Lexbase Affaires n°434 du 3 septembre 2015 : Concurrence

[Textes] Loi "Macron" et droit de la concurrence

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Pauline Le More, Avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat

le 03 Septembre 2015

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, publiée au Journal officiel du 7 août 2015 - ci-après "la loi"), dite loi "Macron", est entrée en vigueur le 8 août 2015 après avoir été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.
Plusieurs dispositions concernent le droit de la concurrence, et plus particulièrement les procédures contentieuses de l'Autorité de concurrence (I) ainsi que la régulation des relations commerciales de certains secteurs économiques (II). "Grand vainqueur" de la réforme, l'Autorité de la concurrence s'est vu doter de pouvoirs accrus, néanmoins en partie censurés par le Conseil constitutionnel (III).
Les principales dispositions de cette réforme sont présentées ci-après. I - L'aménagement des procédures contentieuses devant l'Autorité de la concurrence

Fruit de l'expérience acquise, une série de mesures réforme les procédures contentieuses dans le domaine du droit des concentrations et des pratiques anticoncurrentielles.

A - Contrôle des concentrations (art. 215 de la loi)

La réforme du droit du contrôle des concentrations concerne tant la dérogation au caractère suspensif, que le délai de traitement d'examen et que le pouvoir d'injonction de l'Autorité.

  • La dérogation au caractère suspensif d'une demande d'autorisation de concentration

En principe, aucune concentration ne peut être effectivement mise en oeuvre en l'absence d'autorisation a priori de l'Autorité de la concurrence, sous réserve, bien évidemment, que l'opération envisagée atteigne les seuils requis conformément à l'article L. 430-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L2044KGS). Par le passé, l'Autorité de la concurrence a sanctionné lourdement les entreprises qui manquaient à cette obligation de notification préalable. Par exemple, après avoir eu connaissance par un tiers de l'opération, l'Autorité de la concurrence a imposé à la société mère de Castel Frères, Copagef, une amende à hauteur de 4 millions d'euros pour ne pas avoir soumis à son examen, avant sa réalisation, la prise de contrôle de six sociétés du groupe Patriarche (Aut. conc., décision n° 13-D-22 du 20 décembre 2013 N° Lexbase : X4354AM9, confirmée par CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2014, n° 375658, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5522MU3).

Ce contrôle ex ante peut, par dérogation, être effectué en dépit de la réalisation effective de l'opération de concentration sous certaines conditions, davantage précisées par la loi "Macron". A la lumière du nouvel alinéa 3 de l'article L. 430-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2042KGQ), la dérogation accordée "cesse d'être valable si, dans un délai de trois mois à compter de la réalisation effective de l'opération, l'Autorité de la concurrence n'a pas reçu la notification complète de l'opération". La plus grande vigilance s'impose donc aux entreprises bénéficiaires de la dérogation.

  • Le délai d'examen des dossiers de concentration soumis à l'Autorité de la concurrence

Désormais, conformément au nouveau deuxième alinéa du II de l'article L. 430-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L8706IB3), l'Autorité est autorisée à suspendre, en phase I, le délai de 25 jours ouvrés "lorsque les parties ayant procédé à la notification ont manqué de l'informer dès sa survenance d'un fait nouveau, qui aurait dû être notifié s'il s'était produit avant une notification au sens de l'article L. 430-3, ou ont manqué de lui communiquer tout ou partie des informations demandées dans le délai imparti, ou lorsque des tiers ont manqué de lui communiquer, pour des raisons imputables aux parties ayant procédé à la notification, les informations demandées. Le délai reprend son cours dès la disparition de la cause ayant justifié la suspension".

Par ailleurs, et conformément à la seconde phrase du premier alinéa du II de l'article L. 430-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L8603IBA), lors de la transmission par les parties notifiantes au cours de l'examen approfondi de la phase II d'engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération ou des modifications apportées à des engagements déjà proposés moins de 20 jours ouvrés avant la fin du délai d'examen approfondi de 65 jours ouvrés, "celui-ci expire vingt jours ouvrés après leur réception, dans la limite de quatre-vingt-cinq jours ouvrés à compter de l'ouverture de l'examen approfondi".

Les délais imposés à l'Autorité de la concurrence sont assouplis sans qu'un plafond ne soit institué pour éviter que la période de suspension ne s'éternise dans le temps. Les délais imposés aux entreprises font, en revanche, l'objet d'une date butoir.

  • Le nouveau pouvoir d'injonction

Le pouvoir d'injonction en cas d'inexécution dans les délais fixés d'une prescription ou d'un engagement figurant dans la décision d'autorisation ou dans celle du ministre de l'Economie, désormais habilité à prononcer lui aussi des injonctions, est renforcé. L'Autorité de la concurrence ou le ministre de l'Economie peut en effet "enjoindre sous astreinte [...] aux parties auxquelles incombait l'obligation, d'exécuter dans un délai qu'elle fixe des injonctions ou des prescriptions en substitution de l'obligation non exécutée" (C. com., art. L. 430-8, IV 3° modifié N° Lexbase : L2038KGL, en liaison avec C. com., art. L. 430-7-1, II, dernier alinéa N° Lexbase : L2039KGM). Cette faculté de prononcer de nouvelles injonctions en cas de manquement à un engagement ou à une injonction qui conditionnait l'autorisation de l'opération doit permettre à l'Autorité de la concurrence d'adapter les conditions qui, avec le temps, sont devenues sans objet. Sans avoir recours à une décision de retrait de l'autorisation, l'Autorité pourra substituer à une injonction initiale et devenue caduque des remèdes pertinents. L'Autorité de la concurrence pallie ainsi les difficultés apparues lors de l'affaire "TPS/Canal Plus", aux termes de laquelle le non-respect des conditions posées pour autoriser la concentration avait donné lieu au retrait de l'autorisation et à une nouvelle décision, partiellement validée par le Conseil d'Etat (Aut. conc., décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 N° Lexbase : X9818AIH et CE Contentieux, 21 décembre 2012, n° 353856, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1355IZ9, ramenant la sanction financière prise de 30 à 27 millions d'euros).

B - Pratiques anticoncurrentielles de dimension locale - "Micro-PAC" (art. 217 de la loi)

L'Autorité de la concurrence dispose d'un motif de rejet de plainte supplémentaire, lorsque le ministre est compétent au titre des pratiques anticoncurrentielles de dimension locale (C. com., art. L. 462-8, al. 3, nouv. N° Lexbase : L2047KGW). En effet, le ministre est compétent pour connaître des pratiques affectant un marché de dimension locale et n'affectant pas le commerce intra communautaire, lorsque les entreprises incriminées dépassent par leur chiffre d'affaires certains seuils. Pour rappel, le montant de la transaction que le ministre peut proposer à l'entreprise incriminée "ne peut excéder 150 000 euros ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France si cette valeur est plus faible" (C. com., art. L. 464-9, al.2 N° Lexbase : L2046KGU).

Par cette mesure, l'Autorité de la concurrence entend sans doute désengorger ses services avec des affaires de moindre importance susceptibles, en tout état de cause, d'être traitées par le ministre de l'Economie.

C - Procédures de transaction et de clémence (art. 218 de la loi)

Une procédure de transaction nouvelle remplace l'actuelle procédure de non-contestation des griefs, prévue par à l'article L. 464-2, III, du Code de commerce (N° Lexbase : L2049KGY) et aux termes de laquelle les entreprises peuvent renoncer volontairement à contester les griefs notifiés par les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, en contrepartie d'une réduction de la sanction encourue si la mise en oeuvre de cette procédure est jugée opportune par le rapporteur général de l'Autorité. A l'instar de la procédure existante en droit de l'Union européenne, la procédure est rendue plus attractive grâce à une visibilité accrue sur le montant de la réduction de l'amende escomptée par la mise en place d'une fourchette de réduction d'amendes. Désormais, le rapporteur général peut soumettre à l'entreprise concernée "une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction" (C. com., art. L. 464-2, III, nouv.).

Comme pour la procédure de transaction, l'établissement d'un rapport n'est pas davantage requis en matière de procédure de clémence, prévue à l'article L. 464-2, IV, du Code de commerce. L'entreprise dénonçant à l'Autorité de la concurrence une entente, à laquelle elle a participé, bénéficie d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire sans que l'Autorité de la concurrence ne statue nécessairement sur la base d'un rapport, mais à l'issue d'une simple audition du commissaire du Gouvernement et de l'entreprise concernée (C. com., art. L. 464-2, IV, modifié). Cette modification à la marge s'inscrit dans le cadre d'une réforme plus ample et visant à rendre plus attractive également la procédure de clémence à la lumière du récent communiqué en date du 3 avril 2015 (Aut. conc., 3 avril 2015, communiqué de procédure relatif au programme de clémence ; nos obs. in Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Juin 2015 (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 429 du 25 juin 2015 - édition affaires N° Lexbase : N8089BU7)

Cette réforme des procédures négociées s'applique à toutes les procédures, dont les griefs auront été notifiés après le 7 août 2015 (art. 218, II, de la loi).

II - L'encadrement des relations commerciales de certains secteurs économiques

A - Communication préalable des accords visant à négocier des achats groupés (art. 37 de la loi)

Une obligation d'information préalable de l'Autorité de la concurrence, avec effet suspensif, sur "tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l'achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs" est instaurée à l'article L. 462-10, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L1581KGN).

