La lettre juridique n°579 du 17 juillet 2014 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Juillet 2014

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP

le 17 Juillet 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Les auteurs de cette chronique reviennent ce mois-ci sur deux arrêts rendus le 11 juin 2014, tous deux soumis à la plus large diffusion (annotés P+B+R+I). Dans le premier arrêt, commenté par le Professeur Le Corre, la Haute juridiction éclaire sur le rang des créances de remboursement des avances postérieures de l'AGS (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-17.997, P+B+R+I). Dans le second arrêt, commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Chambre commerciale de la Cour de cassation opère un important revirement sur la question de la répartition du produit des actions engagées par le mandataire de justice dans l'intérêt collectif des créanciers (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-12.658, FS-P+B+R+I).
  • Le rang des créances de remboursement des avances postérieures de l'AGS (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-17.997, P+B+R+I N° Lexbase : A3107MQ7 ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" [LXB=E1769EQL])

Il est des décisions au contenu extrêmement technique, qui peuvent effrayer le lecteur. Pourtant, certaines d'entre elles revêtent un intérêt pratique de premier plan. Tel est assurément le cas de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 juin dernier. La Haute cour ne s'y trompe pas, en attribuant à la décision les plus belles lettres de diffusion.

En l'espèce, les immeubles d'une société placée en liquidation judiciaire sont vendus. La question du classement des créanciers pour la répartition de leur prix se pose. Plus précisément, comment classer les créances de l'AGS correspondant à des avances effectuées après le jugement d'ouverture ? Faut-il appliquer l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L8595IZD), qui contient deux classements en liquidation judiciaire : celui des créanciers postérieurs méritants entre eux -classement dit interne- et celui du classement des créanciers postérieurs par rapport aux créanciers antérieurs -classement dit externe- ? De la réponse à la question dépend le point de savoir si l'AGS peut espérer son paiement avant les créanciers hypothécaires, en tant que titulaires d'un privilège général sur les salaires classé avant le créancier hypothécaire.

La cour d'appel avait estimé devoir appliquer purement et simplement, et uniquement, l'article L. 641-13 du Code de commerce, qui classe les créanciers hypothécaires avant les créanciers postérieurs méritants. Un pourvoi est formé par l'AGS, qui va obtenir gain de cause, par cet arrêt de censure, au visa de trois articles de trois codes différents (C. civ., art. 2376 N° Lexbase : L1358HI7, C. com., art. L. 641-13, C. trav., art. L. 3253-16, 2° N° Lexbase : L5779IAB). Cela donne l'occasion de souligner l'obligation pour l'interprète du droit des entreprises en difficultés de jongler entre plusieurs branches du droit, en l'occurrence le droit civil des sûretés, le droit des entreprises en difficulté et le droit du travail. La Cour de cassation va juger, par un arrêt de principe, que "aux termes du dernier de ces textes [C. trav. art. L 3253-16, 2°], les sommes autres que les créances qu'il énumère, dont les institutions de garantie contre le risque de non paiement des salaires en cas de procédure collective ont fait l'avance [AGS], leur sont remboursées dans les conditions prévues pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective et bénéficient alors des privilèges qui y sont attachés ; qu'il en résulte que les créances correspondantes de ces institutions sont légalement réputées être des créances antérieures, sans distinction de date de naissance, et lorsqu'elles bénéficient du privilège général des salaires, priment, en application de ces textes, les créances hypothécaires".

On sait que l'AGS est amenée à faire un certain nombre d'avances. Elle doit ensuite en obtenir le remboursement. Ce dernier se fait dans un certain nombre de cas par la voie de la subrogation légale dans les droits des salariés.

La loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), à la suite d'un amendement présenté par la Commission des lois du Sénat, a étendu le domaine de la subrogation de l'AGS dans les droits des salariés. L'AGS est d'abord subrogée dans les droits des salariés pour toutes les sommes avancées dans la procédure de sauvegarde (C. trav., art. L. 3253-4 N° Lexbase : L0959H9E). Cette subrogation jouera quelle que soit l'issue de la procédure de sauvegarde (1).

