La lettre juridique n°182 du 22 septembre 2005 : Responsabilité

[Point de vue...] Produits pharmaceutiques : la défectuosité, entre l'aléa et la faute

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le 07 Octobre 2010

Dans un climat de "tempête sur l'industrie pharmaceutique mondiale" (1), la santé est devenue un domaine d'exploitation commerciale parmi d'autres (2). Cette déchéance éthique se renforce du travers que, par le biais fallacieux de la "prévention", la maladie n'est plus la limite naturelle du marché de la santé : les bien-portants représentent, désormais, la cible préférentielle des médicaments... et de leurs effets indésirables. Pour préoccupante qu'elle soit, cette dynamique commerciale se double d'une grave perversion économique, puisque via le système de prescription par un tiers et de prise en charge par l'assurance maladie, les mécanismes régulateurs classiques du marché sont hors jeu. Dans ce climat d'anarchie éthique et économique, le juge devient le recours naturel des citoyens : on peut anticiper une inflation des actions judiciaires liées à un dommage iatrogène. Malheureusement, cette judiciarisation ne répond pas, actuellement, aux attentes des citoyens : aucune grande affaire de santé publique n'a encore débouché sur des sanctions de quelque exemplarité que ce soit, tandis qu'à l'échelle individuelle, la protection des victimes est limitée par la vulnérabilité des magistrats aux mystifications exercées au nom sacré de la Science -par exemple celles qui concernent la causalité- (3). Dans ces affaires d'essence technico-réglementaire, le rôle de l'expert judiciaire est de protéger le juge contre les dérives techniques, qui paralysent la pensée juridique, et d'aider celui-ci à rester sur le chemin de la réglementation -bien plus proche de ses catégories mentales de référence-. Quoiqu'il n'ait encore guère suscité de jurisprudence correspondant à un minimum de sécurité juridique, le concept de produit défectueux apparaît, au civil, comme de nature à permettre rapidement un traitement judiciaire du dommage médical en phase avec la gravité de la situation sociétale liée à une mercantilisation anarchique de la santé. 1 - Des victimes sans recours malgré une "tempête" sans précédent

1.1 Une insécurité juridique qui s'aggrave

Pour le spécialiste de iatrogénie, la notion de base est celle d'effet indésirable (4), réaction dommageable, prévisible ou non, mais distincte, en tout cas, de l'effet bénéfique recherché : choc cardio-vasculaire au décours d'une anesthésie, cicatrisation inesthétique au terme d'une intervention chirurgicale, suicide pendant une psychothérapie, hémorragie digestive lors d'un traitement anti-inflammatoire. Si les magistrats sont déjà dotés d'une jurisprudence consistante pour ce qui concerne les litiges médico-légaux illustrés par les trois premiers exemples, la situation est bien plus incertaine pour les dommages survenus dans le cadre d'un traitement médicamenteux, surtout dès lors qu'ils se sont exercés à l'échelle de la santé publique et qu'ils concernent, par conséquent, des centaines, voire des milliers ou dizaines de milliers de victimes.

  • Au pénal, l'antécédent du non-lieu dans l'affaire du sang contaminé est encore dans toutes les mémoires. La récente plainte déposée contre l'Etat par des victimes de l'hormone de croissance, en raison du non-respect du "délai raisonnable" va bientôt permettre, au terme d'une instruction de 14 ans, de réactualiser l'analyse de cette "exception française" qui alimente le souci des citoyens quant à "la difficulté pathologique de la société française à faire la lumière sur ses errements" (5).
  • Malgré les sirènes autorisées qui visent à détourner les justiciables d'une "excessive pénalisation" (6), il n'est pas certain que la voie civile garantisse la protection des consommateurs avec plus de sécurité juridique. Ainsi, sur la base d'une conception de la causalité "certaine" -fiction juridique qui, prise au pied de la lettre, renvoie à rien de moins qu'une garantie d'impunité pour les fabricants (7) - des dizaines de requérants, certains dans un état déplorable, se sont vu, récemment, refuser le bénéfice d'une simple expertise technique au motif que le pré-requis juridique de la "certitude" apparaissait d'emblée hors de portée ; simultanément, mais dans le cadre d'une affaire strictement individuelle, la Cour de cassation n'a pas hésité à valider comme suffisamment établie une causalité simplement évaluée comme "plausible" (8) par l'expert désigné, dans le contexte d'une toxicité assez incertaine pour n'être même pas mentionnée dans la notice Vidal de l'un des produits visés et où, de toute façon, la preuve n'avait pas été apportée de la consommation dudit produit par le requérant (9).

1.2 De l'anarchie économique à l'anarchie judiciaire

Cette insécurité juridique est d'autant plus préoccupante que tout porte à croire que la justice sera de plus en plus saisie de litiges en rapport avec des médicaments : sanction prévisible, et finalement logique, d'un système économique aberrant où l'acheteur (le prescripteur) n'est pas le consommateur (le patient) qui n'est lui-même pas le payeur (l'assurance maladie). Ces aberrations conjuguées expliquent l'inefficacité des mécanismes régulateurs sinon élémentaires (on n'achète pas à ses frais un produit cher qui ne donne pas satisfaction et qui expose même à des risques), et il est désormais notoire que les instances substitutives de régulation -administration de contrôle d'une part, prescripteurs d'autre part- sont tout autant inefficaces : ce constat récurrent des affaires récentes (10) a été amplement confirmé, depuis, par les Commissions d'enquête diligentées, tant par le Sénat américain que par le Parlement britannique (11).

Lorsque le spécialiste du médicament évalue le résultat de toutes ces perversions, il est frappé par le contraste -inconcevable dans n'importe quel autre domaine économique- entre les succès commerciaux de la pharmacie (les"blockbusters") et leur valeur thérapeutique réelle : des produits d'efficacité incertaine et de tolérance problématique permettant à leurs fabricants d'engranger des bénéfices incommensurables par rapport à des concurrents bien plus sûrs et incomparablement moins chers -pour ne point parler de ces thérapeutiques exorbitantes à visée censément préventive et qui ne servent à rien d'autre qu'à provoquer effets indésirables ou cancers- (12). C'est précisément dans une telle situation d'anarchie que les citoyens finissent par se tourner vers les juges (13).

Or, -et nos exemples introductifs le confirment- il est à craindre que, pourtant conséquence directe de cette anarchie économique, l'intervention des juges ne génère elle-même une autre forme d'anarchie -judiciaire celle-là-, d'autant plus préoccupante qu'aucune société civilisée ne peut survivre si ce sont les magistrats qui donnent aux justiciables l'exemple de l'insécurité ou de l'imprévisibilité.

En tout état de cause, il leur faut ordonner des expertises confiées à des techniciens qui, dans le milieu technologique étroit de la pharmacie industrielle, ne peuvent avoir acquis la compétence requise que par un contact soutenu avec les fabricants et l'administration défaillante -à moins que, croyant avoir choisi le moindre de deux maux, les magistrats ne privilégient l'incompétence dans l'espoir d'esquiver ce problème des liens d'intérêts-.

  • D'ores et déjà, il est facilement documentable que dans des affaires marquées par l'internationalisation de la pharmacie, de nombreux experts ont accepté des missions alors que, ne pratiquant pas l'anglais, ils étaient dans l'incapacité d'évaluer par eux-mêmes l'essentiels des documents pertinents, réduits par conséquent à s'en remettre aux traductions et explications sélectives complaisamment relayées par les fabricants (14).
  • Autre exemple : il est non moins documentable que dans l'ignorance des règles technico-réglementaires qui gouvernent, dans notre pays, une "enquête nationale de pharmacovigilance", des experts ont remis aux juges civils des centaines de rapports dont les conclusions étaient fondées sur des communiqués endossés par l'autorité sanitaire, sans qu'apparaisse nulle part que selon les termes précis de la réglementation, lesdits communiqués étaient tirés de rapports préalablement rédigés "en commun" par le ou les fabricants appelés dans la cause -illustration particulièrement instructive des conséquences judiciaires graves où peut conduire l'incompétence technique, puisque l'ignorance des textes technico-réglementaires pertinents (15) a ainsi conduit à l'erreur la plus dirimante qui puisse entacher un rapport ordonné par une juridiction civile : la violation du contradictoire-.

