double.

Précisions sur le statut d'éditeur

Dans ce jugement, le TGI de Paris considère que le fait que la société Dailymotion commercialise des espaces publicitaires n'est pas un critère qui permet de la qualifier d'éditeur de contenu dès lors que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes.

Or, ce même tribunal jugeait, le 22 juin 2007, en référé cette fois (affaire Jean-Yves Lafesse c/ Myspace, cf. supra), que la société Myspace devait être qualifiée non seulement d'hébergeur, mais également d'éditeur de contenu au motif qu'elle tirait manifestement profit des publicités diffusées à l'occasion de chaque consultation.

En outre, la cour d'appel de Paris avait jugé, le 7 juin 2006, que la société Tiscali devait être regardée comme ayant la qualité d'éditeur "dès lors qu'il est établi qu'elle exploite commercialement le site www.chez.tiscali.fr puisqu'elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, telle que la page www.chez.com/bdz, sur lesquelles apparaissent, différentes manchettes publicitaires" (cf. supra).

Ainsi, le critère de la commercialisation d'espaces publicitaires pour qualifier l'exploitant d'un site de partage de vidéogrammes d'éditeur de contenu semblerait être remis en cause.

Précisions sur le statut d'hébergeur

Par ailleurs, en ce qui concerne le régime juridique de l'hébergeur, qui rappelons-le, ne peut pas voir sa responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services s'il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il en a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible, le TGI considère, ici, qu'un exploitant d'un site de partage de vidéogrammes a connaissance d'activités illicites, lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même. Le TGI considère que c'est le cas pour la société Dailymotion, le succès du site supposant nécessairement la diffusion d'oeuvres connues du public.

Le TGI prend, ainsi, en compte la nature de l'activité du site pour considérer si l'exploitant d'un site de partage de vidéos a connaissance ou non d'activités illicites.

Dès lors que l'hébergeur a connaissance d'activités illicites, il doit agir promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. Par conséquent, il résulte de ce jugement que des sites ayant des activités similaires à celle de la société Dailymotion devraient prendre des mesures techniques destinées à retirer les contenus illicites ou de cesser d'en permettre l'accès avant même d'avoir été mis en demeure de le faire. La tendance à ordonner l'instauration d'un contrôle a priori des contenus publiés sur leurs sites se confirme donc.

  • La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2006 qui avait estimé que la réglementation française réservant au Pari Mutuel Urbain ("PMU") le monopole de l'organisation et de l'exploitation des paris sur des courses hippiques se déroulant en France, était conforme au droit communautaire : Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-13.986, Société Zeturf limited, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2233DXY)

Faits :

La société Zeturf, domiciliée à Malte, proposait aux internautes, via son site internet, de parier sur des courses hippiques se déroulant en France. Le GIE PMU a assigné en référé la société Zeturf pour faire juger que l'activité de la société Zeturf contrevenait à la législation française, notamment la loi modifiée du 2 juin 1891 (N° Lexbase : L4208HYI) et le décret n° 97-456 modifié du 5 mai 1997 en vertu desquels seul le PMU est habilité à collecter les paris en dehors des hippodromes (décret n° 97-456, 5 mai 1997, relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel N° Lexbase : L7261HT4).

Par une ordonnance de référé en date du 8 juillet 2005, le tribunal de grande instance de Paris ordonna à la société Zeturf de mettre fin à son activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France et ce, sous astreinte provisoire de 15 000 euros par jour de retard en raison du trouble manifestement illicite que cette activité causait au monopole du PMU.

La cour d'appel de Paris, par un arrêt en date du 4 janvier 2006, confirma l'ordonnance du tribunal au motif que "la réglementation française n'est pas contraire à la norme européenne" relative à la libre prestation des services et ordonna à la société Zeturf de cesser la prise de paris en ligne sous astreinte provisoire de 50 000 euros par jour de retard (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 4 janvier 2006, n° 05/15773 N° Lexbase : A2028DM3).

Dans un arrêt du 10 juillet 2007, la Cour de cassation, saisie par la société Zeturf, casse et annule l'arrêt de la cour d'appel pour manque de base légale et renvoie les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour que l'affaire soit rejugée en fait et en droit.

Décision :

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 21 octobre 1999, aff. C-67/98, Questore di Verona c/ Diego Zenatt N° Lexbase : A0585AWL ; CJCE, 6 novembre 2003, aff. C-243/01, Piergiorgio Gambelli e.a. N° Lexbase : A0552DAP ; CJCE, 6 mars 2007, aff. C-338/04, Massimiliano Placanica N° Lexbase : A4340DUB), "qu'une restriction à la libre prestation de services, découlant d'une autorisation limitée des jeux d'argent dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, ne peut être justifiée que si elle est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à prévenir l'exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables ou l'objectif tenant à la réduction des occasions de jeux, et qu'une telle restriction n'est susceptible d'être justifiée au regard de ce dernier objectif que si la réglementation la prévoyant répond véritablement, au vu de ses modalités concrètes d'application, au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine d'une manière cohérente et systématique, ce qui est exclu lorsque les autorités nationales adoptent une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du trésor public".

La Cour de cassation rappelle, ensuite, que "la libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat de destination de la prestation de services, uniquement dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi, de sorte que les autorités de l'Etat de destination de la prestation de services doivent prendre en considération les contrôles et vérifications déjà effectuées par l'Etat d'origine de celle-ci".

Par conséquent, conclut la Cour de cassation, en ne recherchant pas si "les autorités nationales n'adoptaient pas une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du Trésor public" et si "l'intérêt général sur lequel se fondent les objectifs consistant à limiter les occasions de jeux et à prévenir l'exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses n'est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans l'Etat membre où il est établi", (c'est-à-dire la réglementation maltaise), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris et renvoie les parties devant la cour d'appel autrement composée.

Commentaire :

La Cour de cassation ne condamne pas le monopole conféré au PMU par la réglementation française au regard du droit communautaire. Dans un arrêt qu'on pourrait qualifier de didactique, elle fixe des lignes directrices que la cour d'appel aurait dû appliquer pour déterminer si ce droit exclusif était justifié au regard du principe de la libre prestation des services posé par l'article 49 du Traité instituant la Communauté européenne (N° Lexbase : L5359BCH). Ce sera à cette même cour d'appel, et forte de ces lignes directrices, de déterminer si les autorités françaises adoptent une politique extensive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du Trésor public et de procéder à une analyse de la réglementation de l'Etat de Malte afin de vérifier si la législation maltaise permet la sauvegarde de l'intérêt général.

Cet arrêt de la Cour de cassation intervient après que la Commission européenne ait officiellement demandé, le 27 juin 2007, à la France de modifier sa législation sur les paris au motif que les restrictions pesant sur la prestation de services de paris sportifs en France sont en contradiction avec le droit communautaire.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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