Il a été dit que la subrogation interdira notamment d'imposer des délais de paiement pour rembourser les créances salariales, dans le cadre des plans de sauvegarde, ce qui obligera l'administrateur et le débiteur à négocier des délais avec l'AGS, sauf à rendre impossible l'exécution du plan de sauvegarde (2).

En revanche, l'article L. 3253-16 du Code du travail (N° Lexbase : L5779IAB) n'apporte pas de changement, par rapport à la législation antérieure, quant au domaine de la subrogation de l'AGS, dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires.

L'AGS est subrogée pour trois catégories d'avances.

La première catégorie de créances pour lesquelles joue la subrogation personnelle est représentée par les créances super privilégiées (3). En cas de résolution d'un plan de continuation, il y a ouverture d'une seconde procédure. Les créances super privilégiées dans la première procédure conservent-elles cette nature dans la seconde ? La Cour de cassation a répondu par l'affirmative, en jugeant que, en cas de succession de procédures, par suite de la résolution du plan, l'AGS subrogée dans le super privilège le demeure dans la seconde procédure et se trouve, en conséquence, dispensée de déclarer sa créance au passif de la seconde procédure (4). La solution vaut désormais pour la résolution du plan de sauvegarde et de redressement.

La deuxième catégorie de créances pour lesquelles l'AGS et subrogée est celle des créances couvertes par le privilège général des salaires. Toutefois, et contrairement à la solution posée pour la subrogation dans le super privilège des salaires, l'AGS subit ici, pour son remboursement, les délais et remises du plan de redressement ou de sauvegarde, alors que, comme il a été observé, les salariés eux-mêmes ne subiraient pas ces restrictions (5) (C. com., art. L. 626-20, I, 2° N° Lexbase : L4069HBC, rédaction "LSE").

La troisième catégorie de créances pour lesquelles joue, pour l'AGS, la subrogation personnelle dans les droits des salariés est constituée des créances salariales couvertes par le traitement préférentiel réservé aux créances postérieures et avancées par l'AGS (lorsque le tribunal aura prononcé la liquidation judiciaire : C. trav., art. L. 3253-8, 4° N° Lexbase : L0711IXM).

Pour les autres créances salariales avancées, l'AGS n'est pas subrogée dans les droits des salariés qu'elle a payés.

Lorsque l'AGS n'est pas subrogée dans les droits des salariés, elle n'est pas traitée, alors même que les avances ont nécessairement été effectuées après le jugement d'ouverture, comme un créancier postérieur méritant. En effet, l'article L. 3253-16, 2° du Code du travail, issu de la rédaction que lui a donnée la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 (N° Lexbase : L7792H3Y), prévoit que les avances pour lesquelles l'AGS n'est pas subrogée sont remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du Code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure. Elles bénéficient alors des privilèges attachés à celle-ci.

Il faut donc comprendre que le législateur procède ici par fiction légale. Pourquoi cette solution a-t-elle été adoptée ? Parce que si l'AGS avait été considérée commun un créancier postérieur méritant pour toutes ses créances, le sauvetage de l'entreprise aurait été mis en péril. En effet, dans les plans de redressement, cela aurait conduit l'AGS à bénéficier de la règle du paiement au comptant posée par l'article L. 622-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4). L'AGS aurait eu droit au remboursement immédiat de ses avances. En traitant l'AGS comme un créancier antérieur, la règle du paiement au comptant disparaît pour le remboursement des avances consenties.

Certes, une règle différente aurait pu être posée selon que le remboursement devait intervenir en redressement ou en liquidation judiciaire. Mais telle n'a pas été l'option prise par le législateur, dans la rédaction de l'article L. 3253-16, 2° du Code du travail.

Quel est alors le rang des créances de l'AGS ? La question se pose notamment de savoir si l'AGS l'emporte sur les créanciers postérieurs et sur les créanciers titulaires de sûretés immobilières, notamment les créanciers hypothécaires.

La lecture isolée de l'article L. 641-13 aboutit à apporter une réponse négative à la question. Selon cette disposition, le classement est le suivant : super privilège des salaires, sous l'empire de la législation issue de l'ordonnance de 2008 (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT), applicable aux faits de l'espèce la procédure collective ayant été ouverte avant le 12 février 2009, les créanciers de frais de justice utiles au déroulement de la procédure collective, puis, déjà avant cette ordonnance, le privilège de la conciliation, les créanciers titulaires de sûretés immobilières et ceux titulaires de sûretés spéciales mobilières assorties d'un droit de rétention. Puis viennent les créanciers postérieurs méritants.

