La lettre juridique n°257 du 26 avril 2007 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Résiliation amiable du contrat de travail du salarié protégé

Réf. : Cass. soc., 27 mars 2007, n° 05-45.310, Crédit foncier de France c/ Mme Bedrignan, FS-P+B (N° Lexbase : A8007DU4)

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le 07 Octobre 2010


Il est de jurisprudence constante que le contrat de travail d'un représentant du personnel ne saurait faire l'objet d'une rupture négociée en violation du statut protecteur d'ordre public édicté par la loi. Cela étant, et ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans un important arrêt rendu le 27 mars dernier, dès lors que l'inspecteur du travail a autorisé la rupture pour motif économique, le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat représentatif peut être résilié amiablement dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise. Dans ce cas, l'employeur n'est pas tenu de licencier le salarié après la rupture du contrat de travail d'un commun accord.


Résumé

Dès lors que l'inspecteur du travail a autorisé la rupture pour motif économique, le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat représentatif peut être résilié amiablement dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise.

Décision

Cass. soc., 27 mars 2007, n° 05-45.310, Crédit foncier de France c/ Mme Bedrignan, FS-P+B (N° Lexbase : A8007DU4)

Cassation partielle sans renvoi (CA Toulouse, 4ème chambre sociale, section 2, 23 septembre 2005)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-14 (N° Lexbase : L9576GQQ)

Mots-clés : représentants du personnel ; licenciement pour motif économique ; autorisation de l'inspecteur du travail ; résiliation amiable du contrat de travail ; plan de sauvegarde de l'emploi.

Lien bases :

Faits

Engagée en 1970 par le Crédit foncier de France, Mme Bedrignan a été désignée en qualité de déléguée syndicale le 14 juin 2001. Après consultation du comité d'entreprise, un plan d'adaptation des emplois prévoyant diverses actions dont des dispositifs de "préretraite", a été mis en place par accord collectif le 25 octobre 2001. L'inspecteur du travail ayant autorisé son "licenciement" dans le cadre d'un départ volontaire en préretraite en exécution de ce plan le 23 janvier 2002, la salariée a signé un protocole par lequel elle adhérait à un tel dispositif. Contestant cet accord, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en dommages-intérêts, puis a formé diverses demandes en paiement d'indemnités de rupture et pour non-respect du statut protecteur.

Aux termes d'un pourvoi incident, la salariée reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes en nullité de la convention de rupture du contrat de travail et, en conséquence, en paiement de sommes pour violation du statut protecteur, ainsi qu'à titre d'indemnités de rupture du contrat de travail et pour licenciement illicite.

Quant à l'employeur, il reproche aux juges d'appel d'avoir retenu, pour dire qu'il n'avait pas mis en oeuvre formellement le licenciement autorisé par l'administration, qui seul pouvait rompre le contrat de travail de Mme Bedrignan, que le contrat de travail ne pouvait prendre fin que dans les conditions imposées par l'article L. 412-18 du Code du travail (N° Lexbase : L0040HDT) et la rupture négociée à l'initiative de l'employeur, qui avait au demeurant saisi l'inspecteur du travail, était forcément exclue. Cela étant, l'inspecteur du travail, saisi dans le cadre d'un départ volontaire en préretraite en exécution d'un plan social, a accordé une autorisation qui ne pouvait être critiquée devant le juge judiciaire, si bien que la rupture du contrat de travail, par ailleurs justifiée par une cause réelle et sérieuse, était seulement irrégulière en la forme, l'employeur n'ayant pas mis en oeuvre la procédure de licenciement qui s'imposait.

Solution

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée qui est préalable

"Mais attendu que, dès lors que l'inspecteur du travail a autorisé la rupture pour motif économique, le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat représentatif peut être résilié amiablement dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise ; que la cour d'appel qui a constaté que le départ de Mme Bedrignan s'inscrivait dans le cadre défini par un accord collectif soumis au comité d'entreprise et qu'il avait été préalablement autorisé par l'inspecteur du travail, en a exactement déduit que la convention conclue à cette fin par l'employeur n'était pas atteinte de nullité".

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur

"Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur n'était pas tenu de licencier la salariée après la rupture du contrat de travail d'un commun accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Observations

1. Le nécessaire respect du statut protecteur légal

Reprenant la solution solennellement affirmée dans les fameux arrêts "Perrier" du 21 juin 1974 (Cass. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier, publié N° Lexbase : A6851AGT), la Cour de cassation vient régulièrement rappeler que la protection exorbitante du droit commun conférée à un salarié investi d'un mandat de représentant du personnel oblige l'employeur à soumettre à la procédure administrative d'autorisation toute rupture, à son initiative, du contrat de travail de ce salarié, quel qu'en soit le motif et quel que soit le statut de l'entreprise qui l'emploie. Par suite, l'employeur qui entend mettre un salarié à la retraite doit, alors même que les conditions requises par la loi pour cette mise à la retraite sont remplies, demander l'autorisation de l'inspecteur du travail (v., en dernier lieu, Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-48.351, FS-P+B N° Lexbase : A4478DQW). De même, l'employeur est tenu de respecter la procédure légale lorsqu'il entend rompre le contrat de travail du salarié protégé pendant la période d'essai (Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.751, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1388DLY ; Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.585, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1387DLX ; lire les obs. de Ch. Radé, La rupture du contrat de travail du salarié protégé pendant la période d'essai soumise à l'autorisation préalable de l'inspection du travail, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0314AKT) ou, encore, en cas d'adhésion de ce dernier à un dispositif de préretraite (Cass. soc., 8 juin 1999, n° 97-41.498, Société IBM France c/ M. Ravel et autre, publié N° Lexbase : A4740AGN).

