La lettre juridique n°145 du 2 décembre 2004 : Fiscalité des entreprises

[Textes] La déduction de la TVA ayant grevé un immeuble nu donné en location

Réf. : Instruction du 15 octobre 2004, BOI n° 3 A-6-04 (N° Lexbase : X4169ACE)

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

le 07 Octobre 2010


Aux termes de l'article 13-B-b de la 6ème directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9) transposé sous l'article 261 D du CGI , les locations d'immeubles nus sont exonérées de TVA. Toutefois, l'article 13-C-a de la 6ème directive TVA autorise chaque Etat membre à offrir l'option pour la TVA en en fixant les modalités. En France, l'article 260-2° du CGI prévoit que les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la TVA ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti peuvent opter pour la TVA. Cependant, si le locataire n'a pas la qualité d'assujetti, le bail doit faire mention de l'option par le bailleur. L'option présupposant l'exercice d'une activité par le locataire, la location à usage d'habitation s'en trouve exclue. Seules les locations d'immeubles nus destinés à l'exercice d'une activité professionnelle en bénéficient. Une instruction fiscale, en date du 15 octobre 2004, vient préciser aux redevables de la TVA et à leurs conseils les conditions du droit à déduction de la TVA afférente aux immeubles nus loués sous le régime de la TVA optionnelle (CGI, art. 260-2°) ainsi que son éventuelle régularisation.

1. Le droit à déduction de la TVA afférente aux immeubles donnés en location

Dans la mesure où la qualité de redevable de la TVA permet de récupérer la TVA d'amont , un propriétaire d'immeuble nu pourrait être tenté d'exciper de l'existence d'un bail pour déduire la TVA ayant grevé la construction ou l'acquisition d'un immeuble voire les travaux et réparations ultérieurs. Afin de prévenir les fraudes et abus éventuels (6ème directive, art. 13-b, al.1er), le propriétaire doit établir sa qualité de bailleur (instr. commentée, § 3), "notamment par la production d'un bail portant sur tout ou partie de l'immeuble concerné ou par tout document écrit qui, sans prendre la forme d'un bail, permet au bailleur de justifier la réalité des liens juridiques noués avec un preneur à partir d'une date déterminée (Doc. adm. 3 A-513, n° 2)".

Le bailleur d'immeuble(s) nu(s) à usage professionnel peut choisir de soumettre à la TVA toutes ses locations immobilières ou certaines seulement. Toutefois, dans la mesure où l'option s'exerce par immeuble ou ensemble d'immeubles, des locaux situés dans un immeuble objet d'une option ne peuvent y échapper (instr. commentée, § 4). La seule limite à la généralité du champ d'application de l'option réside dans l'affectation d'une fraction d'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à l'habitation ou à une activité agricole (CGI, art. 260-2°.a), voire à l'activité de preneurs non assujettis à la TVA dont le bail ne fait pas mention expresse de l'option par le bailleur.

L'option pour la TVA sur la mise à disposition de locaux présente deux avantages importants : la possibilité de récupérer la TVA d'amont et l'exonération de la taxe sur les salaires. Cependant, très logiquement, l'administration fiscale entend limiter cette déduction en proportion des surfaces des locaux effectivement couverts par l'option (instr. commentée, § 5). L'éventualité de locaux professionnels vacants n'étant pas à écarter, l'administration fiscale admet néanmoins que "dès lors qu'une option a été formulée en bonne et due forme par le bailleur, cette dernière produit ses effets sur les locaux nus à usage professionnel non effectivement donnés en location par le bailleur mais dont il peut être établi, par des éléments objectifs, qu'il les offre à la location" (instr. commentée, §6).

Cette solution de bon sens ne saurait s'analyser en une tolérance. Elle s'impose à l'administration fiscale. Selon une jurisprudence communautaire constante, l'intention d'affecter les dépenses pour lesquelles l'assujetti réclame l'exercice du droit à déduction à une activité imposable suffit (Y. Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, JCP éd. E 1999, p. 1954 ; CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën N° Lexbase : A8121AUC, Rec. CJCE, p. 655, spéc. § 22 et 23 ; CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III N° Lexbase : A7275AHW ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat N° Lexbase : A9700AUS ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV N° Lexbase : A9657AU9, JCP éd. E 1998, n° 11, p. 403, note F. Taquet ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT) N° Lexbase : A1997AIS ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl N° Lexbase : A1912AWQ ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn N° Lexbase : A1801AWM).

Les frais préparatoires à l'exercice d'une activité imposable ouvrent droit à déduction immédiate, notamment, par remboursement. Il suffit d'avoir déclaré son intention de réaliser des opérations imposables et d'en avoir rapporté la preuve. Il importe peu que l'auteur des dépenses exerce personnellement l'activité pour laquelle les dépenses préparatoires ont été engagées. Ainsi, en cas de création d'une société civile chargée de réaliser tous les investissements nécessaires à l'exercice de l'activité envisagée à exercer par une société de capitaux à créer, la société préparatoire peut déduire la TVA (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-137/02, Finanzamt Offenbach am Main -Lan c/ Faxworld Vorgründungsgesellschaft Peter Hünninghausen und Wolfgang Klein GbR N° Lexbase : A9946DBY ; lire Y. Sérandour, Frais préparatoires et TVA, la création d'entreprise encouragée par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 119 du 5 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1501AB9). Confrontons cette jurisprudence à l'instruction commentée.

