La lettre juridique n°648 du 24 mars 2016 : Éditorial

Vengeance digitale : impunité dans la quatrième dimension

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 24 Mars 2016


Dès lors qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge de proximité, l'impossibilité pour les véhicules en cause d'atteindre les vitesses relevées par l'appareil de contrôle automatique, le rejet d'une demande de condamnation pour excès de vitesse est justifié - Cass. crim., 8 mars 2016, n° 15-83.019, F-P+B.

N'est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l'image d'une personne (même nue) réalisée dans un lieu privé avec son consentement - Cass. crim., 16 mars 2016, n° 15-82.676, F-P+B.

"Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais aussi d'esprits. Un voyage dans une contrée sans fin dont les frontières sont notre imagination : un voyage au bout de ténèbres où il n'y a qu'une destination : la quatrième dimension". L'accroche est vernaculaire pour certains, mais les amateurs de bonnes séries se souviennent de la voix de Rod Serling qui introduisait chaque épisode de The Twilight Zone.

D'une part, la Cour de cassation fait preuve d'un réalisme brut au regard de l'expertise réalisée contradictoirement et qui précisait que, si les vitesses relevées par le radar fixe sont corroborées par deux autres instruments étalonnés, elles paraissent impossible à atteindre, au vu des essais réalisés, alors même qu'ils se sont déroulés par circulation fluide, avec une distance d'élan supplémentaire et à vide. Aussi, à lire l'expert, suivi par la Chambre criminelle : nonobstant le fait que le cinémomètre fixe ne présente pas de dysfonctionnement dûment établi, tout porte à conclure qu'un élément extérieur indéfini est à même de perturber ponctuellement la mesure de l'appareil...

D'autre part, si pour tout un chacun le fait d'avoir accepté d'être photographié ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, d'avoir donné son accord pour que celle-ci soit diffusée, la loi pénale est d'interprétation stricte. Ce faisant, le fait de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, n'est punissable que si l'enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée... L'ancien compagnon qui poste sur le net une photographie de son ex-compagne, prise par lui, à l'époque de leur vie commune, la représentant nue alors qu'elle était enceinte, est relaxé...

Tout cela est peut-être une manifestation de cette "zone crépusculaire", chère à Einstein, qui recouvre un concept plus vaste que le temps lui-même. Incapable de voir la ligne d'horizon, le juge continue à appréhender la réalité au regard de la seule lecture du droit.

"Quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi" écrivait Beaumarchais à l'occasion du Mariage de Figaro. A priori, la réciproque est également vraie, et l'on ne peut guère y faire ; sauf à attendre l'intervention du législateur qui prévoit, justement, à l'article 33 quater de l'actuel projet de loi pour une République numérique, que sera puni de deux ans d'emprisonnement et de 60 000 euros d'amende le fait de transmettre ou de diffuser sans le consentement exprès de la personne l'image ou la voix de celle-ci, prise dans un lieu public ou privé, dès lors qu'elle présente un caractère sexuel. Restera à déterminer, la loi pénale étant toujours d'interprétation stricte, si une photographie d'une personne nue ou à demie-nue présente ou non un "caractère sexuel"... Mais le temps fait bien ici quelque chose à l'affaire.

"VENGEANCE ! VENGEANCE ! VENGEANCE ! VENGEANCE ! Canailles !... Emplâtres !... Va-nu-pieds !... Troglodytes !... Tchouck-tchouk-nougat !..." Ah, si seulement les ex pouvaient se contenter d'un bulle, comme Haddock dans Le Crabe aux pinces d'or, plutôt que de porter atteinte à l'intimité en quasi-impunité.

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