La situation résultante du litige médico-légal est illustrée par le paradoxe suivant : alors qu'en conséquence d'une jurisprudence dont il faut bien reconnaître qu'elle révulse tous les professionnels concernés (16), le meilleur et le plus scrupuleux des chirurgiens peut se voir aujourd'hui reconnu responsable d'une infection à laquelle il est strictement étranger, l'indemnisation de la complication médicamenteuse la plus flagrante et la moins tolérable reste suspendue à l'imprévisibilité totale avec laquelle les juges interpréteront l'idéal juridique d'une causalité "certaine" dont nous avons montré qu'hors des prétoires, elle n'a guère d'écho que dans la pensée magique (17). En conséquence de quoi, dans un contexte d'abus assez caractérisés pour faire régulièrement la une des plus éminentes revues médicales internationales et désormais assez notoires pour émouvoir, on l'a dit (18), jusqu'aux élus du peuple, le pari de l'impunité reste toujours un bon choix pour fabricants et certains professionnels de santé...

1.3 Une urgence politique et sociétale

Dans l'urgence politique créée par le fait accompli d'une industrie pharmaceutique qui, selon les termes mêmes du prestigieux British Medical Journal, a fait "main basse sur les administrations sanitaires" (19) de nos pays et qui, littéralement, "fait la loi" au point que le Président du Comité Economique peut admettre publiquement et sans fard qu'avec les fabricants, "notre force de négociation est déjà très réduite" (20), il est fondamental que les magistrats sortent des intimidations pseudo-scientifiques où les accule un système d'expertise fondamentalement vicié et qu'ils récupèrent, en de pareilles espèces, les catégories conceptuelles autonomes leur permettant d'assurer avec un minimum de prévisibilité juridique et de motivation crédible une mission de protection correspondant aux attentes d'une société légitimement inquiète de ce que les biens naguère inaliénables du corps et de la santé soient, malheureusement, devenus cibles commerciales parmi d'autres -particulièrement lucratives en sus- !

Pour autant qu'elle soit clairement appréhendée, la notion de défectuosité peut fournir, sans délai, un outil approprié, comme suggéré par la circonstance suivante : notoirement, l'industrie pharmaceutique a été parmi les lobbies les plus actifs à tenter d'amoindrir la portée de la directive n° 85/374/CEE du 25/07/85 sur les produits défectueux (21). C'est la preuve, s'il en était besoin, qu'elle a parfaitement perçu à quel point ce projet était de nature à contraindre son activité. Cependant, la notion de défectuosité est d'autant plus équitable dans son principe qu'en parallèle, et comme nous le verrons plus bas, elle permettra réciproquement aux magistrats de préserver notre pays -et notre industrie pharmaceutique- des excès d'une victimologie "à l'américaine" dont on commence d'apercevoir de plus en plus régulièrement les premiers vautours.

2 - Idées reçues (ou entretenues) sur la défectuosité

Historiquement, on vient de le dire, les industriels du médicament ont fait tout leur possible pour limiter les effets de la directive européenne sur la responsabilité des produits. Truffé d'erreurs significatives et pavé d'omissions évocatrices, un récent article "de doctrine" (22) rédigé par des avocats de fabricants permet d'apercevoir à tout le moins "la doctrine" que ceux-ci aimeraient accréditer en matière de défectuosité. Nous nous y référerons donc largement dans les lignes qui suivent.

2.1 Le médicament, hors du droit commun ?

Sacralisé par ses fonctions censément thérapeutiques, le médicament, selon certains, devrait échapper au droit commun. La presse spécialisée, pourtant, ne cesse d'exhorter les firmes pharmaceutiques à s'inspirer des méthodes de développement et de promotion adoptées dans des secteurs "communs" de l'industrie en vue de maximiser les bénéfices (23), et tout professionnel du médicament sait, par ailleurs, que le secteur de la "visite médicale" est celui qui est le plus jalousement tenu à l'abri de l'influence potentiellement pernicieuse des scientifiques...

En revanche, il est une circonstance encore trop ignorée des magistrats confrontés à une affaire de médicament : le médicament est un produit soumis à une réglementation nationale et internationale extrêmement lourde et tatillonne. Quoique, en termes de santé ou de protection du public, les résultats de cette réglementation méritent d'être discutés (24), celle-ci offre une aire de preuves considérables (comme le financier dans certaines affaires pénales connues) -à la condition de savoir où aller les chercher et, le cas échéant (cf. plus haut) les lire dans leur langue d'origine...-. On notera comme relativement significatif que l'article de doctrine susmentionné (25) reste muet sur ces sources d'information, pourtant si précieuses.

2.2 Un risque pour l'innovation ?

Autre sacralisation connexe, mais tout autant indue : l'idée que sanctionner juridiquement un producteur de médicament représenterait une menace pour "l'innovation" -partant, pour la Santé publique-. Il s'avère, malheureusement, que, selon une formule saisissante du Wall Street Journal, la mode est plus, dans l'industrie pharmaceutique, à inventer des maladies pour écouler les produits existants qu'à inventer des médicaments pour éradiquer les maladies existantes, perversion popularisée par le très sérieux British Medical Journal sous la dénomination de "disease mongering" (fabrique de maladies) (26). A titre d'exemple éloquent, on rappellera qu'un fabricant de vaccin s'est publiquement vanté d'avoir "sensibilisé les experts de l'Organisation Mondiale de la Santé" au risque de l'hépatite B (27) : s'il a fallu les commerciaux de l'industrie pharmaceutique pour "sensibiliser" jusqu'aux "experts" internationaux quant au risque de la maladie même en pays de forte endémie, on reconstitue quel devait être le poids de l'hépatite B dans les pays de faible endémie comme le nôtre avant que les mêmes commerciaux ne la ré-inventent comme menace effroyable de santé publique... (28)

On n'en finirait pas de lister les articles ou études éminentes qui documentent la pauvreté préoccupante de la recherche pharmaceutique (29) et la déprimante obstination des producteurs à faire du neuf avec du vieux ou du répétitif. Au moment même où s'écrit cet article, une étude canadienne (30) s'étonne que les dépenses de médicaments aient triplé sous la seule poussée "d'innovations" caractérisées comme copies bien camouflées, alors que simultanément, en France, un rapport de la Cour des comptes s'effare du déficit abyssal de la sécurité sociale (dont les causes sont bien plus organiquement liées qu'on ne le dit à une fallacieuse innovation pharmaceutique, via notamment la multiplication des actes médicaux [détection, surveillance, consultations de renouvellement...] qu'elle engendre)...

2.3 L'information donnée, critère principal de responsabilité ?

L'idée que l'information donnée par le producteur devrait constituer le critère principal de sa responsabilité n'est pas acceptable.

  • Que le risque n'ait pas été connu du fabricant n'exonère en rien sa responsabilité, puisque cette méconnaissance peut découler d'une négligence, voire d'une incompétence (31).
  • Que l'information sur les effets indésirables d'un produit ait été correcte ne signifie pas qu'elle l'a été sur la question du rapport bénéfice/risque : que signifie, pour le Français moyen, qu'il risque une petite sclérose en plaques contre une énorme hépatite, ou une embolie pulmonaire dérisoire contre une insupportable grossesse ?...
  • Au niveau du patient, la principale source d'information, c'est le prescripteur. Il convient donc de vérifier l'information qui a été effectivement diffusée à ce dernier et rétrocédée par lui : c'est un exemple d'expérience que, pour des raisons technico-réglementaires diverses, les producteurs acceptent parfois de mentionner dans leurs notices contre-indications ou mises en garde pour s'empresser, ensuite, par le jeu de la visite médicale, de convaincre les médecins que de telles mentions, insérées par pure précaution, méritent en pratique d'être ignorées. Pour l'expert judiciaire confronté à une affaire de défectuosité, il conviendra donc de reconstituer très scrupuleusement "l'information" qui a été effectivement diffusée auprès du prescripteur et c'est un autre fait d'expérience que j'ai rarement vu une expertise en pareille matière qui se soit préoccupée d'exiger du fabricant les documents promotionnels utilisés par son réseau commercial : or, il arrive, par exemple, de trouver des "aides de visite" (documents visuels qui fondent l'essentiel de la démonstration opérée par le visiteur) bien plus fautifs que la brochure laissée, ensuite, au médecin, l'intérêt du jeu consistant en ce que le contrôle des autorités sanitaires (le plus souvent motivé par les plaintes de la concurrence sur la base du matériel remis par le visiteur) s'exerce essentiellement sur cette brochure, alors qu'en fait, l'impact de la visite tient bien plus à la présentation fugitive de cette aide de visite qu'à un document papier certes plus pérenne, mais que les praticiens débordés -ceux qui prescrivent le plus !- ne lisent qu'exceptionnellement.

