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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 09 Avril 2015
David Gordon-Krief : A la suite de mes années d'engagements aux côtés des jeunes avocats (UJA de Paris et FNUJA) et des professions libérales, en tant que Président de l'UNAPL, j'ai fait le constat que notre profession, qui est probablement la plus écoutée et la plus fascinante, est terriblement désorganisée, avec une incapacité criante à parler d'une seule voix même quand les sujets sont transversaux et concernent tous les avocats.
Hubert et moi avons bâti nos cabinets, construit au fil des années de solides réseaux professionnels et nous sommes engagés aux services des idées que ce soit dans les syndicats ou au conseil de l'Ordre. Nous nous sommes investis dans nos mandats sans jamais cesser d'exercer notre métier d'avocat avec pour seule ambition de donner de notre temps et de notre expérience pour porter les réformes qui nous apparaissent nécessaires.
Nous souhaitons maintenant mettre cette expérience au service de l'ensemble de la profession et plus particulièrement du barreau de Paris.
Nous avons rapidement établis plusieurs constats. Tout d'abord, notre façon d'exercer la profession peine à se moderniser. Ensuite, la profession d'avocat s'est précarisée, paupérisée et la crise a heurté de plein fouet, violemment, certains d'entre nous, réveillant de graves et dangereuses oppositions. Et pourtant, le droit est omniprésent.
Pour relever ensemble ces défis, nous formulons trois propositions.
- Un Ordre accessible, pragmatique, humble, c'est-à-dire un Ordre proche des confrères et qui consacre l'essentiel de son travail à l'amélioration du quotidien de nos cabinets et à la conciliation entre vie personnelle et professionnelle.
- Un Ordre défenseur de notre profession avec la solidarité et l'entraide chevillées au corps, qui protège et accompagne ceux parmi nous qui en ont le plus besoin.
- Un Ordre audacieux, conquérant et dynamique qui donne à tous les avocats les moyens, les outils pour conquérir les nouveaux territoires que nous devons identifier le plus en amont possible avec la création d'un observatoire du droit, de nos métiers.
Grâce à notre expérience, notre énergie et notre confiance dans l'avenir, nous sommes, depuis le début de cette campagne, à l'écoute permanente de nos confrères pour construire la profession dont nous voulons continuer d'être fiers, pour bâtir, ensemble, l'avenir de notre barreau qui doit continuer de rayonner et d'attirer les meilleurs talents.
Lexbase : Comment s'est constitué votre tandem avec Hubert Flichy ?
David Gordon-Krief : Hubert Flichy est un homme que je connais bien depuis de nombreuses années. Hubert c'est celui qui, après vingt-cinq ans au sein du cabinet Gide, Loyrette et Nouel a eu le courage, au début des années 2000, alors qu'il était associé, de partir et de créer son cabinet. Et aujourd'hui, le cabinet Flichy Grangé est un incontournable du droit social. Lorsque j'ai décidé de me présenter pour le Bâtonnat, Hubert avait la même ambition. Nous nous sommes alors beaucoup vus, avons beaucoup échangé pour arriver au constat que nous partagions une vision et une envie commune pour notre barreau.
Nous avons alors décidé de fédérer nos compétences et de mener ensemble cette aventure.
Et, si vous le permettez, je voudrai répondre par anticipation à ceux qui voudraient critiquer un tandem "100% masculin".
Certains thèmes sont essentiels : l'égalité professionnelle au sein de notre profession, désormais majoritairement féminine, en fait partie.
Dans le cadre d'une campagne, il y a ceux qui parlent de cette égalité, le temps d'un programme, et ceux qui la vivent au quotidien.
Depuis des années, la moitié des associés du cabinet SBKG, que j'ai co-fondé, est composée de femmes et près de 60 % des associés du cabinet Flichy Grangé, fondé par Hubert Flichy, sont des femmes.
Aussi, pour nous, l'égalité entre hommes et femmes au sein de la profession n'est pas un concept, c'est une réalité vécue depuis des années, sans avoir à attendre de se présenter à une élection pour en découvrir l'urgente nécessité. Il est plus facile de faire respecter ce principe de parité lorsqu'on le pratique depuis des années et que l'on sait déjà à quoi il ressemble en pratique.
Ainsi, le premier message que nous souhaitons transmettre est que cette égalité est possible puisque nous la pratiquons depuis toujours et que nous nous en portons que mieux.
Lexbase : Avec la réforme de la durée du Dauphinat, vous devez assurer six mois de plus de campagne. Quelle a été votre réaction face à cette réforme ?
David Gordon-Krief : Telle qu'elle nous l'a été présentée, l'idée de départ du Bâtonnier de Paris reposait sur le projet de raccourcir la durée du Dauphinat, de supprimer le vote de confirmation et de faire en sorte que toutes les élections (Bâtonnat et conseil de l'Ordre) aient lieu au même moment, au mois de juin.
Or, s'il appartient bien au conseil de l'Ordre de déterminer la date des élections du Bâtonnier, il n'était pas possible de modifier la date des élections du conseil de l'Ordre car il fallait modifier le décret de 1991, ce qui n'a pas été obtenu par l'équipe en place. Le Bâtonnier et son Vice-Bâtonnier ont néanmoins souhaité maintenir l'élection du Dauphin en juin. Cette décision a eu pour les candidats déjà déclarés, un impact important et nous avions même, avec Frédéric Sicard, cosignés une tribune pour émettre des réserves sur cette réforme. Six mois de campagne supplémentaires bouleversent l'économie même de la campagne, la vie au cabinet et la vie familiale. Ainsi, nous avons donc commencé la campagne à l'été 2013 et début 2014 nous avons été informés que la date des élections serait en juin 2015, avant que le Bâtonnier propose ensuite de supprimer totalement le Dauphinat pour porter les élections en novembre 2015, et avant enfin de revenir contre toute attente à juin 2015, alors même donc que cette élection était annoncée comme onéreuse compte tenu de son non alignement sur les élections au conseil de l'Ordre. Vous connaissez la suite, la multiplication soudaine des candidatures au mois de mars de cette année et l'abondante littérature qui s'en est suivie.
Nous ne souhaitons pas à cet égard faire de commentaires plus avant car tout, ou presque, a été dit dans ces prises de position.
Il est évidement terriblement désagréable que les "règles du jeu" d'une élection soient modifiées en cours de campagne. Cela l'est encore plus quand ceux qui en sont à l'origine voudraient en profiter.
Cela n'est pas le sens que nous nous faisons de nos principes essentiels.
Et ce n'est évidemment ni une question d'homme ni une question d'opposition entre conservateurs et modernistes. C'est une simple question d'éthique et de respect humain.
J'appelle ainsi à ce que tout le monde face preuve de retenue, de pragmatisme et de bon sens. Notre profession le mérite.
Lexbase : Justement, quelle est votre vision de la gouvernance de la profession ?
David Gordon-Krief : Hubert Flichy et moi avons une réflexion simple à propos de notre gouvernance : pour que tous les avocats soient entendus, respectés, considérés, il est essentiel d'avoir une profession forte et unie.
Pour ce faire il est vital d'avoir une représentation nationale avec un Président des avocats de France qui parle au nom de la profession et qui n'est en rien concurrent du Bâtonnier de Paris.
Le barreau de Paris est un grand barreau, le premier de France. Les enjeux en son sein sont immenses et nous saurons travailler intelligemment, sans conflits, avec le CNB.
Quant au barreau de Paris, il est urgent de redonner au conseil de l'Ordre la place qui est la sienne, à savoir d'assurer la pérennité de l'action politique menée au quotidien. La continuité n'est pas une question d'homme mais d'institution et le conseil de l'Ordre de par son système de renouvellement par tiers tous les ans est à même d'assurer à nos confrères une action efficace et pérenne.
Lexbase : Quel regard portez-vous sur l'interprofessionnalité ? L'avocat en entreprise ?
David Gordon-Krief : Sur l'interprofessionnalité je n'ai qu'une question : quand y arriverons-nous ? Aujourd'hui ce qui est fondamental est que les avocats sachent répondre aux besoins des clients qui sont de plus en plus complexes et qui mêlent souvent le droit aux chiffres. A notre avis, l'interprofessionnalité est une des réponses aux champs de compétence, c'est la réponse au périmètre du droit qui doit évidemment être protégé.
Quant à l'avocat en entreprise, quel gâchis... L'idée que les avocats soient plus présents au sein des entreprises pour appréhender les questions de droit qui sont consubstantielles de la vie économique est évidement une belle idée.
Malheureusement la pédagogie a pêché et les questions d'indépendance, de partage du secret,... ont souvent été ramenées à la portion congrue alors même qu'il s'agit là pour Nous Avocats de l'essentiel.
Il conviendra donc de reprendre totalement ce dossier en associant l'ensemble de nos confrères à cette réflexion majeure.
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