Cette obligation, prévue à titre informatif et devant être diligentée deux mois avant la mise en oeuvre de l'accord, n'est applicable qu'au-delà d'un certain seuil de chiffres d'affaires mondiaux et français, fixés par décret ultérieurement (C. com., art. L. 462-10, al. 2, nouv.).

Cette mesure a pour objectif de porter à la connaissance de l'Autorité de la concurrence et donc de lui permettre, le cas échéant et en temps utile, d'intervenir sur des accords n'entrant pas dans le champ du contrôle des concentrations, mais susceptibles de poser des problèmes de concurrence notamment sur le terrain des droits des ententes et de l'abus de position dominante, appréhendés sur le fondement des articles L. 420-1 (N° Lexbase : L6583AIN) et L. 420-2 (N° Lexbase : L3778HBK) du Code de commerce. Elle s'inscrit dans le contexte de la recommandation formulée par l'Autorité dans son avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif aux rapprochements des centrales d'achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution (Aut. conc., avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 N° Lexbase : X3924APZ).

B - Régulation des relations commerciales entre hôteliers et plateformes de réservation sur Internet (art. 133 de la loi)

Les relations entre les hôteliers français et les plateformes de réservation en ligne (dites OTAs) sont davantage régulées. Il leur est dorénavant imposé de recourir obligatoirement au contrat écrit de mandat, régi par les articles 1984 (N° Lexbase : L2207ABD) et suivants du Code civil, pour formaliser les contrats les liant (C. tourisme, art. L. 311-5-1, al. 1er, nouv. N° Lexbase : L1612KGS).

La rémunération du mandataire, c'est-à-dire des opérateurs, tels que Booking.com ou autres, est déterminée librement entre les parties (C. tourisme, art. L. 311-5-2, nouv. N° Lexbase : L1613KGT et L. 311-5-3, al. 2, nouv. N° Lexbase : L1614KGU). La loi précise que "l'hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite" (C. tourisme, art. L. 311-5-1, al. 2, nouv.). Il s'agit d'éviter la politique de prix imposée par la plateforme en cas de commercialisation directe de ses chambres par l'hôtelier au client final.

Ce dispositif a pour objectif de rééquilibrer les relations contractuelles entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne en mettant fin à la pratique des clauses de parité tarifaire, sanctionnée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision d'engagements du 21 avril 2015 dans l'affaire "Booking.com" (Aut. conc., décision n° 15-D-06, 21 avril 2015 N° Lexbase : X4013APC) et par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 7 mai 2015 dans l'affaire "Expedia" (T. com. Paris, 7 mai 2015, aff. n° 2013059306 N° Lexbase : A7189NHQ ; sur ces deux affaires, cf. nos obs. in Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Juin 2015 (3ème comm.), préc.).

Cette nouvelle sous-section du Code du tourisme est d'application immédiate, comme le précise son article L. 311-5-4, alinéa 2 (N° Lexbase : L1615KGW) : les contrats entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne conclus avant le 7 août 2015 "cessent de produire leurs effets dès l'entrée en vigueur de la même loi".

L'immixtion des pouvoirs publics dans la liberté contractuelle des personnes privées est donc largement consacrée par la loi "Macron".

III - Les nouveaux pouvoirs de l'Autorité de la concurrence censurés par le Conseil constitutionnel

Deux articles ayant trait aux pouvoirs de l'Autorité de la concurrence sont, en revanche, censurés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 2015 (Cons. const., décision n° 2015-715 DC, du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG).

A - Accès des agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence aux données de connexion dans le cadre des enquêtes de concurrence (art. 216, 2° de la loi)

Par le nouvel article L. 450-3, alinéa 5, du Code de commerce, les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence devaient être expressément autorisés à demander la communication de certains documents et informations, dont les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques et par les personnes offrant un accès à des services de communication au public ou de stockage en ligne. Il s'agissait en particulier de se voir transmettre les relevés téléphoniques détaillés établis par les opérateurs de communications électroniques des personnes soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles.

Censées aligner les pouvoirs d'enquête de l'Autorité de la concurrence à ceux déjà reconnus à d'autres autorités administratives indépendantes, telles que l'Autorité des marchés financiers, ou administrations de l'Etat, telles que l'Administration des douanes, ces procédures de réquisition administrative des données de connexion doivent concilier le droit au respect de la vie privée, invoqué par les requérants, et la prévention des atteintes à l'ordre public. Les garanties prévues par le dispositif ne sont cependant pas jugées suffisantes pour satisfaire au contrôle de constitutionnalité. En l'espèce, le Conseil constitutionnel est d'avis "que la communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée ; que, si le législateur a réservé à des agents habilités et soumis au respect du secret professionnel le pouvoir d'obtenir ces données et ne leur a pas conféré un pouvoir d'exécution forcée, il n'a assorti la procédure prévue par le 2° de l'article 216 d'aucune autre garantie ; qu'en particulier, le fait que les opérateurs et prestataires ne sont pas tenus de communiquer les données de connexion de leurs clients ne sauraient constituer une garantie pour ces derniers ; que, dans ces conditions, le législateur n'a pas assorti la procédure prévue par le 2° de l'article 216 de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions" (cons. 137).

B - La procédure d'injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail en France métropolitaine (art. 39, 2° de la loi)

Est également estimé contraire à la Constitution le renforcement du pouvoir d'injonction structurelle, instaurée par le nouvel article L. 752-26 du Code de commerce, indépendamment de toute exploitation abusive d'une position dominante. Le Conseil constitutionnel est en effet d'avis que ces nouveaux pouvoirs accordés à l'Autorité de concurrence auraient constitué une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et au droit de la propriété.

En effet, la nouvelle procédure dotait l'Autorité de la concurrence de nouvelles compétences en matière d'injonctions, sous certaines conditions, en France métropolitaine, consistant à imposer la modification des accords ou la cession d'actifs d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, en cas d'existence d'une position dominante et de détention d'une part de marché supérieure à 50 % par cette entreprise ou ce groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail. L'abus de position dominante ne doit pas être constitué.

L'entreprise ou le groupe d'entreprises en cause pouvait alors être contrainte(s) à :

- modifier, compléter ou à résilier, dans un délai déterminé qui ne pouvait excéder six mois, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui se traduit par des prix ou des marges élevés ;

- céder, dans un délai qui ne pouvait être inférieur à six mois, la cession d'actifs, y compris de terrains, bâtis ou non.

En cas d'inexécution de ces injonctions, les opérateurs pouvaient se voir imposer les sanctions pécuniaires prévues par l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Les pouvoirs d'injonction structurelle ne sont pas nouveaux, puisque depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), l'article L. 752-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L4972IUP) permet à l'Autorité de la concurrence de mettre en oeuvre des injonctions structurelles en cas d'exploitation abusive soit d'une position dominante, soit d'un état de dépendance économique. En 2012, cette compétence était étendue aux départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer d'Amérique (loi n° 2012-1270 du 20 novembre 201,2 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi "Lurel", art. 10 N° Lexbase : L4861IUL), puis à la Nouvelle-Calédonie (loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, validée par Cons. const., décision n° 2013-3 LP, du 1er octobre 2013 N° Lexbase : A0302KM7), laquelle prévoyait déjà des pouvoirs d'injonction structurelle en cas de position dominante.

Or, les requérants soutenaient, en particulier, que la cession forcée d'actifs ou la résiliation forcée de conventions en cours dans un délai court s'effectuaient nécessairement dans des conditions défavorables pour l'entreprise. De son côté, le Gouvernement rappelait que le principe du contradictoire était respecté puisque les entreprises étaient mises en mesure d'échanger avec l'Autorité sur son rapport motivé avant toute mise en oeuvre de la procédure. Il se référait également à la décision du 1er octobre 2013 du Conseil constitutionnel susmentionné ayant validé un dispositif législatif analogue applicable en Nouvelle-Calédonie.

Sans se prononcer sur l'éventuelle méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ainsi que sur l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, le Conseil constitutionnel fonde sa censure sur deux principaux arguments. L'objectif de préservation de l'ordre public économique et de protection des consommateurs ne justifie pas des dispositions pouvant "conduire à la remise en cause des prix ou des marges pratiqués par l'entreprise ou le groupe d'entreprises et, le cas échéant, à l'obligation de modifier, compléter ou résilier des accords ou actes, ou de céder des actifs alors même que la position dominante de l'entreprise ou du groupe d'entreprises a pu être acquise par les mérites et qu'aucun abus n'a été constaté", d'une part. Il est également reproché aux dispositions de "s'applique[r] sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine et à l'ensemble du secteur du commerce de détail, alors même qu'il ressort des travaux préparatoires que l'objectif du législateur était de remédier à des situations particulières dans le seul secteur du commerce de détail alimentaire", d'autre part. Tant les "contraintes que ces dispositions font peser sur les entreprises concernées" que le "champ d'application" trop large des dispositions de l'article L. 752-26 du Code de commerce portent une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété au regard du but poursuivi (cons. 32).

Il n'est toutefois pas à exclure qu'un dispositif législatif limité au secteur du commerce de détail alimentaire et applicable seulement en cas d'abus de position dominante puisse, lui, être déclaré conforme à la Constitution.

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