La lettre juridique n°272 du 13 septembre 2007 : Bancaire

[Jurisprudence] Subordination de la conclusion d'un contrat de prêt à l'adhésion de l'emprunteur à un contrat garantissant le remboursement des sommes prêtées : quelle(s) obligation(s) pour le banquier ?

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 03-19.229, M. Mohamed Marzouk, FS-P+B (N° Lexbase : A7822DWM)

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N2792BCE

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[Jurisprudence] Subordination de la conclusion d'un contrat de prêt à l'adhésion de l'emprunteur à un contrat garantissant le remboursement des sommes prêtées : quelle(s) obligation(s) pour le banquier ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209319-jurisprudence-subordination-de-la-conclusion-dun-contrat-de-pret-a-ladhesion-de-lemprunteur-a-un-con
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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

le 07 Octobre 2010

Les obligations du banquier sont, ces derniers temps, au coeur des polémiques en droit bancaire. Elles peuvent être, rappelons-le, imposées par le législateur ou/et précisées par la jurisprudence. Parmi elles, l'obligation d'information s'est tout particulièrement démarquée en raison des nombreuses décisions, plus ou moins approuvées, rendues à son sujet ces dernières années. L'obligation d'information peut être générale ou spéciale. Même en présence d'une obligation spéciale d'information, son étendue est parfois floue et ne demande qu'à être précisée, dès lors que l'enjeu -la mise en jeu de la responsabilité du banquier- est loin d'être négligeable. En témoigne encore un arrêt publié rendu le 14 juin dernier, par lequel la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur l'information à laquelle est tenu le banquier en matière d'assurance. S'agissant de l'obligation d'information du banquier en matière d'assurance, la dernière décision remarquable fut l'arrêt rendu par la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, le 3 mars 2007 (Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, M. Henri Dailler c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, P+B+R+I N° Lexbase : A4358DUX (1), solution reproduite trois mois plus tard par Cass. civ. 1, 14 juin 2007, n° 06-12.205, Société civile immobilière (SCI) Villa Eden, F-D N° Lexbase : A7894DWB). La Haute juridiction y a énoncé, au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), que "le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation".
Avant cette décision, il suffisait que le banquier remette une notice à l'emprunteur dès lors que celle-ci définissait, de façon claire et précise, les risques garantis. Cet arrêt a donc modifié le contenu de l'obligation du banquier qui propose à ses clients d'adhérer à un contrat d'assurance de groupe. Un auteur a souligné que, désormais, cette obligation implique, pour le banquier, "d'attirer spécialement l'attention de l'emprunteur adhérent sur [cette] adéquation" mais que, dans la mesure où l'assurance de groupe n'est pas, par définition, une assurance personnalisée, l'appréciation de cette adéquation s'avérera difficile (2).

Cet arrêt d'Assemblée plénière est à rapprocher de l'arrêt, ici commenté, du 14 juin dernier. Il s'agissait, dans cette décision, de déterminer l'obligation à laquelle est tenu le banquier lorsqu'il mentionne, dans l'offre de prêt, que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier.

Cette pratique s'explique, rappelons-le, par le fait que les banques essaient de se prémunir efficacement contre les risques d'une défaillance de l'emprunteur. Parmi les garanties à leur disposition, se trouve le contrat d'assurance. Il est, ainsi, fréquent que "la conclusion du contrat de prêt soit subordonné à l'adhésion préalable de l'emprunteur à un contrat garantissant le remboursement des sommes prêtées" (3). Cependant, cette garantie n'est pas sans inconvénient pour la banque qui, tenue d'une obligation d'information et de conseil dans le cadre de cette opération, peut engager sa responsabilité civile (4). Tel est justement ce qui se produisit dans notre cas d'espèce.

Dans cette affaire, en effet, une banque a accordé à M. et Mme X un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier. A la suite du décès de l'épouse, la banque a assigné M. X en paiement de diverses sommes dont le solde du prêt, aucune assurance n'ayant été souscrite par les emprunteurs.
Saisie du litige, la cour d'appel de Paris (5) a débouté M. X de ses demandes dirigées contre la banque, aux motifs que, dans la mesure où les emprunteurs ont manifesté leur intention de s'adresser à la MGEN et où ils ne pouvaient ignorer qu'il s'agissait de leur propre compagnie d'assurance, il leur appartenait de faire leur affaire personnelle de cette adhésion et que, dès lors, la banque n'a commis aucune faute.
C'est avec succès que M. X s'est pourvu en cassation puisque la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour violation de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Elle énonce, pour cela, que "le banquier, qui mentionne dans l'offre de prêt que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier, est tenu de vérifier qu'il a été satisfait à cette condition ou, à tout le moins, de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance". L'affaire est, ainsi, renvoyée devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Cette décision vient donc encore renforcer l'obligation d'information du banquier lorsque celui-ci subordonne la conclusion d'un contrat de prêt à la souscription par l'emprunteur d'un contrat d'assurance.
En effet, lorsqu'il propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, le banquier a l'obligation d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle (Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, préc.).
Dans l'autre hypothèse, où il mentionne, dans l'offre de prêt, que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier, le banquier doit vérifier qu'il a été satisfait à cette condition ou, à tout le moins, de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance (Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 03-19.229).

Vraisemblablement, la cour d'appel avait dû penser que, dans la mesure où les emprunteurs avaient manifesté leur intention de s'adresser à leur propre compagnie d'assurance (contrairement aux faits ayant donné lieu à l'arrêt d'Assemblée plénière), la banque ne leur devait aucune information portant sur leur adhésion. Or, même dans ce cas, la banque reste tenue d'une obligation consistant, ici, à vérifier qu'il a été satisfait à la condition de la souscription du contrat d'assurance ou, à tout le moins, d'éclairer l'emprunteur sur les risques d'un défaut d'assurance. Reste alors à savoir dans quelle mesure les juges estimeront que le banquier aura correctement éclairé l'emprunteur sur les risques d'un défaut d'assurance.


(1) Lire R. Routier, Le devoir du banquier d'éclairer son client : concept obscur ou parfaitement lumineux ?, Lexbase Hebdo n° 256 du 19 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N6716BAY).
(2) A. Gourio, Renforcement de l'obligation d'information du banquier prêteur auprès de son client adhérant au contrat d'assurance de groupe, JCP éd. G, 2007, n° 10098.
(3) Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 6ème éd., 2005, n° 524.
(4) Par exemple, sur le contrat d'assurance collective pouvant accompagner le crédit immobilier, voir (N° Lexbase : E0867ATB).
(5) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 6 décembre 2002, n° 2000/20416, M. Mohamed Marzouk (N° Lexbase : A7822DWM).

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