Lexbase Fiscal n°554 du 16 janvier 2014 : Fiscalité des particuliers

[Le point sur...] La contribution de 7 et 14 % sur les retraites à prestations définies est-elle applicable aux assurés retraités à l'étranger ?

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par Guillaume Massé, Avocat à la Cour, Marvell & Avocats

le 16 Janvier 2014

L'article 10 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 N° Lexbase : L9761INT) a inséré dans le Code de la Sécurité sociale un Titre V intitulé "Contributions sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise", qui crée des contributions à la charge des assureurs et des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaires à prestations définies (1).

En particulier, est créée une contribution, à la charge du bénéficiaire de la pension, aux taux de 7 et 14 %, puis majorée ensuite avec un taux marginal à 21 %. Cette contribution est codifiée à l'article L. 137-11-1 du CSS (N° Lexbase : L9824IWR). Cette contribution avait initialement fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionalité, qui a donné lieu à la décision de rejet du Conseil Constitutionnel du 13 octobre 2011 (2). En effet, le Conseil Constitutionnel relevant que le législateur, pour tenir compte des facultés contributives du bénéficiaire, a prévu un mécanisme d'exonération et d'abattement, a institué plusieurs tranches et a fixé un taux maximal de 14 %, a considéré, par suite, que les dispositions contestées, dont les effets de seuil n'étaient pas excessifs, ne créaient donc pas de rupture du principe d'égalité devant les charges publiques.

Une question se pose désormais s'agissant de la territorialité de cette contribution, dont le contour n'a, à l'époque, pas été expressément prévu par le législateur.

Sur cette question, les consultations de place initiées auprès de la Sécurité sociale par les organismes professionnels compétents sur ces dossiers sont malheureusement restées vaines, tout au plus une position de l'Urssaf peu motivée se contentant de considérer que la contribution était due, y compris par les assurés non-résidents, mais sans convaincre.

Cette absence de réponse aux questions écrites soulevées par la Place oblige à analyser les (courtes) dispositions légales codifiées dans le Code de la Sécurité sociale pour définir son champ d'application territorial.

La loi (3) indique que la contribution est précomptée et versée par les organismes débiteurs des rentes et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4609AD3) due sur ces rentes.

Or, de son côté, cet article L. 136-1 dispose que la contribution sociale (additionnelle à la CSG) due sur les revenus d'activité et de remplacement concerne les personnes physiques domiciliées en France pour l'impôt sur le revenu et à la charge d'un régime obligatoire français d'assurance maladie.

Cette question quant à la territorialité de la contribution soulève la question de sa nature.

I - Une contribution ayant la nature d'une cotisation sociale

On relèvera d'abord que la contribution est codifiée à l'article L. 137-11-1 du Code de la Sécurité sociale, lequel article est inséré au sein de la Section 5 du Chapitre 7 du Code, intitulé "Recettes diverses". Ce Chapitre 7 est lui-même inséré dans le Titre 3 intitulé "Dispositions communes relatives au financement" des régimes de base de la Sécurité sociale. L'article L. 137-11-1, alinéa 1er, indique que la contribution s'applique aux rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés à l'article L. 137-11 (N° Lexbase : L9531IT8).

Outre cet argument de codification, cette contribution peut également s'analyser comme une cotisation au regard de son affectation.

En effet, il résulte de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation (4) que l'affectation sociale de la "contribution sociale" lui confère la nature d'une cotisation sociale et donc, par suite, qu'un assuré affilié à un régime de Sécurité sociale étranger n'en est donc pas redevable, en vertu du principe selon lequel une personne relevant d'un régime de Sécurité sociale étrangère n'a pas à verser une cotisation sociale affectée au budget d'un système de Sécurité sociale (ici le système de Sécurité sociale français) dont il ne relève pas (ou plus).

Or, la contribution de 7 et 14 % fait, elle aussi, l'objet d'une affectation spécifique, au cas particulier au financement du Fonds de solidarité vieillesse. En effet, le 10° de l'article L. 135-3 du Code de la Sécurité sociale -qui est inséré dans le Chapitre 5 du Code intitulé "Fonds de solidarité vieillesses" du Titre 3 intitulé "Dispositions communes relatives au financement" (du Livre 1 de la partie législative du CSS)- indique inclure "le produit des contributions mentionnées aux articles L. 137-11 et L. 137-11-1".

La contribution apparaît donc, au vu du Code de la Sécurité sociale, comme faisant l'objet d'une affectation spécifique au financement de la Sécurité sociale française (dont le Fonds de solidarité vieillesse est partie intégrante). Elle peut être considérée comme ayant bien un lien direct et suffisamment pertinent (5) avec la Sécurité sociale française au sens de la jurisprudence communautaire. Pour cette raison, elle peut bien être donc considérée comme une cotisation sociale.

En conséquence, eu égard au renvoi précité de l'article L. 137-11-1 du Code de la Sécurité sociale (relatif à la contribution de 7 et 14 %) à l'article L. 136-1 du même code (relatif à la contribution sociale), l'application du raisonnement suivi dans l'arrêt "André" du 18 octobre 2001, précité (à propos de la contribution sociale) -dans un cadre franco-suisse avec un assuré relevant de la Sécurité sociale suisse- conduit à considérer, en raisonnant par analogie, que la contribution de 7 et 14 % a, elle aussi, la nature d'une cotisation sociale.