La pertinence de la présente analyse est attestée par l'article susmentionné (22), qui reproche à la cour d'appel de Versailles de s'être fondée, entre autres et prétendument à tort, sur la mention d'un risque neurologique alors que, selon les auteurs, ce risque n'avait été inséré dans la notice que par "précaution" et qu'il était "non démontré". Outre qu'en réalité, cette "précaution" du Vidal ne faisait que s'aligner, avec plusieurs années de retard, sur la notice internationale du produit, on voit bien l'argument : de quoi se plaindraient les consommateurs, dûment informés d'un risque qui ne saurait engager la responsabilité ni du produit, ni du producteur, attendu qu'il est non démontré ?... Perversion inadmissible des notions tant de "consentement informé" que de "précaution", ce point de vue conduit les fabricants à intégrer tout et n'importe quoi dans leurs notices pour soutenir ensuite, en cas de litige, que : 1) le patient était parfaitement informé du risque encouru ; 2) aucune responsabilité ne peut être retenue, attendu que la causalité n'a jamais été sérieusement démontrée et que la mention en a été insérée au titre de pure "précaution". La parade juridique devrait aller de soi :

- il ne peut y avoir de consentement "informé" si l'inflation des risques a dépassé les limites de ceux qui sont objectivement démontrés pour entrer dans celles de la désinformation ; en d'autres termes, le "choix" du patient ne peut être libre si la validité de "l'information" qui lui est communiquée n'est pas garantie par le producteur ;

- une telle inflation de risques, motivée par le seul souci de la protection du fabricant, empêche le prescripteur de discriminer le significatif de l'hypothétique (voire du dérisoire) et amoindrit, par conséquent, la sécurité des patients (32) : il y a donc bel et bien défectuosité ;

- le principe de précaution présuppose, explicitement, la mise en oeuvre d'études adéquates. Dès lors, si un fabricant a mentionné un risque pour ensuite prétendre qu'une telle évocation n'a obéi qu'à une simple exigence de précaution, il suffira de l'interroger sur les études qu'il a mises en place au titre de cette même "précaution" ; comme, dans 99,9 % des cas, on s'apercevra que rien n'a été fait, le Juge aura le choix entre l'alternative suivante (cf. 2.6) : 1) l'absence des études qui se seraient imposées en cas d'incertitude signe que la causalité iatrogène est parfaitement acquise (i.e. le fabricant a négligé l'investissement qui ne pouvait que confirmer l'évidence) ; 2) l'absence des études que la précaution auraient imposées signe la faute du fabricant.

2.4 Le risque de développement

Outre qu'en près de vingt-cinq ans d'expérience, je n'ai quasiment jamais rencontré les conditions d'un tel risque, force est de constater que cette cause d'exonération expose à tous les abus puisqu'elle est quasi circulaire : dans la mesure, en effet, où c'est le fabricant qui est en charge de l'évaluation avant l'enregistrement de son produit, qu'il n'ait pas été en mesure de détecter le défaut lors des essais effectués avant autorisation de mise sur le marché (à moins même qu'il ne l'ait dissimulé ) n'exonère en rien sa responsabilité.

A l'expérience, le prétendu "risque de développement" a le plus souvent l'allure d'un développement défectueux... Qui sait, par exemple, que la durée classique normale des essais de tolérance sur un vaccin est de quatre jours (33) : est-ce le niveau de sécurité auquel on peut "légitimement" s'attendre de considérer qu'un produit réputé exercer des effets bénéfiques sur le long terme (immunité) serait a priori exonéré de tout soupçon d'effet indésirable sur le même long terme (auto-immunité, par exemple) ?

2.5 Le principe de précaution

On l'a dit ailleurs (34), et on n'y insistera donc pas aujourd'hui : il n'est pas certain que la pratique médicale, normalement gouvernée par un principe hippocratique de prudence, gagne beaucoup à l'invocation d'un "principe de précaution" (35).

En pratique, par conséquent, à chaque fois qu'en médecine, on vous parle de "précaution", cherchez le cadavre de la Prudence -et retrouvez les assassins-...

2.6 L'exigence du lien direct et certain

On en a également parlé auparavant (36) (37) et ailleurs que dans des revues juridiques (38) : dans la mesure où la causalité en matière iatrogène est nécessairement probabiliste, l'exigence jurisprudentielle d'un lien "direct et certain" revient à élaborer juridiquement l'impunité pour les producteurs de médicaments.

En fait, cette inaccessibilité de la certitude n'est en rien une spécificité des affaires médicamenteuses et, plutôt que de gloser sur des extraits d'arrêts soigneusement sélectifs complaisamment amplifiés par les producteurs (ou leurs avocats), les juristes seraient mieux inspirés d'établir un inventaire des situations où les magistrats se sont contentés de faisceaux de preuves partielles et d'indices concordants, afin de retrouver et de réactualiser l'inspiration qui a conduit à proférer le Juste même en l'absence de certitude absolue (transfusions, etc, pour ne point parler des litiges non liés à la santé).

Ainsi, dans la mesure où, en matière technique, un niveau de causalité "certain" n'a rien à voir avec ce à quoi les techniciens peuvent "légitimement" s'attendre, on peut dire que l'introduction d'une telle exigence de certitude constitue une forme de défectuosité, au sens de la loi.

Selon un éminent représentant de l'administration sanitaire française :

Dans la plupart des situations qui se présentent en pharmacovigilance après commercialisation, le nombre de cas attendus reste faible et le niveau où l'on peut se contenter d 'invoquer la coïncidence ne doit pas dépasser trois cas [observés] [...]. La réception de plus de trois notifications ne peut être qu'exceptionnellement le fruit d'une coïncidence ; elle représente un signal important qui nécessite des investigations complémentaires (39).

Que se passera-t-il, par conséquent, lorsque l'on s'apercevra qu'un fabricant a laissé s'accumuler des dizaines, voire des centaines ou des milliers de notifications sans entreprendre lesdites "investigations complémentaires" (sous réserve, évidemment, qu'elles soient correctement menées : cf. section 2.7) ? De deux choses l'une :

  • ou bien le fabricant aura considéré qu'un nombre de cas aussi exorbitant avait, en lui-même, valeur de démonstration et que cela ne servait à rien de perdre de l'argent pour évaluer plus finement une causalité qui allait tellement de soi, auquel cas la causalité "certaine" sera évidemment démontrée ;
  • ou bien, le fabricant se sera délibérément abstenu des études pourtant réputées absolument nécessaires en toute autre occurrence, et il va de soi que l'incertitude résultante ne pourra être imputée à la victime, dont il apparaîtra, au contraire, qu'elle s'est exposée, sans le savoir, à une toxicité pour lesquelles les investigations nécessaires auront été négligées par le fabricant, nonobstant le fait que le coût de telles investigations eût le plus souvent été dérisoire par rapport aux bénéfices financiers considérables qu'il a tirés a tiré du médicament litigieux : la défectuosité -pour rester gentil- sera démontrée...

Et il appartiendra aux magistrats de déterminer en droit dans quelle mesure cette défectuosité -qui aura délibérément visé à dissimuler la causalité iatrogène dans un nuage d'incertitude- soulage la victime de la charge de la preuve causale.

