Le délit de prise illégale d'intérêts étant constitué par le seul abus de fonction, nul n'est besoin de rechercher si le prévenu avait tiré un avantage politique effectif des recrutements litigieux. Par ailleurs, le fait de prendre en charge par le budget de l'Etat la rémunération de collaborateurs, dont la fonction d'agents de cabinet était dépourvue de toute réalité, suffit à constituer le délit de détournement de fonds publics. Telles sont les règles rappelées par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 23 juillet 2014 (Cass. crim., 23 juillet 2014, n° 13-82.193, FS-P+B+I
N° Lexbase : A6145MU7 ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial"
N° Lexbase : E5646EXE). En l'espèce, après autorisation par l'Assemblée territoriale, son président a recruté des agents chargés de l'assister dans les tâches relevant de leur compétence. Les bénéficiaires de ces contrats s'engageaient à réserver l'exclusivité de leur activité à leur employeur. Informé, par courriers des 19 septembre et 7 décembre 1995, de l'existence de contrats fictifs de cabinet, tant au sein du Gouvernement que de l'Assemblée territoriale, le procureur de la République a ordonné, les 21 septembre et 11 décembre 1995, deux enquêtes préliminaires, à l'issue desquelles il a ouvert une information judiciaire des chefs de prise illégale d'intérêts et recel. Les investigations ont révélé que M. X., président du Gouvernement de la Polynésie française, avait mis à la disposition du service des affaires polynésiennes (SAP), de communes, de l'association R., de fédérations sportives et de syndicats des agents recrutés sous couvert de contrats de cabinet ; il est également apparu que M. Y., président de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, avait fait exécuter divers travaux à son domicile et dans le fonds de commerce de sa concubine par des personnes bénéficiant de contrats de cabinet de la présidence de l'Assemblée territoriale ; il avait, de même, affecté au SAP des bénéficiaires desdits contrats ; à l'issue de l'information judiciaire, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel MM. X. et Y. des chefs de prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics, MM. Z, A, C et B, des chefs de complicité, MM. D., G., H., E., F., du chef de recel. Ceux-ci ont contesté les chefs d'inculpation de prise illégale d'intérêts et de détournement de fonds publics, en invoquant notamment la prescription des actions engagées. Rejetant l'argument tiré de la prescription de l'action publique, la Cour de cassation relève que, dès lors que les investigations diligentées se sont poursuivies sans interruption supérieure à deux ans jusqu'à l'ouverture d'information par réquisitoire introductif, la procédure n'est pas prescrite. Aussi, confirme-t-elle la décision de la cour d'appel qui avait condamné les prévenus pour les faits ainsi caractérisés en rappelant les règles sus énoncées.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable