La violation de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ) est effective dès lors qu'un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, à savoir la protection du parlementaire contre des remarques diffamatoires et le droit de la société d'édition à la liberté d'expression, n'a pas été recherché. C'est la substance de la décision rendue par la CEDH, le 17 avril 2014 (CEDH, 17 avril 2014, Req. 20981/10
décision en anglais). Selon les faits de l'espèce, la société requérante publia un article qui critiquait vivement un parlementaire pour ses remarques et, surtout, son comportement au cours d'un débat parlementaire concernant la reconnaissance légale des relations homosexuelles. Pendant le débat, le parlementaire avait exprimé l'opinion selon laquelle les homosexuels étaient indésirables de manière générale, que ce soit en tant qu'enfants, partenaires d'un couple ou parents. A l'appui de ces paroles, il avait mimé avec un discours et des gestes efféminés un homme homosexuel allant chercher ses enfants à l'école. Relatant ce comportement, l'article qualifiait le parlementaire de "décérébré" qui, dans un pays où le manque de main-d'oeuvre aurait été moins criant, n'aurait même pas pu obtenir un emploi d'homme d'entretien dans une école. Le parlementaire engagea une action contre la société requérante, soutenant que l'article était offensant et avait été source pour lui d'une grave détresse. Statuant sur cette action, les juges slovènes reconnurent l'importance de la liberté d'expression de la société requérante et son droit de critiquer le parlementaire mais estimèrent que l'expression "décérébré" était offensante et constitutive d'une attaque personnelle. La société d'édition fut condamnée à verser au parlementaire des dommages-intérêts. Invoquant l'article 10 de la CESDH, la société d'édition requérante contestait les décisions rendues par les juridictions nationales lui ordonnant de verser des dommages-intérêts à un parlementaire pour des remarques publiées dans son magazine concernant le comportement controversé et homophobe de l'intéressé durant un débat parlementaire. Elle y voyait une violation de son droit à la liberté. La CEDH lui donne raison en relavant que les juridictions nationales n'avaient pas la volonté de dénoncer des stéréotypes homophobes nuisibles, et n'avaient pas tenu compte du fait que le ton exagéré et satirique de l'article répondait au comportement très contestable du parlementaire.
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