2.7 Défectuosité versus aléa thérapeutique

C'est une revendication connue des fabricants que la loi du 4 mars 2002 se substitue à la mise en cause de leur responsabilité : politiquement, il est clair que l'enjeu est bien de voir la collectivité amenée à réparer les défaillances ou abus des producteurs. Mais est-il possible d'expliquer techniquement la différence entre "aléa" et "défectuosité" ?

Prenons l'exemple particulièrement actuel du risque neurologique après vaccination contre l'hépatite B. Il suffit de lire les communiqués de l'administration ou des fabricants pour retrouver écrit partout qu'aucune des trois études épidémiologiques mises en place dans notre pays n'a pu montrer une élévation "statistiquement significative" du risque neurologique post-vaccinal. La chose est avérée, et nous la confirmons, mais quelle est son interprétation ?

Dire que les résultats ne sont pas "statistiquement significatifs" veut dire que l'on répond, "non" à la question "est-il possible d'exclure le rôle du simple hasard (i.e. des fluctuations aléatoires) pour expliquer l'augmentation du risque neurologique mise en évidence par ces études ?". Or, cette impossibilité où nous ont laissés ces études d'exclure le rôle du simple hasard ne signe pas l'absence de relation causale : elle est le résultat attendu d'une défectuosité méthodologique récurrente dans ces investigations, à savoir le manque de puissance statistique parfaitement documentable (40) (41).

Fondamentale pour l'espèce et manifestement mal maîtrisée par beaucoup -à commencer par beaucoup d'experts judiciaires, cette question de la "puissance statistique" (qui conditionne l'évaluation de causalité) mérite un minimum de développement.

Si, après avoir lancé une pièce de monnaie 4 fois, on obtient 75 % de piles (soit 3 piles et 1 face), chacun conviendra que cet essai est insuffisant pour conclure que la pièce est faussée ; si, en revanche, on obtient le même résultat (75 % de piles ) après 40 000 lancers (à savoir 30 000 piles et 10 000 faces), on conclura avec certitude que la pièce est faussée. La "puissance statistique" tient à cette différence entre 4 et 40 000 lancers c'est-à-dire dans les moyens consentis (temps, argent) pour exclure, avec une très forte probabilité, les simples fluctuations du hasard : 75 % des cas (au lieu des 50 % attendus) peuvent résulter d'un simple hasard après 4 lancers, alors qu'on ne peut plus invoquer le seul rôle du hasard si l'on obtient le même résultat après 40 000 lancers.

A fins didactiques, l'insuffisance récurrente des études épidémiologiques françaises peut donc être illustrée par le dialogue suivant entre Madame l'AFSSAPS et l'auteur :

Madame l'AFSSAPS : "Tout le monde sait bien que 75 % de piles ne sont pas suffisants pour démontrer qu'une pièce est faussée.
MG. - Cela dépend.
A. - Regarde.
(Elle jette une pièce 4 fois et obtient trois piles).
MG. - Certes, mais la situation changerait si tu l'avais lancée 40 000 fois.
A. (impatientée) - Tu vois bien que je ne l'ai lancée que quatre fois !
MG. - Tu sais bien que pour vérifier si elle était faussée, il aurait fallu la lancer 40 000 fois".

En termes technico-juridiques, on peut dire que l'AFSSAPS -et répétitivement- ne s'est pas donné les moyens de distinguer entre l'aléa (l'effet du hasard -l'aléatoire- sur le résultat d'un lancer) et la défectuosité (le défaut de fabrication caractérisé rendant compte du fait que la pièce tendra vers pile bien plus souvent que normalement prévisible selon les seules lois du hasard). Or, toute la méthodologie de la recherche clinique et de l'épidémiologie vise, au contraire, à distinguer ce qui relève du hasard de ce qui tient aux caractéristiques propres du médicament évalué.

On est donc bien dans la défectuosité -en dehors du niveau de sécurité "légitimement" attendu- (la légitimité, en l'espèce, se confondant avec les recommandations méthodologiques de n'importe quel ouvrage d'épidémiologie) : une défectuosité, en l'occurrence, qui contribue à dissimuler le lien de causalité, qui est strictement imputable aux défaillances des responsables de la campagne vaccinale et qui, par conséquent, doit contribuer à alléger la charge de la preuve causale pesant sur la victime.

Notons que dans un procès civil dirigé contre un fabricant, celui-ci ne pourrait en aucun cas se défausser sur ces insuffisances de l'administration, dans la mesure où rien ne l'empêchait de se substituer aux insuffisances de l'administration pour assumer son devoir de surveillance après commercialisation. En tout état de cause, la défectuosité visant une responsabilité sans faute, il importe peu, ici, de déterminer qui est coupable de cette insuffisance méthodologique : il est clair, en tout cas, que la responsabilité des études établissant la causation échoit à ceux qui ont intérêt à la dissimuler (ceux qui ont organisé la campagne vaccinale ou ceux qui en ont bénéficié).

Ces études épidémiologiques de puissance insuffisante mises en place dans le contexte d'une grande affaire de santé publique illustrent donc de façon saisissante la façon dont une défectuosité méthodologique (manque de puissance statistique) permet de grimer une potentielle défectuosité du produit (effet neurotoxique direct) en un simple aléa (c'est-à-dire un accident du hasard).

Ce serait donc une position inique que les responsables de cette défectuosité savourent les bénéfices de leur insuffisance au motif qu'une fois rendus devant le juge civil, la preuve de la causalité incombe à la victime. En fait, pour s'acquitter de cette charge de preuve, la victime n'a d'autre moyen que de solliciter la désignation d 'un expert ; le juge, loin de lui refuser cette désignation au motif de supposées incertitudes sur la causalité, doit, au contraire, veiller à choisir un technicien de compétence documentable qui saura vérifier dans quelle mesure l'incertitude sur la causalité ressortit, ou non, à une défectuosité (ou, pourquoi pas, à une faute du fabricant).

3 - Définir et objectiver la défectuosité

3.1 Fausses pistes

Examiner contradictoirement la demanderesse [...]. Décrire dans tous ses éléments la pathologie [...]. Dire si cette pathologie est liée par un rapport de causalité certain à une telle administration du médicament [...]. Rechercher si les informations sur les effets indésirables et les précautions d'emploi du médicament contenues dans la notice d'utilisation édictée par le fabricant étaient suffisamment précises, complètes et circonstanciées en ce qui concerne les risques d'apparition de cette pathologie.

A côté des missions qui enjoignent simplement à l'expert de déterminer si le rapport entre un médicament X et une pathologie Y a été "certain", celle qui vient d'être citée plus haut est l'une des plus détaillées qu'il nous ait été donné de voir dans des procédures initiées sur le fondement de la responsabilité des produits. Il est clair, cependant, que pas plus celles-ci que celle-là ne laissent de marge pour objectiver une défectuosité.

  • Comme on l'a amplement démontré antérieurement, imposer le pré-requis d'une causalité "certaine" dans un contexte où la détermination de la causalité iatrogène revenait à celui qui a intérêt à la dissimuler représente une perversion radicale de l'esprit qui a conduit à la loi sur la responsabilité des produits : on impose à la victime la démonstration préalable d'une faute alors même que la loi a été conçue pour soulager les consommateurs de cette démonstration.
  • A supposer qu'une causalité soit démontrée et considérée comme à tout le moins comme "suffisante" tant par le technicien que par les magistrats, l'entité résultante serait un simple effet indésirable du médicament incriminé : s'il suffit d'exposer les consommateurs à des effets indésirables pour être défectueux, tous les médicaments connus au monde sont défectueux -et, comme on le dit vulgairement, il va y avoir du rififi dans la pharmacie- ...
  • A supposer que le médicament soit effectivement défectueux (42), on imagine mal trouver la mention explicite d'une telle défectuosité dans des documents comme la notice Vidal ou la notice destinée aux patients, dont le libellé -il convient de rappeler- est sous la responsabilité de l'administration sanitaire, et non du fabricant...
Sur la base de ces exemples qui pourraient être multipliés et des décisions de justice qui ont effectivement sanctionné une supposée "défectuosité" médicamenteuse, il apparaît que cette notion nouvelle n'a quasiment jamais été rigoureusement distinguée du simple effet indésirable. Il convient donc de reprendre entièrement l'examen du problème pour tenter de dégager une notion techniquement solide, éthiquement fondée, juridiquement prévisible et qui préserve la société tant du pari de l'impunité actuellement garanti aux fabricants par une conception exorbitante de la causalité que de la prime aux hypochondriaques quérulents que serait une iatrogénie dont il suffirait de se plaindre pour s'en voir indemnisé.

