Il y a violation de l'article 5 § 3 de la CESDH (droit à la liberté et à la sûreté) (
N° Lexbase : L4786AQC) dès lors que les requérants, déjà privés de liberté depuis quatre jours et une vingtaine d'heures, d'une part, et depuis six jours et seize heures, d'autre part, ont été placés en garde à vue plutôt que traduits sans délai devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Telle est la substance de deux arrêts de la CEDH, rendus le 4 décembre 2014 (CEDH, 4 décembre 2014, deux arrêts, Req. 17110/10
N° Lexbase : A8165M48 et Req. 46695/10
N° Lexbase : A8166M49). Dans la première affaire (Req. 17110/10), les requérants ont été impliqués dans le détournement d'un navire au large des côtes somaliennes le 4 avril 2008. Le 5 avril 2008, le gouvernement fédéral de transition de Somalie adressa une note verbale aux autorités françaises leur donnant l'autorisation d'entrer dans les eaux territoriales de Somalie et de prendre toutes les mesures nécessaires -y compris l'usage proportionné de la force- dans le contexte de la crise. Les requérants furent arrêtés le 11 avril 2008, sur le territoire somalien et placés sous contrôle militaire à bord d'un navire français, jusqu'à ce que, le 15 avril, les autorités somaliennes donnent leur accord au transfert des suspects en France. Ils y arrivèrent par avion le 16 avril 2008 vers 17h15 et furent placés en garde à vue. Le 18 avril, ils furent présentés à un juge d'instruction et mis en examen. Dans la seconde affaire (Req. 46695/10), à la suite du détournement d'un voilier français au large des côtes somaliennes le 2 septembre 2008, les requérants furent arrêtés par la marine française le 16 septembre alors qu'ils se trouvaient dans les eaux territoriales somaliennes. Le 23 septembre 2008, ils furent transférés en France par voie aérienne et placés en garde à vue à leur arrivée. Le 25 septembre 2008, les requérants furent présentés à un juge d'instruction et mis en examen. Saisie par les requérants dans les deux affaires, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris estima que l'interpellation des suspects et leur rétention jusqu'à leur placement en garde à vue n'avaient pas été contraires à l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, au regard notamment des circonstances exceptionnelles et insurmontables de temps et de lieu dans ces affaires. Les pourvois en cassation des requérants furent rejetés. Dans les deux affaires, invoquant l'article 5 § 3, les requérants ont saisi la CEDH pour se plaindre de ne pas avoir été aussitôt traduits devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires après leur interpellation par l'armée française dans les eaux territoriales somaliennes. La CEDH leur donne gain de cause et conclu à la violation du droit à la liberté et à la sûreté (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2008EUW).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable