Le régime pénitentiaire autorisant deux visites familiales annuelles de quatre heures maximun emporte violation du droit au détenu au respect de sa vie familiale (CESDH, art. 8
N° Lexbase : L4798AQR). Telle est la solution retenue par la CEDH, dans un arrêt du 30 juin 2015 (CEDH, 30 juin 2015, Req. 41418/04
N° Lexbase : A0524NMD). En l'espèce, M. K. est un ressortissant russe né en 1968. Il purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité. Pendant les dix premières années de sa détention dans une colonie pénitentiaire à régime spécial, il fut soumis à un régime pénitentiaire strict, qui impliquait, notamment, l'impossibilité de recevoir plus d'une visite de ses proches, de quatre heures maximum, par semestre. M. K. ne pouvait communiquer avec ses visiteurs qu'à travers une paroi de verre ou des barreaux en métal, sans aucun contact physique, et à portée d'ouïe d'un gardien de prison. Pareil régime strict était d'ordinaire applicable aux détenus pendant les dix premières années de leur peine, à compter de la date de leur arrestation. Toutefois, dans le cas de M. K., cette période fut calculée à partir d'octobre 1999, date de son arrivée dans la colonie pénitentiaire, en application d'une règle spéciale concernant les détenus ayant eu un comportement répréhensible pendant leur détention provisoire. M. K. soutient, qu'en raison de ces restrictions sévères aux visites, il a perdu contact avec certains membres de sa famille, à commencer par son fils, qui refuse à présent de le voir. L'enfant avait trois ans lorsque le requérant a été arrêté. Par deux fois, M. K. saisit la Cour constitutionnelle russe arguant que ledit régime était discriminatoire et portait atteinte au droit au respect de la vie privée. Il fut débouté. M. K. forme une requête devant la CEDH soutenant que les restrictions aux contacts avec les membres de sa famille, en vertu du régime strict au sein de la colonie pénitentiaire entre octobre 1999 et octobre 2009, avaient emporté violation de ses droits au titre de l'article 8 de la CESDH. La Cour juge, en particulier, que ce régime strict est disproportionné par rapport aux buts poursuivis et qu'il complique sérieusement la réinsertion dans la société et l'amendement des détenus concernés. Etant donné que la majorité des états membres du Conseil de l'Europe n'établissent aucune distinction en ce qui concerne le régime pénitentiaire entre les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité et les autres catégories de détenus, et que, dans ces états, les visites familiales en ce qui concerne les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité sont au minimum bimestrielles, la Russie ne dispose que d'une marge de manoeuvre ("marge d'appréciation") étroite en la matière. La CEDH conclut, à l'unanimité, à la violation de l'article 8 de la CESDH.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable