Seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en oeuvre pour déterminer la juridiction compétente, des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient-elles applicables au fond du litige. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 24 novembre 2015 (Cass. com., 24 novembre 2015, n° 14-14.924, FS-P+B
N° Lexbase : A0859NYH). En l'espèce une société de droit allemand (le fournisseur), après avoir confié à une société française (le distributeur) la distribution de ses produits sur le territoire français pendant vingt ans, lui a notifié la rupture de leur relation commerciale, avec un préavis de huit mois. S'estimant victime d'une rupture brutale de relation commerciale établie, cette dernière a assigné le fournisseur devant une juridiction française sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (
N° Lexbase : L1769KGM), qui a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes. La cour d'appel de Versailles ayant déclaré la juridiction française compétente (CA Versailles, 29 octobre 2013, n° 12/01461
N° Lexbase : A6023KNE), un pourvoi a été formé. La Haute juridiction retient, tout d'abord, qu'après avoir relevé le caractère peu apparent de la mention "
Gerichtstand München" (tribunal compétent Munich) figurant au bas des factures émises par le fournisseur et retenu qu'il n'était pas démontré que cette clause ait été portée préalablement à la connaissance du distributeur lors de l'émission des bons de commande, ni qu'elle ait été approuvée au moment de l'accord sur les prestations, excluant ainsi toute acceptation tacite, l'arrêt d'appel constate que cette clause ne donne aucune définition du rapport de droit déterminé pouvant donner lieu à la prorogation de compétence prévue par l'article 23 du Règlement de "Bruxelles I" (
N° Lexbase : L7541A8S). Ainsi, la cour d'appel a pu retenir que cette mention ne constituait pas une convention attributive de juridiction, au sens de l'article 23 du Règlement précité. Mais la Haute juridiction censure l'arrêt d'appel au visa des articles 3 du Code civil (
N° Lexbase : L2228AB7), des principes généraux du droit international privé et des articles 3 et 5 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000. Elle énonce qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre ne peut être attraite devant les tribunaux d'un autre Etat membre qu'en vertu des compétences spéciales énoncées par ce Règlement. Or, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée au profit des juridictions allemandes, l'arrêt d'appel, après avoir relevé l'absence de convention attributive de juridiction, au sens de l'article 23 du Règlement "Bruxelles I", retient que la loi de police fondant la demande s'impose en tant que règle obligatoire pour le juge français. Ainsi, énonçant le principe précité, la Chambre commerciale en déduit que la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés.
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