La lettre juridique n°266 du 28 juin 2007 : Éditorial

Rétroactivité de la loi : la fin des borborygmes

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Si certains poussent encore des cris d'orfraie à la seule évocation de la rétroactivité de la loi, autre que pénale et plus douce, force est de constater que l'exercice du genre n'en finit pas de faire pleuvoir de nombreux contentieux, véritables sagas jurisprudentielles aux rebondissements nationaux et communautaires.

Pourtant, l'histoire de la rétroactivité de la loi aurait pu tourner court à la seule lecture de l'article 2 du Code civil, selon lequel "La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif". Ce principe est même implicitement évoqué aux articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC). Le premier article tendant à ce que la loi ne défende que les actions nuisibles à la société (principe de liberté par défaut), et le second de ces articles disposant que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Seulement voilà : la DDHC inscrite au préambule de la Constitution, avec valeur constitutionnelle, ne comprend pas explicitement l'interdiction de la rétroactivité des lois. Le principe n'a donc qu'une valeur législative ; valeur qui, toute auréolée de ses deux siècles, ne suffit pas à faire battre en retraite les velléités gouvernementales d'introduire, dans notre corps législatif, des lois dites "de validation" à l'effet rétroactif pas toujours compris et accepté par les justiciables. Car, introduire une loi rétroactive, c'est bien attenter à la sécurité juridique et au respect de la parole de l'Etat.

Pour autant, si ce principe ne s'impose pas au législateur, il s'impose au juge. Et c'est sous l'empire du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, comme de la CJCE et de la CEDH, que la jurisprudence s'est efforcée de fixer des limites à la rétroactivité : la rétroactivité du droit ne se présume pas et les lois rétroactives sont d'interprétation stricte. Il ne peut être dérogé au principe de non-rétroactivité qu'à la condition que soit démontrée l'existence d'un "impérieux motif d'intérêt général". Et c'est tout le spectre de l'interprétation d'une telle dérogation qui nourrit le contentieux actuel en la matière.

Cette semaine, c'est le contentieux des heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social qui est, à nouveau, l'honneur. Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, vous propose de revenir sur cet imbroglio jurisprudentiel, auquel ont pris part les plus grandes formations contentieuses, pour aboutir à une solution, que l'on espère définitive, le 13 juin dernier. Au final, après condamnation, le 9 janvier dernier, de la France par la CEDH, il ressort que l'article 29 de la loi "Aubry II" n'est pas applicable aux contentieux ouverts antérieurement à sa promulgation, mais emporte plein effet pour les actions engagées postérieurement.

La "gifle" infligée à l'Assemblée plénière par la CEDH, obligeant la Cour de cassation à revoir sa copie, n'est pourtant pas une première. Aussi remarquée était l'affaire de la loi dite "anti-Perruche". Tirant les conséquences des arrêts de la CEDH, rendus le 6 octobre 2005, la Cour de cassation avait jugé que l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002 méconnaissait l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne, dès lors que le mécanisme de compensation forfaitaire au handicap, instauré par cette loi, était sans rapport raisonnable avec la créance de réparation intégrale à laquelle aurait pu prétendre l'enfant avant l'entrée en vigueur de la loi. Le législateur, qui entendait exclure tout droit à réparation de l'enfant et limiter celui des parents à leur seul préjudice, en était pour ses frais.

On ne reviendra pas, ici, sur les vices et vertus de la supranationalité, mais reste qu'il y a des circonstances où l'adoption d'une loi rétroactive se justifie, comme par exemple des situations exceptionnelles n'ayant pas donné au législateur le loisir d'élaborer sereinement une loi. C'est, également, le cas de la "petite rétroactivité" appliquée en droit fiscal, lorsqu'une loi de finances s'applique aux revenus perçus et aux résultats réalisés au cours de l'année de son adoption : la réactivité des pouvoirs publics commande, en la matière, la rétroactivité de la loi fiscale, bien que les dispositions de l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne obligent également au respect de la propriété acquise.

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