L'enquête, visant à permettre l'identification et la sanction des responsables d'un décès et du mauvais traitement envers des personnes, doit être menée dans un délai raisonnable. Ainsi, la durée d'une enquête, pendante depuis vingt ans, est considérée comme déraisonnable et viole l'article 6 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR), relatif au droit à un procès équitable. Telle est la solution retenue par la CEDH, dans un arrêt du 13 septembre 2014 (CEDH, 17 septembre 2014, Req. 10865/09
N° Lexbase : A5578MWI ; cf. pour une affaire où la France a été condamnée pour durée excessive du procès, CEDH, 11 février 2010, Req. 24997/07, M. c/ France
N° Lexbase : A7446ER9). En l'espèce, dans le cadre d'importantes manifestations qui eurent lieu dans les rues de Bucarest en juin 1990, le Gouvernement de Bucarest entreprit de mettre fin à l'occupation depuis plusieurs semaines de la place de l'Université par des manifestants en protestation contre le régime alors en place. Le 13 juin 1990, les forces de police et de gendarmerie intervinrent et procédèrent à l'arrestation de nombreux manifestants, dont M. M. qui fut arrêté, menacé et brutalisé avant d'être relâché. Alors que l'armée était envoyée dans les zones sensibles, des coups de feu émanèrent du ministère de l'Intérieur, alors encerclé par les manifestants, et touchèrent à la tête M. V., l'époux de la requérante, causant son décès. Parallèlement, M. S. qui se rendait à son bureau à pied le matin du 13 juin 1990 fut arrêté à proximité des locaux de la télévision publique, emmené puis ligoté et battu. Il en perdit connaissance au cours de la nuit. L'enquête pénale relative à cette répression débuta en 1990, dans le cadre d'un très grand nombre de dossiers individuels, qui furent par la suite joints, puis confiés au parquet militaire en 1997. L'enquête ainsi diligentée fut ralentie et interrompue par plusieurs rebondissements procéduraux de telle sorte qu'en juillet 2011 la procédure relative au décès de M. V. n'avait toujours pas abouti. Les requérants ont dès lors saisi la CEDH pour se plaindre notamment de l'absence d'enquête effective, impartiale et diligente susceptible de mener à l'identification et à la sanction des personnes responsables de la répression violente des manifestations et demander la réparation des préjudices causés par le saccage de son siège et l'agression de ses membres. La Cour, constatant que les procédures pénales relatives au décès de M. V. étaient toujours pendantes en juillet 2011, soit plus de vingt ans après leur ouverture, après deux renvois ordonnés pour des lacunes ou des vices de procédure, a conclu à une violation de l'article 2 sous son angle procédural (défaut d'enquête effective). La Cour estime que cette durée d'enquête est déraisonnable et que l'article 6 § 1 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR) a été enfreint (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E0650EUM).
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