La Cour européenne des droits de l'Homme condamne la Russie pour avoir refusé d'abandonner la procédure d'extradition d'un ressortissant kirghiz d'ethnie ouzbèke, alors que ce dernier risque de subir la torture dans son pays d'origine (CEDH, 17 avril 2014, Req.
39093/13). Le requérant est un ressortissant kirghiz d'ethnie ouzbèke, qui se trouve en Russie et fait l'objet d'une procédure d'extradition vers le Kirghizistan. Il a été arrêté par la police russe qui le soupçonne d'avoir commis plusieurs infractions violentes pendant les émeutes interethniques qui avaient eu lieu dans le sud du Kirghizistan. Il a été placé en détention extraditionnelle, mesure qui fut prolongée à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il soit remis en liberté. Les autorités rejetèrent sa demande d'obtention du statut de réfugié en Russie, ainsi que son recours contre l'ordonnance d'extradition. Toutefois, la CEDH ayant indiqué au Gouvernement russe une mesure provisoire en vertu de laquelle le requérant ne devait pas être extradé jusqu'à nouvel ordre, l'exécution de l'extradition fut suspendue. Le requérant soutient, en particulier, que s'il est extradé au Kirghizistan, il y sera exposé à un risque réel de traitements contraires à l'article 3 de la Convention (
N° Lexbase : L4764AQI) (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), notamment parce qu'il appartient à un groupe de personnes d'ethnie ouzbèke soupçonnées d'avoir participé à des actes de violence dont les membres seraient systématiquement torturés par les autorités kirghizes. Après avoir constaté que ces violences existent bien dans cet Etat, la Cour recherche si les données individuelles concernant le requérant peuvent justifier une extradition. Selon les autorités russes, le requérant n'aurait pas apporté de preuve suffisante tendant à démontrer qu'il était menacé dans son pays d'origine. Notamment, le service diplomatique russe au Kirghizistan aurait assuré le juge national de l'absence de menace pesant sur le requérant, et aurait proposé de le visiter dans sa prison kirghize. Insuffisant pour la Cour, qui constate que le Kirghizistan n'est pas signataire de la CESDH et ne prévoit pas de système de protection contre la torture efficace, et surtout pas équivalent à ce qui existe dans les Etats signataires. Le refus d'abandonner l'extradition par la Russie est donc contraire à la Convention (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E6034EY7).
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