Mais cette lecture laisse lettre morte l'article L. 3253-16, 2° du Code du travail. Selon ce texte, issu de la loi du 21 janvier 2008, les autres sommes avancées par l'AGS, c'est-à-dire celles pour lesquelles l'AGS n'obtiendra pas le remboursement par le canal de la subrogation légale dans les droits des salariés, sont remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, et cela avec les privilèges attachées à celles-ci.

Le législateur traite donc ces variétés de créances postérieures comme des créances antérieures. Il procède ici par fiction légale. Il faut donc, pour opérer le classement, tenir pour antérieures ces créances assorties, le cas échéant, du privilège des salaires.

Une fois opérée par l'effet de la fiction légale la conversion de ces créances postérieures en des créances antérieures, et faute de disposition contraire, le régime applicable aux créances antérieures tel qu'il est posé par le livre VI du Code de commerce doit trouver pleine application. Il convient dès lors d'admettre que le créancier qui en bénéficie est, dans le classement de l'article L. 641-13, classé avant le créancier postérieur méritant en tant que créancier titulaire d'une sûreté immobilière, le texte ne distinguant pas selon qu'il s'agit d'une sûreté spéciale ou d'un privilège général. Les sûretés immobilières visées dans l'article L. 641-13-II du Code de commerce peuvent être aussi bien des sûretés spéciales que des privilèges généraux (6).

L'obligation de respecter la fiction légale conduit à cette interprétation qui ne méconnaît pas la lettre de l'article L. 641-13, dès lors que cette dernière n'est tenue en échec que du fait de la fiction légale que l'on doit respecter.

Dès lors, si les créances bénéficient du privilège des salariés, lequel prime les créances hypothécaires, il faut considérer, compte tenu de la fiction légale, que l'AGS prime, en liquidation judiciaire, le créancier hypothécaire, puisqu'elle prime aussi le créancier postérieur méritant.

Telle est la solution justement retenue par la Cour de cassation, qui donne plein effet, comme elle en a à notre sens l'obligation, à la fiction légale introduite par le législateur.

L'arrêt apporte une réponse à une autre question : le liquidateur peut-il utiliser la disposition de l'article L. 643-8, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3373ICW) pour échapper, pour le paiement de ses honoraires, au classement qui est le sien avant l'ordonnance du 18 décembre 2008 (7), c'est-à-dire le rang deux des créanciers postérieurs éligibles au traitement préférentiel, donc après le créancier hypothécaire ? Selon cette disposition, "le montant de l'actif, distraction faite des frais et dépens de la liquidation judiciaire, des subsides accordés au chef d'entreprise ou aux dirigeants ou à leur famille et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises". Ainsi, il semblait pouvoir être soutenu que les répartitions au profit des créanciers n'auraient à intervenir qu'après paiement des "frais et dépens de la liquidation judiciaire", ce qui aurait autorisé le paiement par distraction des honoraires des mandataires de justice et des frais de greffe (8). La Cour de cassation n'a pas admis cette interprétation et pose en règle, dans l'arrêt du 11 juin 2014, que les dispositions de l'article L. 643-8, alinéa 1er, du Code de commerce, prévoyant la distraction des frais et dépens de la liquidation judiciaire avant distribution du montant de l'actif, n'autorisent pas le prélèvement prioritaire de l'ensemble des frais de justice sur le prix de vente d'un immeuble hypothéqué en méconnaissance du classement des créances organisé, en cas de liquidation judiciaire, par l'article L. 641-13, I et III, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Le problème ne se pose plus depuis que l'ordonnance du 18 décembre 2008 a surclassé les frais de justice nés pour les besoins du déroulement de la procédure collective, qui prennent désormais place juste après le super privilège des salaires.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Répartition du produit de l'action engagée dans l'intérêt collectif des créanciers : prise en compte du rang des créanciers (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-12.658, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3106MQ4)

Par arrêt rendu le 11 juin 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un important revirement sur la question de la répartition du produit des actions engagées par le mandataire de justice dans l'intérêt collectif des créanciers.

