Réf. : Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique (N° Lexbase : L2882HUB)
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N3227BAR
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le 07 Octobre 2010
De même, la fonction publique doit s'adapter à l'impact du droit communautaire : la fonction publique s'est, en particulier, ouverte aux ressortissants communautaires cette ouverture s'étant également traduite par la création, par voie de détachement de fonctionnaires d'Etats membres dans la fonction publique française et, réciproquement de détachement de fonctionnaires français dans les administrations étrangères (6). A cela s'ajoute, enfin, d'autres bouleversements non négligeables comme le développement des technologies de l'information et de la communication et l'impact, en particulier aussi de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (7) qui fait, notamment, évoluer la fonction publique vers une culture de résultats.
Les agents publics ont, aujourd'hui, des attentes fortes en matière de fluidité des carrières et d'organisation de parcours professionnels plus attractifs et compte tenu des implications du système de la carrière et de l'importance des effectifs qu'emploient les collectivités publiques, celles-ci doivent pouvoir gérer plus efficacement leurs personnels et anticiper sur leurs besoins futurs.
Les mesures proposées par la loi de modernisation de la fonction publique tendent ainsi, à faciliter les progressions de carrière, à développer la mobilité et à accroître les échanges aussi bien entre les administrations publiques qu'entre le secteur public et le secteur privé. La loi, en ce sens, ne saurait se résumer à un simple toilettage statutaire même s'il est excessif de la présenter comme un nouvel élan donné à la fonction publique.
Il conviendra de montrer, en première partie, en quoi la réforme améliore les perspectives de carrière des fonctionnaires (I) pour voir, en seconde partie, en quoi la réforme amène à une plus grande souplesse dans la gestion du personnel (II).
I. Une réforme qui améliore les perspectives de carrière des fonctionnaires
A. La valorisation de la formation et de l'expérience professionnelle des agents
L'amélioration des perspectives de carrière passe par une politique de promotion professionnelle, cette dernière étant indissociable de l'expérience professionnelle, d'une part, et de la formation professionnelle, d'autre part ; c'est en valorisant chacun de ses deux fondements que l'on va donner une nouvelle envergure dans les perspectives de carrière.
L'article 2 de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social (8) a introduit, dans le Code du travail, un article L. 900-1 (N° Lexbase : L4629DZH), selon lequel "la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale". Si, par cet article de principe, l'enjeu national de la formation professionnelle était ainsi affirmé, il convenait d'en généraliser le bénéfice à l'ensemble du monde du travail. La loi de modernisation de la fonction publique a précisément comme objectif de transposer dans le domaine de la formation des agents publics la nouvelle architecture de la formation professionnelle progressivement élaborée dans le secteur privé.
Ainsi, la loi transpose le droit individuel à la formation des salariés (9) à l'ensemble de la fonction publique. Le dispositif proposé est, cependant, moins exhaustif que dans le Code du travail, car il sera complété par des décrets d'application propres à chacune des trois fonctions publiques, et, dans le cas de la fonction publique territoriale, par un dispositif plus précis. Les principales caractéristiques du droit individuel à la formation des salariés sont transférées (10). Ce droit est opposable auprès de l'administration à laquelle le fonctionnaire est affecté et cette dernière doit prendre à sa charge les frais de formation. Les administrations devront mener au profit de leur agents une politique coordonnée de formation professionnelle sachant que les organisations syndicales bénéficieront d'une consultation systématique sur les grandes orientations de cette politique. Enfin, une formation interministérielle sera assurée, grâce à des contributions de tous les ministères et établissements publics de l'Etat. La formation ne sera pas seulement réservée aux agents publics (11).
Concernant l'expérience professionnelle des agents, celle-ci tend à être valorisée par le législateur au sein de la fonction publique d'Etat et hospitalière en inscrivant sa prise en compte, non seulement lors de recrutements dans le cadre de l'un des trois concours (12), mais également pour la promotion interne "au choix" et l'avancement de grade. La loi ouvre, enfin, au profit des fonctionnaires, un nouveau droit à congé pour procéder à une validation des acquis de l'expérience (VAE) (13). Dans la mesure où cette procédure requiert souvent, au préalable, un bilan de compétences (14) l'institution d'un droit à congé pour validation des acquis d'expérience est assortie de l'institution d'un droit à congé pour bilan de compétences.
B. L'allègement des règles de cumul d'activités
La loi de modernisation de la fonction publique met fin à l'ancien décret-loi du 29 octobre 1936, relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions (N° Lexbase : L1808ASR), dont la complexité de la réglementation avait maintes fois été soulignée. Les adaptations se sont limitées à des mesures ponctuelles qui ont peu à peu fait perdre de sa cohérence au dispositif. Le décret-loi mêle, aujourd'hui, dispositions législatives et dispositions réglementaires. En outre, il se voit complété ou partiellement écarté par d'autres lois, dont le statut général de la fonction publique et le Code du travail, mais également des dispositions spécifiques à certaines professions.