Articulée autour de la notion d'attente "légitime", la défectuosité me paraît utilement éclairée par un concept emprunté à la théorie de la réception en critique littéraire : celui d'horizon d'attente. Lorsque paraissent, à quelques mois d'intervalle (1856-7), Madame Bovary et les Fleurs du Mal qui vont durablement bouleverser l'esthétique littéraire, quel est l'horizon d'attente (43) du public : ses références, ses implicites, ses présupposés, ses prédispositions à comprendre, sa capacité de tolérer une certaine nouveauté ? Plus prosaïquement, lorsqu'un produit nouveau est introduit sur le marché, quel est l'horizon d'attente du consommateur : sa perception du bénéfice attendu, du risque prévisible, sa compréhension des avantages ou inconvénients par rapport aux produits déjà sur le marché ? Comment l'objectiver avec un minimum de rigueur technique et de sécurité juridique ?

3.2 Le médicament, objet technico-réglementaire plus que substance chimique

Certes, un médicament est d'abord une substance chimique dont la préparation peut recéler des défectuosités : que ce soit au niveau de la substance elle-même, de ses impuretés, de ses conservateurs, de ses colorants, etc. Mais hormis dans le contexte -actuellement redoutable- d'éventuelles contrefaçons (qui, probablement, mettraient plus en jeu la responsabilité du distributeur que celle du producteur abusé), la sophistication actuelle de la fabrication pharmaceutique rend relativement improbable la survenue à ce niveau de défauts assez systématiques pour menacer significativement la santé publique.

En fait, un "médicament" n'est pas seulement une substance chimique, mais un objet technico-réglementaire complexe (avec des indications limitatives, des contre-indications, des précautions d'emploi, etc) répondant à une foultitude de spécifications légales, réglementaires et procédurales extrêmement contraignantes qui balisent la vie d'une spécialité pharmaceutique depuis les phases les plus précoces de son développement jusqu'aux moments les plus tardifs de sa commercialisation.

La défectuosité d'un médicament ne peut donc s'apprécier qu'au regard de ces prescriptions technico-réglementaires, car qu'est-ce qui pourrait fournir meilleure mesure de la sécurité à laquelle on peut "légitimement" s'attendre que, justement, les textes législatifs et réglementaires conditionnant la vie d'une spécialité pharmaceutique depuis son tout début jusqu'à sa fin ultime ? A savoir, notamment, ceux qui scandent les grandes phases de cette existence :
1. le développement du produit ;
2. le processus d'autorisation de mise sur le marché ;
3. l'obligation de surveillance après commercialisation ;
4. le contrôle de la promotion commerciale.

Il en découle qu'une expertise judiciaire ordonnée dans le cadre d'une action sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux devra examiner au minimum les documents technico-réglementaires suivants :

  • Documents permettant d'évaluer le développement clinique :

- brochure de l'investigateur dans ses états successifs,

- études cliniques (protocoles, rapports d'étude, annexes),

- comptes rendus d'audits sur site s'il y a lieu.

  • Documents permettant d'évaluer le processus d'autorisation de mise sur le marché (AMM) :

- partie IC du dossier d'enregistrement (rapports d'experts : 1) pharmaceutique, 2) toxicologique, 3) clinique) (44),

- éventuelles questions ou mesures d'instruction de l'autorité sanitaire au cours du processus,

- ampliation d'AMM,

- évolution de tous les résumés des caractéristiques du produit (RCP) au cours du temps,

- rapports de l'appelant ayant accompagné les diverses Demandes de Modifications de l'Information depuis la mise sur le marché des spécialités.

  • Documents permettant d'évaluer le processus de surveillance après commercialisation (45) :

- procédures de pharmacovigilance du titulaire de l'AMM dans leurs divers états historiques,

- déclarations annuelles de pharmacovigilance pour la spécialité incriminée depuis la date de commercialisation jusqu'à la dernière, faites par le titulaire de l'AMM en conformité avec l'article R. 5144-9 et suivants du décret n° 84-402 du 24 mai 1984,

- déclarations périodiques de pharmacovigilance pour la spécialité incriminée depuis la dernière déclaration annuelle (cf. ci-dessus) jusqu'à aujourd'hui, faites par le titulaire de l'AMM en conformité avec l'article R. 5144-20 du décret N° 95-278 du 13/03/95,

- échéancier de ces déclarations périodiques mis au point en collaboration avec l'Agence du Médicament (selon la recommandation de la circulaire n° 96-0763 du Syndicat National de l'Industrie Pharmaceutique [18 octobre 1996]),

- intégralité des rapports périodiques de tolérance internationaux (PSUR) (46) et de toutes les synthèses internationales de tolérance,

- fiches CIOMS (individuelles) de tous les effets indésirables "graves" (au sens réglementaire du terme) signalés depuis le développement de la spécialité jusqu'à aujourd'hui :
- à l'échelle de la France,
- à l'échelle internationale,

- tous les documents (rapports, procès-verbaux de réunions, communiqués, etc) des éventuelles enquêtes nationales de pharmacovigilance menée en concertation entre le fabricant et les autorités sanitaires françaises,

- protocoles, rapports et annexes de toutes les études de sécurité entreprises par le fabricant ou par l'autorité sanitaire dans le cadre de la surveillance après commercialisation (études épidémiologiques, etc),

- documents administratifs, procès-verbaux, rapports, annexes de toutes les réunions d'experts (Académie nationale de médecine, conférences de consensus, auditions publiques...) dont les actes ou communiqués ont été utilisés par le fabricant comme documentant le rapport bénéfice/risque.

  • Documents permettant d'apprécier la régularité de la promotion commerciale faite par le fabricant, à savoir :

- pièces attestant la transmission du matériel promotionnel à l'administration sanitaire,

- éventuelles mesures ou sanctions de la Commission Nationale de Publicité.

  • Documents promotionnels (47) : éléments susceptibles de documenter l'information et la publicité diffusée par le fabricant sur sa spécialité auprès des professionnels ou auprès du grand public (aides de visite, remis de visite, brochures, encarts de presse, cassettes vidéo) aurait à tout le moins permis :

Au total, par conséquent, un médicament n'est pas un "produit" brut dont les défauts ressortiraient d'une simple analyse physico-chimique, mais une vaste entité intégrant outre une substance chimique et divers excipients ou colorants, la continuité d'un processus technico-réglementaire complexe qui va des toutes premières phases de la fabrication à chaque journée de commercialisation, en passant par le développement clinique et le processus d'AMM. Chaque étape de ce processus peut donner lieu à des défectuosités -c'est-à-dire à des écarts par rapport aux attentes "légitimes" du consommateur : à charge, pour l'expert (et sous réserve qu'il puisse lui-même justifier de cette compétence complexe) d'expliciter les implicites de cette attente -légitime mais fondée sur une ignorance généralement massive- par l'explicitation des prescriptions technico-réglementaires telles qu'inscrites dans les textes (réglementation) ou admises (procédures) (48) par les professionnels.

3.3 Intérêt judiciaire de la notion de défectuosité

Il ne fait guère de doute que le traitement judiciaire de la plupart des affaires pendantes actuellement bloquées par une revendication exorbitante sur la causalité "certaine" serait bouleversé si les éléments précédents, qui caractérisent et documentent la vie technico-réglementaire d'un médicament, étaient effectivement passés au crible d'une évaluation expertale impartiale.

3.3.1 Un antidote contre la mystification causale

On l'a dit antérieurement : il suffit de se reporter aux textes fondateurs sur la notion de produit défectueux pour apercevoir que, sans la moindre ambiguïté, c'est la preuve de la défectuosité qui conditionne celle de la causalité, et non l'inverse.

Si la pensée juridique veut donc sortir de l'alternative entre fiction prélogique d'une part (lien direct et certain) et garantie d'impunité d'autre part, il convient d'établir "une jurisprudence de l'incertitude" qui fixerait à partir de quel moment un niveau documenté de défectuosité compense pour l'incertitude résiduelle sur la causalité -tout spécialement lorsque cette défectuosité est directement à l'origine de l'exposition des victimes :

- soit parce qu'elle les a conduits à s'exposer inutilement (publicité abusive, qui renvoie par exemple aux indications inappropriées) ;

- soit parce qu'elle les a privées d'informations essentielles qui, indubitablement, auraient été suffisantes pour qu'elles ne s'exposent pas au traitement : surtout dans un pays où, notoirement, même les vaccinations obligatoires sont boycottées par le public, on imagine mal que des gens se soient exposés à un risque -même "faible" (pour reprendre les réassurances des autorités sanitaires)- de pathologie neurologique grave et irréversible s'ils avaient été clairement informés qu'ils n'avaient aucun bénéfice personnel tangible à tirer d'une vaccination facultative...

3.3.2 Un antidote contre la mystification expertale ou scientifique

Via les "experts" privés qu'ils n'ont aucune peine à rémunérer et la supériorité supposée de savoir qu'ils tiennent de leur position professionnelle, les fabricant tendent assez facilement à enfermer le juge dans des considérations technico-scientifiques qui dépassent évidemment son pouvoir d'appréciation tout en paralysant ses catégories mentales de référence, qui sont celles du droit. Dans cette dynamique classique, la position de l'expert judiciaire -en principe arbitre- n'est pas simple, car il est coincé entre deux positions tout aussi dommageables l'une que l'autre à l'émergence du Juste :

  • s'il veut démontrer au juge l'irrecevabilité de l'argumentation technico-scientifique présentée par le fabricant, il va incliner à la contre-expertise, et acculer un magistrat qui n'en peut mais à la position de contre-contre-expert (voire de contre-contre-contre-expert si, en retour, la victime a eu la bonne idée -et les moyens financiers- de se faire elle aussi assister par un expert privé) ;
  • il peut, au contraire, balayer toute discussion d'un revers de la main au nom de l'autorité que lui confèrent tant sa désignation que le serment qu'il a prêté : mais les magistrats méritent mieux qu'un argumentaire à type de "croyez-moi puisque vous m'avez désigné" et, en tout état de cause, à quoi bon, par exemple, la procédure du pré-rapport si l'expert judiciaire est supposé avoir le dernier mot quoi qu'il arrive ?

C'est notre opinion que par rapport à ces risques patents de mystification ou d'intimidation des non-techniciens au nom sacré de la Science, l'expert judiciaire ne doit pas tant se comporter en contre-expert des parties qu'en garde du corps du juge : celui qui s'interpose sans ménagement dès qu'on essaie d'entraîner l'instance qui l'a désigné hors des chemins du droit...

Par rapport aux arguments d'autorité, l'expert judiciaire privilégiera donc l'analyse de la crédibilité ou de la logique des éléments communiqués au juge par les parties : il s'étonnera, par exemple, que pour lumineuse qu'elle paraisse, les juristes aient l'exclusive d'une démonstration dont le fabricant n'a jamais osé faire état devant les professionnels de santé... Lorsque la défectuosité d'un produit aura déjà été sanctionnée par un retrait du marché, il demandera pourquoi les dénégations farouches que le fabricant réservent aux magistrats ne l'ont pas naturellement conduit à solliciter des autorités sanitaires la réintroduction sur le marché d'un produit aussi manifestement anodin. Etc

Dans cette stratégie d'expertise qui vise à disqualifier l'argument d'autorité comme par essence inopérant dans les prétoires (car le juge, à la différence du technicien, n'a pas les moyens de désigner l'autorité en matière technico-scientifique), la notion de défectuosité va fournir à la pensée juridique un levier considérable. Il est patent, en effet, et vérifiable à l'envi, que l'état d'anarchie judiciaire qui caractérise actuellement la gestion du litige médico-légal (cf. 1.1) tient précisément à cette difficulté, pour la Justice, de s'ancrer solidement dans une épistémologie appropriée : dans des affaires d'essence technico-réglementaire, le principal risque, pour les magistrats, consiste à se laisser déporter vers la technique au lieu de s'en tenir au réglementaire -pourtant bien davantage compatible avec leurs catégories conceptuelles de base-.

Or, ainsi conçue comme audit systématique du respect, par le fabricant, d'attentes dont la "légitimité" est objectivée par la réglementation ou les procédures internationales en cours, la notion de défectuosité offre au juge et à l'expert une aire de dialogue bien plus interactive que l'analyse des idéalités mathématiques, des modèles animaux problématiques, des investigations cliniques ou épidémiologiques dont l'interprétation échappe déjà au plus grand nombre des médecins, voire des experts judiciaires (49). Certes, il persistera peut-être des aspects strictement techniques qui bénéficieront d'une mise à plat expertale, mais sous réserve que l'expert fasse son travail dans le souci de sa mission judiciaire, cette mise à plat débouchera le plus souvent sur des éléments de fait, non interprétatifs, que le magistrat pourra, dès lors, se réapproprier en parfaite connaissance de cause : même s'il avait ignoré de toute éternité l'exigence réglementaire du PSUR (cf. note 46), le juge n'aura qu'à voir les textes qui la stipulent ainsi que les procédures internationales qui en gouvernent la mise en oeuvre pour être à même de reconnaître, cette fois de son propre chef, si l'essentiel des attentes "légitimes" en pareille espèce ont été, ou non, respectées. Semblablement, si on lui montre les recommandations écrites des experts de l'administration qui estiment à trois le nombre maximal de complications signalées imposant la mise en oeuvre d 'investigations complémentaires, il comprendra tout seul que quelque chose ne va pas si, après la survenue de complications par centaines ou milliers, le fabricant n 'a toujours mis en oeuvre aucune étude complémentaire. Enfin, une fois informé que selon les procédures écrites de l'administration sanitaire, il est peu ou prou interdit d'user, pour la promotion commerciale, de sources non publiées dans des journaux médicaux à tout le moins correct, il n'aura plus besoin de personne pour s'effarer du nombre de documents promotionnels fondés sur des travaux, certes, prestigieux, mais qui n'ont pas respecté cette règle de crédibilité pourtant élémentaire en milieu scientifique.

3.3.3 L'esprit de la loi

Imaginons un très jeune enfant atteint de sclérose en plaques après l'administration de tel produit. L'expert ne manquera pas de remarquer que la survenue d'une telle pathologie normalement exceptionnelle à cet âge est très évocatrice d'une cause toxique. Il pourra, le cas échéant, démontrer que le processus ayant permis l'administration chez l'enfant a cumulé les défectuosités, si aucun développement spécifique n'est venu sous-tendre l'extension d'AMM à la population pédiatrique ; parfois, il pourra remarquer que le fabricant n'a même pas pris la peine de développer une formulation pédiatrique et que les autorités sanitaires n'ont rien trouvé à redire à ce que l'on injecte à des nourrissons des doses pour adultes. Il relèvera éventuellement que, sans autre motif reconnaissable que celui de maximiser les ventes, le nombre de doses administrées a été gonflé par rapport aux pratiques internationales. Enfin, il n'aura aucune peine à documenter que l'information alarmiste ayant conduit les parents à accepter le traitement de leur enfant était grossièrement défectueuse. Ecoutons, maintenant, l'expert achever son rapport.

Au total, il apparaît que le jeune A, âgé de trois ans, a été exposé sans le moindre motif documentable au produit X, dont l'enregistrement en pédiatrie n'a respecté aucune des obligations technico-réglementaires en vigueur. Le consentement des parents à ce traitement n'a pu être libre et informé, puisqu'il est documenté dans l'expertise que l'information qui leur a été apportée était totalement erronée -voire délibérément mensongère. Il est patent, également, que la survenue spontanée d'une telle pathologie neurologique à cet âge est rarissime. Le plus drôle, cependant, c'est que comme le processus ayant conduit à la présente situation a violé toutes les obligations technico-réglementaires et toutes les pratiques "légitimes" en pareille espèce, on ne dispose d'aucune étude -de telle sorte que le lien de causalité ne peut être démontré...

Sur la base de cette illustration qui n'a rien d'onirique, qu'il soit permis au technicien d'interpeller les juristes et de leur demander : "à propos, quel était l'esprit de la loi ?..."

C'est à juste raison que certains juristes ont estimé que la résolution du problème posé par le rapport entre défectuosité et causalité passait par le préalable d'une réflexion proprement politique, dans le sens élevé du terme (50).

Car qu'est-ce qui représente le risque le plus important pour notre société : qu 'un individu malade soit éventuellement indemnisé en dépit d'une modeste incertitude résiduelle sur la causalité ou bien qu'à une époque où, sous couvert de "prévention", l'industrie pharmaceutique a réussi à faire tomber la limite naturelle du marché (à savoir : la maladie), tout un chacun soit exposé à ses produits dans un climat de totale impunité et sans la moindre perspective de sanction même pour les écarts les plus voyants à la prudence hippocratique ?

4 - Aléa, défectuosité, faute

Il n'est pas sain, on l'a dit, que la justice sacrifie à une victimologie irresponsable en indemnisant l'effet indésirable -alors que, symétriquement au risque d'impunité lié à une conception intégriste de la causalité, la prime à la quérulence est bien l'autre menace la plus sérieuse au traitement judiciaire du dommage médico-légal. A mesure que les magistrats auront appréhendé et appris à maîtriser cette notion extrêmement nouvelle de défectuosité, ils auront moins le scrupule de risquer l'injustice en refusant d'indemniser le simple effet indésirable. C'est ainsi que, dans un arrêt récent (51) déboutant un jeune homme qui se plaignait d'une insuffisance rénale irréversible, la cour d'appel de Paris a suivi le fabricant qui, dédaignant l'argument méprisable de la causalité incertaine (aussi exploitable en l'espèce qu'en n'importe quelle autre), n'a pas cherché à nier la responsabilité de son produit : sur la base d'une lecture attentive de la réglementation en vigueur, il a cependant pu convaincre les magistrats que toutes les attentes "légitimes" en matière de sécurité, de réactivité au risque et d'information avaient bel et bien été respectées.

Ainsi comprise, la défectuosité devrait permettre de combler un vide dans la judiciarisation du dommage iatrogène lié à un médicament, par rapport au continuum qui va de l'aléa à la faute.

4.1 L'aléa

Il s'agit des effets indésirables connus, mais tellement rares et imprévisibles qu'ils ne sont pas de nature à influer réellement sur le consentement du patient, alors que le souci de leur survenue pourrait altérer la qualité de vie de ce dernier : je n'ai jamais connu une femme susceptible de refuser une contraception orale au motif du risque d'adénome hépatique, pourtant l'un des effets les mieux documentés des estroprogestatifs, mais d'une exceptionnelle rareté.

Aléas également, les effets indésirables inconnus mais toujours possibles, en d 'autres termes "le risque de risque" : le patient doit être informé de cette situation dûment justifiable épistémologiquement, de telle sorte que son consentement au traitement s'inscrive dans une véritable "alliance de travail" avec son thérapeute (le concept est emprunté à la psychanalyse) et ait valeur de renonciation à toute contestation ultérieure.

La justice serait d'autant plus mal fondée à exiger une information systématique sur ces risques exceptionnels que, du point de vue technique qui nous intéresse ici, qu'est-ce qui distingue un effet "exceptionnel" d'un autre plus courant ? Simplement : le degré de causalité... Alors que, comme on l'a souvent rappelé, les professionnels se passent systématiquement de" certitude" pour les complications iatrogènes le mieux établies, ils restent dans un niveau d'incertitude sans commune mesure par rapport aux effets exceptionnels, puisque cette exception interdit le plus souvent, par définition, la mise en oeuvre d'études démonstratives adéquates : on se contente donc, en pareille espèce, d'arguments extrêmement flous, comme une coïncidence chronologique ou l'absence d'autre cause évidente (cette difficulté à affirmer le lien causal sur les effets exceptionnels étant même le principal motif -pas toujours infondé- aux réticences des professionnels à mentionner dans les notices des complications sur le déterminisme desquels eux-mêmes sont fort incertains). Il serait donc difficile de comprendre par quel biais la causalité d'une complication exceptionnelle serait suffisante pour caractériser le défaut, alors qu'elle deviendrait insuffisante pour sanctionner ledit défaut -puisque ne répondant pas, et de loin, au critère de "certitude" pour établir le lien entre le défaut et le dommage.

La question de l'indemnisation du risque aléatoire n'est donc pas, à notre avis, de l'ordre du judiciaire, mais du politique. C'est à la société de déterminer si elle considère qu'un risque aussi exceptionnel relève de la solidarité -en se rappelant néanmoins que les surconsommateurs de soin sont, par définition, bien plus exposés que les autres à souffrir de tels aléas : une personne qui refait faire cinq fois son nez a plus de chance de faire une mauvaise cicatrisation que le citoyen qui s 'est résigné à accepter l'organe que lui ont légué ses parents. Il importe donc d'examiner les limites à poser en pareille espèce pour que la solidarité ne soit pas une prime à l'irresponsabilité hypochondriaque.

4.2 Les effets indésirables

Les effets indésirables connus sont, eux, largement susceptibles d'altérer la qualité de vie du patient, de justifier la proposition d'autres options thérapeutiques ou d'influer sur son consentement : qui sont les femmes aujourd'hui qui savent qu'en prenant la pilule, elles augmentent significativement leur risque de thrombose veineuse ou de cancer du sein ?

La judiciarisation, en pareille espèce, devrait viser non pas l'effet indésirable en lui-même, mais le cas échéant le défaut d'information -lequel n'a pas permis au patient d'avoir une bonne appréciation du rapport bénéfice/risque du traitement auquel il s'est exposé. Il est certain que les gens en parfaite santé qui prennent des hypocholestérolémiants en protection très incertaine d'un accident cardio-vasculaire qu'ils ne feront peut-être jamais y regarderaient à deux fois avant d'accepter de tels traitements s'ils avaient une connaissance claire des risques métaboliques, hépatiques, pancréatiques et oculaires encourus -pour ne point parler de l'hypothèque cancéreuse...

4.3 Défectuosité ou faute ?

Ainsi, la défectuosité, ce n'est pas l'effet indésirable. Mais si une attente "légitime" a pu être déçue, c'est que d'une façon ou d'une autre, il s'est passé quelque chose d'illégitime... Et compte tenu du fait que réglementairement, le respect de cette "légitimité" était entre les mains du producteur, l'expérience montre que la rupture du processus -l'irruption de l'illégitime- tient le plus souvent à des fautes caractérisées et qui ont pour nom : incompétence, imprudence, négligence, mauvaise foi, dissimulation ou obstination dans l'erreur. Il n'est pas besoin d'être grand connaisseur en Droit pour apercevoir qu'au décours d'une expertise civile ordonnée à l'occasion d'une procédure entreprise sur le fondement de la responsabilité des produits, la qualification pénale suinte à chaque page (52)...

Sans en arriver là, force est de constater que la marge entre la défectuosité et la faute est bien mince, et l'on peut anticiper qu'une crispation formaliste sur la causalité "directe et certaine" ne conduise rapidement avocats et magistrats à quitter le terrain de la défectuosité pour celui, moins escarpé, de la faute.

Sous réserve, au contraire, qu'il soit admis que la démonstration causale doit être allégée en proportion de la défectuosité, l'esprit du législateur sera respecté et la misère iatrogène justement soulagée sans qu'il soit nécessaire d'en reporter l'indemnisation au motif d'apprécier préalablement si les responsables de cette misère méritent, en plus, d'être punis...

