La lettre juridique n°213 du 4 mai 2006 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Obligation d'information et obligation de se renseigner

Réf. : Cass. civ. 3, 29 mars 2006, deux arrêts, n° 05-13.119, Office public d'aménagement et de construction du département de Saône-et-Loire, FS-P+B (N° Lexbase : A8666DNB) et n° 04-15.253, M. Jean-Pierre Buffière, FP-P+B+I (N° Lexbase : A8312DN8)

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le 07 Octobre 2010

L'occasion a été donnée, à de très nombreuses reprises d'ailleurs, d'insister, ici même, sur l'importance que revêtent, dans le droit contemporain des contrats, l'émergence puis la généralisation de l'obligation d'information et de conseil. Il n'est, bien évidemment, pas question d'y revenir une nouvelle fois, nul n'ignorant plus que la jurisprudence fait preuve d'une grande rigueur en la matière, tout particulièrement lorsqu'une telle obligation pèse sur des professionnels. Signalons tout de même, en dernier lieu, un récent arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 29 mars dernier (Cass. civ. 3, n° 05-13.119) qui confirme à nouveau cette orientation en matière d'assurance de responsabilité décennale des constructeurs. Le maître de l'ouvrage qui exerce un recours contre l'assureur de responsabilité d'un entrepreneur se heurte, parfois, au refus de l'assureur de faire jouer sa garantie au motif que le sinistre s'inscrit dans un secteur d'activité professionnelle autre que celui déclaré par l'assuré. C'est que, en effet, la Cour de cassation a admis la possibilité, pour l'assureur qui assure la responsabilité décennale, de valablement limiter sa garantie en se fondant sur le critère de l'activité professionnelle (1), et ce, d'ailleurs, alors qu'on aurait pu, en sens contraire, faire valoir que le caractère impératif des textes sur cette assurance obligatoire ôte à la liberté contractuelle la détermination de l'étendue de la garantie. Mais la difficulté tient, alors, au fait que le maître de l'ouvrage n'a pas forcément connaissance des déclarations faites quant au secteur d'activité professionnelle et n'est pas toujours en mesure d'apprécier leur concordance avec les travaux entrepris.

Aussi bien, tranchant la question de l'existence et de la preuve de l'obligation d'information en la matière, l'arrêt de la troisième chambre civile du 29 mars dernier a très nettement affirmé, sous le visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), que "l'assurance de responsabilité obligatoire dont l'existence peut influer sur le choix d'un constructeur étant imposée dans l'intérêt des maîtres d'ouvrage, il appartient à l'assureur, tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de son assuré à qui il a délivré une attestation nécessairement destinée à l'information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ces documents les informations précises sur le secteur d'activité professionnelle déclaré" (2).

Il reste que, et c'est sans doute l'une des difficultés ou l'un des enjeux du droit contemporain des contrats, à trouver un équilibre entre obligation d'information et obligation de se renseigner, et donc, plus fondamentalement encore, entre, d'une part, une conception moraliste, sociale, sinon socialisante du droit des contrats et, d'autre part, une conception toute libérale (3). On a d'ailleurs déjà pu relever, dans le cadre de cette chronique, que les réponses apportées à cette question d'une importance théorique et pratique indiscutable, n'étaient pas sans incidences sur le régime juridique du dol, particulièrement depuis que la jurisprudence a admis que le dol pouvait résulter d'une réticence, l'admission de la réticence dolosive portant en germe l'existence d'une obligation d'information (4). Mais il ne s'agit là, bien entendu, que de l'une des conséquences du choix à opérer entre les conceptions du contrat qui sous tendent l'équilibre à trouver entre obligation d'information et obligation de se renseigner. Mérite, en tout état de cause à ce titre, d'être ici mentionné un autre arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du même jour (Cass. civ. 3, n° 04-15.253), cassant, sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), un arrêt de cour d'appel qui, pour rejeter une demande de dommages et intérêts formée contre la SAFER, avait retenu qu'on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir vérifié, lors de la signature de promesses unilatérales de vente et d'achat, le contenu de titres de propriété antérieurs dont la teneur ne lui avait pas été révélée. Selon la Haute juridiction en effet, "en sa qualité de professionnel de la vente de biens fonciers, la SAFER, bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente, était tenue de se renseigner sur la disponibilité du bien avant d'accepter une promesse unilatérale d'achat de ce bien". Encore faudra-t-il sans doute se demander s'il est vraiment là question de rechercher un équilibre entre obligation d'information et obligation de se renseigner et plutôt relever que la décision ne fait que conforter, en définitive, la fermeté dont fait preuve la jurisprudence à l'égard des professionnels.

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Cass. civ. 3, 17 décembre 2003, n° 01-12.259, M. Philippe Pigassou c/ Compagnie GAN, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4756DAE), Bull. civ. III, n° 235, JCP éd. G, 2004, II, 10091, note Pimbert, RCA 2004, n° 83, note Durry.
(2) Voir déjà, dans le même sens, mettant en oeuvre les règles de la responsabilité délictuelle à l'égard du bénéficiaire de la garantie : Cass. civ. 3, 22 septembre 2004, n° 02-13.847, Syndicat des copropriétaires du 67, rue Marx Dormoy à Paris 18e, représenté par son syndic, la société Gestion immobilière prestations conseils (GIPC) c/ M. Christophe Thévenot, FS-P+B (N° Lexbase : A4147DDX), Bull. civ. III, n° 153, D. 2005, p. 1322, obs. Groutel.
(3) Sur cette question, cons. P. Jourdain, Le devoir de "se" renseigner (Contribution à l'étude de l'obligation de renseignement), D. 1983, chr. p. 139 ; M. Fabre-Magnan, Essai d'une théorie de l'obligation d'information dans les contrats, LGDJ, 1992 ; G. Danjaume, La responsabilité du fait de l'information, JCP éd. G, 1996, I, 3895 ; adde, plus généralement, F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 257 et s.
(4) Voir not., sur ce point, D. Bakouche, Aperçu des rapports entre obligation d'information et obligation de se renseigner dans la mise en oeuvre du dol, Lexbase Hebdo n° 26 du 6 juin 2002 - édition affaires (N° Lexbase : N3067AAT), et Quelques observations sur les rapports entre la réticence dolosive et l'erreur inexcusable, Lexbase Hebdo n° 87 du 25 septembre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N8791AAT).

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