Les chapitres 3 et 4 de la loi cherchent à simplifier l'état du droit et à élargir les possibilités de cumul d'un emploi public avec une activité privée dans le but de permettre aux agents publics d'effectuer des parcours professionnels plus riches et à l'administration de tirer profit des nouvelles compétences qu'ils auront acquises. Les agents publics doivent, en effet, pouvoir être mieux informés des règles qui leur sont applicables s'ils souhaitent exercer une activité privée. Cette clarification permettra d'encourager les échanges entre secteur public et secteur privé et, en empêchant la fonction publique de vivre repliée sur elle-même, sera de nature à améliorer l'efficacité des services publics.
Ainsi, les agents publics peuvent être autorisés à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. L'interdiction ne vaut pas non plus à l'égard des agents qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise, ce qui ne les dispense pas de demander au préalable un avis à la commission de déontologie. Il sera possible pendant une année de cumuler les deux activités, publique et privée. Réciproquement un chef d'entreprise recruté dans l'administration pourra cumuler les deux fonctions pendant une année, voire deux.
II. Une réforme qui amène à une plus grande souplesse dans la gestion du personnel
A. Un nouveau régime des règles de mise à disposition
La mise à disposition est une pratique courante dans les services de l'Etat (15) ; par rapport au changement d'affectation ou au détachement, c'est une position plus rapide à mettre en oeuvre et plus souple. Elle est un des supports de la mobilité et offre la possibilité de transférer, d'une administration à une autre, des compétences spécifiques. A priori, la situation juridique du fonctionnaire mis à disposition ne change pas, hormis son lieu d'affectation. Il ne peut, en principe, percevoir un complément de rémunération (16), mais cet impératif n'est pas, dans les faits, toujours suivi (17).
Autre exigence prévue par les textes et souvent non respectée en pratique : la passation d'une convention de mise à disposition entre l'administration et l'organisme bénéficiaire. Cette convention doit, notamment, définir le nombre de fonctionnaires mis à disposition, la nature et le niveau des activités exercées, leurs conditions d'emploi et les modalités de contrôle et d'évaluation desdites activités. Elle doit également prévoir le remboursement par l'organisme d'accueil de la rémunération des fonctionnaires mis à disposition. Or, de nombreux risques juridiques sont attachés à l'absence de remboursement régulièrement prévu ou exonéré (18). Enfin, il faut relever que les mises à disposition servent souvent d'expédient pour faire occuper de manière pérenne des emplois qui devraient être pourvus d'une autre manière (19).
Sans forcément répondre à toutes les critiques, la loi légitime plutôt certaines pratiques que l'on pensait en marge de la légalité. Le législateur s'est livré à une harmonisation et à un alignement des règles relatives à la mise à disposition en prenant comme standard la fonction publique de l'Etat. La mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat sera, désormais, possible auprès des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, notamment, les structures intercommunales, voire sous certaines réserves, auprès d'un Etat étranger. De leur côté, les fonctionnaires territoriaux pourront être mis à disposition des services de l'Etat et de ses établissements publics, tandis que les fonctionnaires hospitaliers pourront aussi exercer une mobilité dans les administrations d'Etat ou des collectivités territoriales. La mise à disposition est donc possible dans les trois fonctions publiques, mais elle continue d'être réservée aux fonctionnaires ; il n'y a pas eu d'extension de la mise à disposition aux agents non titulaires (20).
La conclusion d'une convention de mise à disposition devient obligatoire et le remboursement est systématisé sauf exceptions prévues par la loi (21). Autre innovation d'importance et plus délicate, la mise à disposition est désormais possible auprès d'organismes privés contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'Etat, mais seulement pour l'exercice des missions de service public confiées à ces organismes. Cette rédaction, modifiée par rapport au texte initial moins restrictif, devrait permettre de mettre des fonctionnaires à disposition d'entreprises privées investies de missions de service public industriel et commercial. En outre, la loi prévoit la possibilité d'une mise à disposition entrante de personnels de droit privé soumis au Code du travail, lorsque les administrations ont besoin d'agents ayant "une qualification technique spécialisée". Cette mise à disposition d'un type très particulier sera précisée ultérieurement par décret en Conseil d'Etat.
B. Les modifications des règles de déontologie
Les trois commissions de déontologie existantes pour chacune des fonctions publiques civiles (22) sont regroupées en une seule présidée par un conseiller d'Etat et comprenant entre autres un magistrat de l'ordre judiciaire. Cette commission est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ces fonctions.
Le législateur a revisité les règles de la prise illégale d'intérêts. Le nouvel article 432-13 du Code pénal est plus clément en ce qu'il réduit de cinq à trois ans le délai d'incompatibilité entre, notamment, l'exercice de fonctions de contrôle ou de passation de contrats avec une entreprise privée et le passage de l'agent au service de celle-ci ou de l'une de ses filiales.
La saisine de la commission (par l'agent ou par son administration) est obligatoire pour apprécier la compatibilité entre les anciennes fonctions dans l'administration et la nouvelle activité professionnelle dans le secteur privé ou para-public (23).
Il est à souligner que le Sénat a écarté le mécanisme dit de "permission législative" selon lequel l'avis favorable de la commission aurait empêché que l'agent puisse faire l'objet d'une condamnation pénale pour prise illégale d'intérêt. Il a également empêché la création d'un délit de non-saisine de la commission de déontologie avant d'aller exercer une activité privée.
Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz
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