Or, l'article L. 136-1 du CSS susmentionné -conforme à l'ordonnance n° 2001-377 du 2 mai 2001 (N° Lexbase : L5408AS4)- prévoit que l'assujettissement des revenus de remplacement à la contribution sociale est subordonné, eu égard à la nature de cotisation sociale que revêt la contribution sociale, à la réunion de deux conditions cumulatives au niveau de l'assuré. Il doit être (i) fiscalement domicilié en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (ce qui n'est pas le cas des assurés résidents fiscaux étrangers) et (ii) à la charge d'un régime obligatoire français d'assurance maladie, ce qui n'est normalement plus le cas des assurés résidents étrangers lorsqu'ils bénéficient du régime de Sécurité sociale de leur nouveau pays de résidence.

Par suite, si les conditions cumulatives de l'article L. 136-1 du CSS ne sont pas ou plus remplies par l'assuré, celui-ci situé à l'étranger ne devrait donc pas être assujetti à la contribution.

Au surplus, cette solution est conforme aux principes d'unicité de la législation sociale et d'interdiction de double cotisation, issus (notamment) du Règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 (N° Lexbase : L4570DLT), en vertu desquels un assuré ne peut être affilié qu'à un seul régime de Sécurité sociale et ne doit cotiser qu'une fois. Ces principes ont d'ailleurs reçu une confirmation avec les arrêts rendus par la CJCE le 15 février 2000 (6), dans des espèces relatives aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement social), et selon lesquels une personne n'est pas soumise aux prélèvements sociaux lorsqu'elle relève d'une Sécurité sociale étrangère.

II - Contribution ayant la nature d'un impôt

A titre subsidiaire, nonobstant l'insertion de l'article L. 137-11-1 dans la partie du Code de la Sécurité sociale relative au financement de ses régimes de base, et nonobstant l'affectation au Fonds de solidarité vieillesse, on pourrait alternativement soutenir que cette contribution a une nature fiscale, et qu'elle relève plus particulièrement de la catégorie des "impositions de toute nature".

La notion d'imposition de toute nature a été définie (notamment) par les jurisprudences "Martin" (7) et "Greard" (8) du Conseil d'Etat, qui qualifient comme "impositions de toute nature et non de cotisations de Sécurité sociale" les prélèvements pour lesquels "l'obligation faite par la loi d'acquitter les [...] contributions [...] est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servis par un régime de Sécurité sociale".

Selon ces jurisprudences, ce n'est ni l'objet du prélèvement, ni son affectation à un organisme social qui détermine sa nature de cotisation sociale, mais le lien étroit existant entre l'obligation de cotiser et le droit aux prestations.

Par analogie, avec les solutions dégagées par la réponse ministérielle "Cerisier Ben Guiga" (9) en matière de CSG et de CRDS, ensuite confirmées par le § 22 du BOI 14 B-3-03 du 22 mai 2003, relatif à la Convention fiscale France-Algérie (N° Lexbase : X4908ABE, reprises dans le BoFip - Impôts, BOI-INT-CVB-DZA-10-20120912 N° Lexbase : X3970ALM), la contribution de 7 et 14 % peut, par analogie, être considérée comme un impôt sur le revenu.

Par suite, si la contribution de 7 et 14 % ne pouvait pas, en définitive, être considérée comme une cotisation de Sécurité sociale, elle recevrait alors nécessairement, au contraire, la qualification d'une imposition de toute nature.

Dans ce cas, cette contribution ne sera due que si le droit d'imposer ce revenu est conféré à la France, ce qui n'est pas le cas pour un certain nombre de pays, parmi lesquels on peut citer par exemple la Suisse ou Israël, qui ont un droit d'imposition exclusive sur les pensions de retraite de source française (c'est-à-dire versées par un assureur français).

En conclusion, au vu de ces arguments juridiques, de nombreux éléments plaident en faveur d'un non-assujettissement des assurés non-résidents.

L'absence de qualité à agir des assurés eux-mêmes pour intenter une action contre les Urssaf, qui a pu être soutenue par l'Urssaf dans des contentieux en cours, devrait, selon nous, inciter les agents payeurs de ladite contribution, au vu de l'obligation de conseil qui leur incombe -eu égard à leur statut d'établissement financier (compagnies d'assurance et établissements de crédits) face à des retraités assurés nécessairement profanes- à initier ces contentieux, en qualité de promoteurs de ces produits de retraite supplémentaire.

La (très) prochaine survenance des premières prescriptions par rapport aux premiers prélèvements effectués à la suite de l'entrée en vigueur de cette contribution devrait même les encourager à déposer rapidement des réclamations (conservatoires) pour le compte de leurs clients assurés, à tout le moins pour prendre date, pour préserver leurs droits en vue du moment où les contentieux en cours déboucheront sur des décisions favorables.

Guillaume Massé, Avocat à la Cour, Marvell & Avocats


(1) CGI, art. 39 (N° Lexbase : L3894IAH).
(2) Cons. const., décision n° 2011-180 QPC du 13 octobre 2011 (N° Lexbase : A7384HY7).
(3) CSS, art. L. 137-11-1.
(4) Cass. soc., 18 octobre 2001, n° 00-12.463, FS-P-B (N° Lexbase : A4666AWQ).
(5) CJCE, 15 février 2000, aff. C-169/98 (N° Lexbase : A2801ATW) et aff. C-34/98 (N° Lexbase : A2802ATX).
(6) CJCE, 15 février 2000, aff. C-169/98 et C-34/98, précités.
(7) CE 3° et 8° s-s-r., 7 janvier 2004, n° 237395, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6765DAS).
(8) CE 9° s-s., 15 juin 2005, n° 258039, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7306DIG).
(9) QE n° 7056 de Mme Cerisier Ben Guiga Monique, JO Sénat 19 mars 1998, p. 872, rép. pub. du 22 juillet 1999, p. 2494, 11ème législature (N° Lexbase : L2086IZB).

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