Selon l'administration fiscale, la déduction de la TVA grevant des dépenses affectées à une location immobilière taxable présuppose remplies les conditions suivantes :

"- des mandats conclus par le bailleur ou toute autre démarche initiée par ce dernier attestent des efforts déployés par celui-ci dans la recherche active de locataires pour les locaux nus à usage professionnel restés vacants ;

- les locaux nus à usage professionnel qui ne font pas encore l'objet d'un bail ou d'une promesse de bail au moment de la formulation de l'option représentent une faible superficie du total des locaux nus à usage professionnel de l'immeuble concerné.

En tout état de cause, cette dernière condition doit être réputée satisfaite si la vacance de ces locaux est justifiée par des circonstances économiques indépendantes de la volonté du bailleur (début d'activité, conjoncture du marché immobilier, sinistre..." (§ 7).

A priori, l'intention manifeste de donner en location imposable suffit. Cependant, la condition de faible superficie des locaux non effectivement loués ou à louer heurte la jurisprudence communautaire. La CJCE rappelle, régulièrement, que le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA d'amont, indépendamment des buts ou résultats des activités économiques exercées (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, §19 ; CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française, §15 N° Lexbase : A7265AHK ; CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 24 N° Lexbase : A1648AWX). Le principe de neutralité interdit de distinguer "entre les dépenses d'investissement effectuées avant l'exploitation effective d'une entreprise et celles réalisées au cours de ladite exploitation" (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, § 23 ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 16 ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), § 45 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 37). Cette approche approximative du droit communautaire caractérise, également, la régularisation de la TVA ayant grevé des dépenses affectées à l'exercice d'une activité de location immobilière.

2. La régularisation de la TVA afférente aux immeubles donnés en location

Selon l'administration fiscale, "aucune régularisation n'est exigible sur le fondement de l'article 210 de l'annexe II au CGI dans les situations où pendant la durée de l'option, il est constaté une vacance temporaire des locaux nus à usage professionnel précisément justifiée par des circonstances économiques étrangères à la volonté du bailleur telles que décrites plus haut. Il en est ainsi, par exemple, en cas de changement de locataire, pendant la période au cours de laquelle le bailleur effectue les diligences nécessaires à la recherche d'un nouveau locataire" (§ 7). Dès lors que le bailleur maintient son intention d'affecter son immeuble à une location imposable, son droit à déduction perdure. En revanche, "si le bailleur se trouve dans une situation où la vacance de ces locaux perdure et aboutit, en définitive, à une cessation de son activité imposable de location d'immeuble nu à usage professionnel (refus de reconduction tacite, cessation des effets de l'option, cessation d'activité...), il est alors tenu :

- d'une part, de déclarer, le cas échéant, la perte de la qualité d'assujetti réalisant des opérations ouvrant droit à déduction, conformément aux règles décrites dans l'instruction administrative BOI n° 3 D-4-99 du 28 septembre 1999 (N° Lexbase : X1124AAU) ;

- d'autre part, de procéder, sur la déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires déposée au titre de cette cessation, en application de l'article 210-I de l'annexe II au CGI, à la régularisation de la taxe antérieurement déduite lorsque la cessation des opérations imposables intervient avant le commencement de la dix-neuvième année [Neuvième année jusqu'au 31 décembre 1995] qui suit celle de la date d'ouverture des droits à déduction" (§ 9).

L'administration se soumet à la jurisprudence en matière de frais préparatoires (instruction du 28 septembre 1999, BOI n° 3 D-4-99). La qualité d'assujetti ne peut être rétroactivement retirée, lorsqu'elle a été reconnue par l'administration (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 20 ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 41 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn ; CE Contentieux, 28 novembre 1997, n° 140163, Société d'exploitation des établissements Bernarg Goux c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4987ASI, Dr. fisc. 1998, comm. 319 et conclusions sous CAA Nantes, 1ère ch., 28 juin 2002, n° 98NT02286, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Société d'aménagement du Mortier N° Lexbase : A0669A4K, BF 11/02, n° 996). Toute solution contraire enfreint les principes de confiance légitime et sécurité juridique (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 21 et CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400 /98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 38). Peu importe que le créateur d'entreprise abandonne ultérieurement son projet. Il ne s'expose pas au reversement de la totalité de la TVA remboursée par le fisc à raisons de ses frais préparatoires. Seules les règles de régularisation partielle s'appliquent (CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV, § 23 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 41), sauf abus ou fraude prouvé (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 24 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 29).

Cette jurisprudence communautaire amène à se demander si l'administration fiscale la respecte, en déduisant de la vacance persistante des locaux la cessation de l'activité imposable de location d'immeuble nu à usage professionnel. Certes, le refus de reconduction tacite ou l'absence de démarches en vue de conclure de nouveaux contrats de location s'apparente à une cessation d'activité entraînant régularisation des déductions effectuées. Cependant, l'offre réelle de location interdit de remettre en cause le droit à déduction. Seule la fraude ou l'abus établi par l'administration permettra à cette dernière de réclamer régularisation.

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