Si l'acquéreur de droits sociaux évincé a intérêt à l'annulation de la préemption prévue par les statuts, exercée par son bénéficiaire, il n'a pas qualité pour agir à cette fin. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 février 2016 (Cass. com., 2 février 2016, n° 14-20.747, FS-P+B
N° Lexbase : A3238PK7). En l'espèce, les statuts d'une filiale commune à deux sociétés qui détenaient, chacune, 50 % de son capital, stipulaient que si l'un des associés projetait de céder à un tiers sa participation dans le capital de la filiale, l'autre associé aurait la faculté d'exercer son droit de préemption. L'une des deux associées a notifié à l'autre l'offre d'achat d'un tiers de la totalité de sa participation. L'associée non-cédante a exercé le droit de préemption au prix proposé par le tiers. Ce dernier, soutenant que le droit de préemption n'avait pas été régulièrement exercé, a assigné la cédante des droits sociaux, la cessionnaire et la société cible aux fins de cession à son profit des actions de cette dernière détenues par la cédante. Le tiers a également formé contre la cessionnaire une demande de dommages-intérêts pour exercice fautif de son droit de préemption. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel qui n'avait pas fait droit à ces deux demandes (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 6 mai 2014, n° 14/03884
N° Lexbase : A7941MKC). D'abord, énonçant la solution précitée, elle confirme l'arrêt d'appel ayant relevé que le demandeur, tiers à la convention de préemption, n'avait aucun lien de droit avec le bénéficiaire de celle-ci, de sorte qu'il en a exactement déduit qu'il n'avait pas qualité pour agir en nullité de la décision de préemption ainsi qu'en cession des actions à son profit. Par ailleurs, si les statuts de la société cible imposent à l'associé non-cédant de notifier dans les formes et délais prescrits son intention d'exercer son droit de préemption et de se porter acquéreur des actions à céder au prix de transaction, ils ne comportent aucune autre obligation, ni restriction, quant aux modalités de paiement du prix ou à la date du transfert de propriété, lesquelles relèvent de la seule volonté des associés cédant et cessionnaire. Dès lors ayant retenu que les statuts, qui avaient seuls vocation à s'appliquer, n'imposaient pas au bénéficiaire du droit de préemption de se substituer à l'acquéreur évincé dans toutes les modalités accessoires de son offre, la cour d'appel, qui a fait application de stipulations claires et dépourvues d'ambiguïté, ne nécessitant donc aucune interprétation, a statué à bon droit (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1049AEL).
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