Marc Girard
Expert près la cour d'appel de Versailles (Médicament et recherche biomédicale)


(1) Tempête sur l'industrie pharmaceutique mondiale, Le Monde, 21 décembre 2004.
(2) M. Girard, Santé, thérapeutique et principe de précaution, Experts 2001(52) :19-26.
(3) M. Girard, Causalité "certaine" ou causalité suffisante ?, Lexbase Hebdo n° 170 du 2 juin 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4831AIR).
(4) M. Girard, Les effets indésirables des médicaments, La Recherche 1987 ; 185:234-41.
(5) Le Monde, 16 décembre 2004.
(6) P. Bezard et coll., Excessive pénalisation, Le Monde, 2 octobre 2003.
(7) Note 3 précitée.
(8) C'est-à-dire, selon l'échelle imposée par l'AFSSAPS (qui ne connaît aucun degré de certitude), un degré de causalité simplement médian, le 3ème d'une série de cinq : "paraissant exclue", "douteuse", "plausible", "vraisemblable", "très vraisemblable" (Thérapie 1985 ; 40 : 111-8).
(9) Cass. civ. 1, 5 avril 2005.
(10) F. Silvan. et M. Girard, Un expert judiciaire en terrain miné, Le Moniteur des Pharmacies 2004 (18 décembre) ; n° 2562 : 10.
(11) Illustration éloquente de cette "exception française" susmentionnée, notre pays en est toujours à attendre la concrétisation effective de la proposition du Sénateur F. Autain, visant à créer une commission d'enquête similaire à celles qui ont rendu leurs conclusions depuis déjà des mois chez nos voisins...
(12) Comme on commence à s'en rendre compte avec les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause.
(13) Comme parfaitement exprimé par la veuve qui vient d'être indemnisée par un tribunal américain après le décès de son mari au décours d'un traitement par "Vioxx".
(14)  M. Girard, L'environnement, facteur tératogène pour l'expertise, Juris-Classeur, Environnement 2004(4) : 9-11.
(15) Il a fallu attendre 2005 pour voir apparaître dans la nomenclature des spécialités, jusqu'alors strictement ignorées, telles que "Sciences du médicament", "épidémiologie" ou "statistiques" : dans l'entre temps, on aura pu entendre à la télévision un expert fréquemment désigné dans des affaires de santé publique revendiquer sans rougir"ne pas connaître les chiffres, mais savoir qu'ils ne sont pas significatifs"...
(16) Et dont l'impact sociétal le mieux documenté a été d'accroître, via le renchérissement des assurances, la dissociation de la médecine en deux vitesses...
(17) Note 3 précitée.
(18) M. Girard, Vaccination contre l'hépatite B, in: A. Rogier, Les événements de l'année 2001 en dommage corporel, Paris, éditions Eska ; 2001 p. 63-70.
(19) BMJ, 16 novembre 2002.
(20) Le Monde, 14 novembre 2002.
(21) Via, notamment, la clause exonératoire du "risque de développement" sur laquelle nous reviendrons.
(22) J.-A. Robert, A. Regniault, Les effets indésirables des médicaments: information et responsabilités, Dalloz 2004, n ° 8, 510-516.
(23) La revue SCRIP (2 juin 2004, p. 10), par exemple, nous apprend que le nouveau PDG du numéro 2 pharmaceutique mondial a été choisi chez Vodafone, une entreprise de télécommunications...
(24) Et, on l'a dit plus haut, les Parlementaires s'avisent désormais de les discuter.
(25) Note 22 précitée.
(26) R. Moynihan, I. Heath, D. Henry, Selling sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering, BMJ 2002 Apr 13 ; 324 (7342) : 886-91.
(27) L'habile stratégie d'un labo, Sciences et Avenir 1997 (janvier) : 27.
(28) Il faut dire que, toujours selon les aveux crus de la même interview (cf. note 27), les fabricants -qui se sont heurtés à un mur d'incompréhension en Angleterre et en Allemagne- ont eu, en France, "la chance de tomber sur Philippe Douste-Blazy"...
(29) S. Garattini, V. Bertele, Efficacy, safety, and cost of new anticancer drugs, BMJ 2002 Aug 3 ; 325 (7358) : 269-71.
(30)  S.G. Morgan, K.L. Bassett, J.M. Wright, R.G. Evans, M.L. Barer, P.A. Caetano, C.D. Black "Breakthrough" drugs and growth in expenditure on prescription drugs in Canada, BMJ 2005 Sep 2.
(31) Note 10 précitée.
(32) Il suffit de feuilleter le Vidal pour voir le nombre incroyable de médicaments réputés "hépatotoxiques " grâce à cette conception maximaliste de la "précaution". Conséquence évidente : ceux des médicaments qui sont effectivement hépatotoxiques n'y sont plus du tout repérables .
(33) Cf. par exemple la notice d'Engerix B dans le Physician Desk Reference, le Vidal américain.
(34) Note 2 précitée.
(35) Imaginer que la modernité thérapeutique a relégué Hippocrate dans les poubelles de l'histoire est une grave erreur d'analyse. S'il fallait être forcené ou ignare pour "nuire" à une époque où n'existait quasiment aucun produit efficace, il n'en va plus de même aujourd'hui où le bénéfice objectivement attendu peut conduire à une prise de risque calculée -ou, du moins, assumée- : réactualisé en "d'abord ne pas trop nuire", le vieux principe d'Hippocrate tire sa pertinence de l'accent justement placé sur le rapport bénéfice/risque.
(36) M. Girard, Expertise médicale: questions et... réponses sur l'imputabilité médicamenteuse, Recueil Dalloz 2001(16) :1251-2.
(37) Note 3 précitée.
(38) M. Girard, Le "droit à un procès équitable" est menacé, Le Moniteur des Pharmacies 2003 ; n° 2495 : 5.
(39) B. Begaud, Y. Moride, P. Tubert-Bitter, A. Chaslerie, F. Haramburu, False-positives in spontaneous reporting: should we worry about them?, Br J Clin Pharmacol 1994 Nov ; 38 (5) : 401-4.
(40) M. Girard, Vaccination contre l'hépatite B, in A. Rogier, Les événements de l'année 2001 en dommage corporel, Paris, éditions Eska ; 2001. pp. 63-70.
(41) M. Girard, Autoimmune hazards of hepatitis B vaccine, Autoimmun Rev 2005 Feb ; 4(2) : 96-100.
(42) Dans l'arrêt susmentionné du 5 avril 2005, les avocats de l'industrie qui ont cru bon dénoncer le revirement d'une jurisprudence de la causalité "certaine" qui n'avait jamais existé ailleurs que dans leurs désirs eussent été mieux inspirés de poser le problème technique et juridique de fond : suffit-il qu'un médicament provoque des effets indésirables pour qu'il soit défectueux ? La réponse est évidemment non.
(43) H.-R. Hauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978.
(44) La présentation du dossier d'enregistrement a été légèrement modifiée depuis peu. Mais pour les affaires pendantes, qui visent des médicaments enregistrés depuis déjà un certain temps, c'est la présentation ici rappelée qui est concernée.
(45) Selon les textes en vigueur, cette surveillance après commercialisation inclut traditionnellement le suivi des effets indésirables, mais impose également une ré-évaluation continue du rapport bénéfice/risque de la spécialité surveillée.
(46) Periodic Safety Update Report
(47) Les documents promotionnels eux-mêmes sont distincts des pièces citées à l'alinéa précédent, garantissant que ces divers documents ont fait l'objet des autorisations nécessaires.
(48) Le déroulement des essais cliniques, par exemple, est encadré de façon fort contraignante par de volumineuses procédures mises au point sous l'égide de l'International Conference for Harmonisation qui a réuni les responsables sanitaires de la CEE, des USA et du Japon.
(49) Voir note 15.
(50) N. Jonquet. Vaccins contre l'hépatite B : "Nova et Vetera", les nouveaux fondements d'une indemnisation par les laboratoires, Droit et Santé 2004 ; n° 2 : 18-24.
(51) CA Paris, 1ère ch., 23 septembre 2004.
(52) D'où sans doute l'étonnante agressivité qui peut accompagner l'expert lorsqu'il accomplit son travail avec compétence et rigueur.

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