Depuis longtemps, la jurisprudence considérait que le produit de ces actions devait être réparti entre tous les créanciers au marc le franc, sans prendre en considération les privilèges dont seraient titulaires certains d'entre eux. Cette règle ancienne avait initialement été posée par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 octobre 1964 (9). Elle était alors parfaitement justifiée. En effet, à cette époque, et jusqu'à l'avènement de la législation du 25 janvier 1985, les créanciers étaient regroupés en une masse dotée de la personnalité morale et donc d'un patrimoine propre. La solution selon laquelle le produit des actions se répartissait entre les créanciers au marc le franc se justifiait alors par la considération selon laquelle le produit des actions tombait dans le patrimoine de la masse et non dans celui du débiteur sous procédure collective. En conséquence, les créanciers titulaires d'un privilège sur le patrimoine du "failli" ne pouvaient pas faire valoir leurs privilèges sur des sommes rattachées à un autre patrimoine, celui de la masse des créanciers. Cette solution, un temps abandonnée par la Chambre commerciale (10), a cependant été ultérieurement maintenue par la jurisprudence sous empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW).

En matière de produits des actions en responsabilité pour insuffisance d'actif exercées contre les dirigeants fautifs, la dérogation à la hiérarchie des privilèges au profit d'une répartition au marc le franc est, depuis la loi du 25 janvier 1985, imposée par le législateur. En effet, les dispositions de l'article 180 de la loi de 1985, reprises aujourd'hui à l'article L. 651-2, alinéa 3 (N° Lexbase : L8961IN9), issu de la loi de sauvegarde, prévoient que le produit des actions en responsabilité pour insuffisance d'actif exercées contre les dirigeants fautifs est réparti "entre tous les créanciers au marc le franc". Jusqu'à l'arrêt rapporté du 11 juin 2014, la jurisprudence (11) avait, de façon contestée, étendu cette solution aux produits d'autres actions, certes engagées dans l'intérêt collectif des créanciers, mais non visées par ce texte. Dans la droite ligne de cette jurisprudence extensive, une cour d'appel (CA Montpellier, 18 décembre 2012) avait considéré que la répartition des dommages et intérêts auxquels avait été condamnée une banque, pénalement responsable de complicité de banqueroute, envers le liquidateur es qualité devait s'effectuer entre tous les créanciers au marc le franc. Dans son arrêt du 11 juin 2014, la Chambre commerciale casse cet arrêt d'appel au visa de l'article L. 622-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L7024AIY), dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 applicable à la cause. Au terme de cette disposition, devenue, depuis la loi de sauvegarde, l'article L. 643-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L3373ICW), "le montant de l'actif, distraction faite [...] des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises". Le syllogisme est imparable : par principe, il doit être tenu compte du privilège des créanciers pour répartir l'actif du débiteur. Les sommes recouvrées à la suite des actions engagées par le mandataire de justice dans l'intérêt collectif des créanciers sont recueillies dans le patrimoine du débiteur. En conséquence ces sommes doivent être réparties entre les créanciers en tenant compte de leur rang.

Cette nouvelle solution, qui marque un revirement jurisprudentiel, était appelée de ses voeux par la doctrine unanime (12). Elle doit être approuvée sans réserve car elle aurait dû s'imposer dès le lendemain de la loi du 25 janvier 1985 dès lors que cette dernière a mis à mort la masse des créanciers. En effet, tant qu'existait la masse des créanciers, le produit des actions contre les tiers engagées dans l'intérêt collectif des créanciers était recueilli dans le patrimoine de la masse et non dans celui du débiteur, de sorte que les sommes ne pouvaient être répartie qu'au marc le franc puisque les privilèges des créanciers ne pouvaient s'exercer que sur le patrimoine propre du débiteur. Depuis la loi du 25 janvier 1985, marquant la disparition de la masse des créanciers, le produit de ces actions est recueilli par le patrimoine du débiteur. En conséquence, la répartition des sommes recouvrées à la suite des actions engagées par les mandataires de justice dans l'intérêt collectif des créanciers doit nécessairement tenir compte des privilèges dont peuvent se prévaloir les créanciers à l'égard du débiteur sous procédure collective. Il n'y a qu'en matière d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercée contre les dirigeants fautifs qu'il doit en être autrement parce qu'un texte spécial prévoit, de façon dérogatoire, que le produit de ces actions est réparti entre tous les créanciers au marc le franc (C. com., art. L. 651-2, al. 3).