En résumé, lorsque l'employeur entend rompre unilatéralement le contrat de travail d'un salarié protégé, il lui faut nécessairement obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail. Il en résulte que ni l'employeur, à qui il est interdit de résilier le contrat de travail d'un représentant du personnel sans observer les formalités édictées en faveur de ce salarié, ni celui-ci, qui ne saurait renoncer à une protection qui lui est accordée pour l'exercice de sa mission, ne peuvent conclure un accord pour mettre fin au contrat en dehors des règles légales. En conséquence, le contrat de travail ne peut faire l'objet d'une rupture négociée (Cass. soc., 16 mars 1999, n° 96-44.551, M. Jubeau c/ Société Castel frères, publié N° Lexbase : A4645AG7 ; Cass. crim., 6 janvier 2004, n° 02-88.240, F-P+F N° Lexbase : A8840DAN).

Cela étant, et l'arrêt commenté en apporte la confirmation, rien n'interdit que le contrat de travail puisse faire l'objet d'une résiliation amiable dès lors que la rupture du contrat de travail a été préalablement autorisée par l'inspecteur du travail.

2. Statut protecteur légal et résiliation amiable du contrat de travail

Il est important de rappeler, afin d'éviter toute confusion, que la voie de la rupture amiable du contrat de travail demeure fermée aux salariés protégés, que cette rupture amiable prenne place dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou, a fortiori, qu'elle soit négociée individuellement hors de tout cadre économique. Bien plus, pour la Cour de cassation, constitue un délit d'entrave le simple fait de proposer à un représentant du personnel de mettre fin au contrat de travail par un accord de résiliation amiable (Cass. crim., 6 janvier 2004, préc.).

Cela étant, il est fréquent, dès lors que l'employeur envisage des licenciements pour motif économique, que certains salariés puissent opter, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, pour un départ volontaire ou, comme en l'espèce, pour un départ volontaire en préretraite se traduisant par une rupture négociée du contrat de travail. Si le fait que le salarié concerné soit investi d'un mandat de représentant du personnel ne constitue pas un obstacle à un tel départ volontaire, il reste, néanmoins, nécessaire pour l'employeur de respecter le statut protecteur légal. C'est ce que souligne la Cour de cassation dans l'arrêt sous examen, en affirmant que "dès lors que l'inspecteur du travail a autorisé la rupture pour motif économique, le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat représentatif peut être résilié amiablement dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise".

Cette solution doit être approuvée dans la mesure où elle conduit à assurer le respect du statut protecteur légal édicté par la loi en faveur des salariés protégés, tout en leur permettant de bénéficier des dispositifs prévus par un plan de sauvegarde de l'emploi. Admettre le contraire reviendrait à soumettre nécessairement et exclusivement les salariés protégés à un licenciement "sec" et à leur interdire de bénéficier des dispositions, parfois plus avantageuses, du plan de sauvegarde de l'emploi.

Ainsi que semble l'affirmer la Cour de cassation, une telle faculté reste, cependant, subordonnée à l'existence préalable d'un accord collectif soumis au comité d'entreprise et prévoyant la possibilité de départs volontaires. Cela tend à signifier que la rupture amiable du contrat de travail ne saurait être autorisée par l'administration dans un autre cadre.

Au-delà, et c'est le second enseignement de l'arrêt en cause, l'employeur n'est pas tenu de licencier le salarié après la rupture du contrat de travail d'un commun accord. On sera évidemment tenté de dire que cette affirmation tombe sous le sens, partant de l'idée que "rupture sur rupture ne vaut". Mais, il appartenait ici à la Cour de cassation de réformer la décision des juges du fond qui avaient considéré que l'employeur n'avait pas mis en oeuvre formellement le licenciement autorisé par l'administration, qui seul pouvait rompre le contrat de travail de la salariée protégée, la rupture négociée à l'initiative de l'employeur étant forcément exclue. C'est précisément là la démonstration de la confusion qu'il convient d'éviter en la matière. S'il est bien interdit de procéder à la rupture négociée du contrat de travail d'un représentant du personnel en violation du statut protecteur, il est permis, dès lors que la rupture du contrat de travail pour motif économique a été autorisée par l'inspecteur du travail, de procéder ensuite à une rupture de cette sorte, dans le cadre d'un dispositif résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi soumis au comité d'entreprise. Cette solution peut être rapprochée d'un précédent arrêt de la Cour de cassation dans lequel celle-ci est venue admettre la rupture négociée du contrat de travail d'un salarié protégé pour motif économique (Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-42.464, F-D N° Lexbase : A1836DNC).

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Rappelons qu'il est affirmé, dans ces arrêts, que "les dispositions législatives soumettant à l'assentiment préalable du comité d'entreprise ou à la décision conforme de l'inspecteur du travail le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, ont institué, au profit de tels salariés, et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, qui interdit par suite à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail".
(2) En définitive, seuls la démission et le départ à la retraite du salarié échappent à la compétence de l'inspecteur du travail.
(3) Auquel on ajoutera le plan de sauvegarde de l'emploi établi unilatéralement par l'employeur.

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