La jurisprudence a enfin tiré les conséquences de la disparition de la masse des créanciers alors que jusqu'à présent, pour reprendre les propos du Professeur Michel Cabrillac (13), ce condamné à mort réapparaissait impertinemment !

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Membre du CERDP (EA 1201)


(1) Ph. Pétel, L'AGS et la réforme des procédures collectives, RJ com., 2006/3, p. 174 et s., sp. p. 183, n° 23.
(2) T. Météyé, L'AGS au secours des entreprises en difficulté, Cah. dr. entr., mars-avril 2007 n° 2, p. 24 et s., sp. p. 27 ; adde Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté - De la théorie à la pratique, 2ème éd., Litec, 2007, n° 556.
(3) Cass. com., 6 juillet 1993, n° 91-14.269, publié (N° Lexbase : A5665ABG), Bull. civ. IV, n° 285 ; D., 1993, jur. 530, note Ramackers ; JCP éd. E, 1993, I, 298, n° 16, obs. M. Cabrillac.
(4) Cass. com., 3 février 2009, n° 07-19.631, FS-P+B, Bull. civ. IV, n° 109 ; Gaz. proc. coll., 2009/2, p. 39, n° 4, note Ph. Duprat ; JCP éd. E, 2009, 1347, n° 3, obs. Ph. Pétel ; RTDCom., 2010, 189, n° 5, obs. C. Saint-Alary-Houin.
(5) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 9ème éd., LGDJ, 2012, n° 1237.
(6) Ainsi, CA Toulouse, 1ère ch. 1ère sect., 17 avril 2007, n° 06/04423 (N° Lexbase : A2136GZ7).
(7) Sur le détail de la question, nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 8ème éd., 2014/2015, n° 456.58, à paraître en octobre 2014.
(8) M. Sénéchal, Journal sociétés, janvier 2007, n° 9, fiches pratiques n° 66 ; Travaux de la première compagnie régionale IFPPC, Les répartitions en matière de procédures collectives, Gaz. proc. coll. 2008/3, p. 3 et s., spéc. p. 10.
(9) Cass. com., 27 octobre 1964, JCP éd. G, 1964, II, 13968, note J.-A. ; D., 1965, 129, note M. Cabrillac ; RTDCom., 1965, 183, obs. Houin.
(10) Cass. com., 7 mai 1979, D., 1979.431, note F. Derrida et J.-P. Sortais ; JCP éd. CI, I, 8160, n° 18, obs. M. Cabrillac et J. Argenson.
(11) Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-10.427, F-D (N° Lexbase : A1073EGT), Gaz. proc. coll., 28 juillet 2009, p. 26, obs. I. Rohart-Messager ; Cass. com., 6 mai 1997, n° 94-20.855, publié (N° Lexbase : A1564ACW), Bull. civ. IV n° 119 (en matière de responsabilité pour soutien abusif) ; Cass. com., 28 mars 1995, n° 93-13.937, publié (N° Lexbase : A8263ABN), Bull. civ. IV, n° 105, RTDCom., 1996, 127, obs. A. Martin-Serf, RTDCiv., 1996, 165, obs. J. Mestre.
(12) V. not. F. Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 9ème éd., n° 1225 ; M. Cabrillac, L'impertinente réapparition d'un condamné à mort ou la métempsychose de la masse des créanciers, in Propos impertinents de droit des affaires, Mélanges Ch. Gavalda, Dalloz, 2001, p. 69, spéc. n° 14, p. 76 ; A. Martin-Serf, L'intérêt collectif des créanciers ou l'impossible adieu à la masse, in Mélanges Adrienne Honorat, éd. Frison-Roche, 2000, p. 143, spéc. p. 155.
(13) M. Cabrillac, L'impertinente réapparition d'un condamné à mort ou la métempsychose de la masse des créanciers, préc..

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