Le Quotidien du 12 septembre 2025 : Douanes

[Observations] Droits de douane entre les États-Unis et l’Union européenne : les sociétés françaises et européennes confrontées à un contexte économique instable et étouffant

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[Observations] Droits de douane entre les États-Unis et l’Union européenne : les sociétés françaises et européennes confrontées à un contexte économique instable et étouffant. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/124183924-observations-droits-de-douane-entre-les-etatsunis-et-lunion-europeenne-les-societes-francaises-et-eu
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par Amynthe Levasseur, Avocate exerçant en droit douanier, Membre du réseau d’avocat LML

le 11 Septembre 2025

Mots-clés : douanes • droits de douane • Union européenne • États-Unis • importations

Le Président américain Donald Trump ne s’en est jamais caché : il considère que des droits de douane supplémentaires doivent être imposés à l’Union européenne en raison du déficit commercial de biens subi par son pays et des mesures prises par l’Union européenne à l’encontre des entreprises technologiques américaines.


 

Chronologie d’un contexte économique très instable depuis 2018

C’est en mars 2018 que l’administration Trump a joint le geste à la parole en imposant des droits de douane supplémentaires, respectivement de 25 % et 10 % sur les importations aux États-Unis d’acier et d’aluminium européens. Après deux reports de la date d'application effective, la hausse des droits de douane est entrée en vigueur le 1er juin 2018, pour une durée illimitée.

À l’époque, l’Union européenne avait répliqué en imposant à son tour des droits additionnels à l’importation, au sein de l’Union européenne, de certains produits phares originaires des États-Unis. Ces mesures devaient s’appliquer jusqu’à ce que les États-Unis lèvent leurs mesures de sauvegarde.

Mais en janvier 2020, plutôt que l’apaisement, c’est l’escalade des tensions avec l’adoption, par les États-Unis, de droits de douane supplémentaires sur certains produits dérivés européens en acier et en aluminium, affectant notamment le secteur automobile.

Là encore, l’Union européenne réplique avec l’instauration de nouveaux droits de douane additionnels visant les produits américains.

La situation semblait stabilisée au printemps 2021 lorsque l’Union européenne et les États-Unis, alors sous la présidence de Joe Biden, publiaient une déclaration conjointe dans laquelle il était convenu de tracer la voie vers la fin des différends soulevés au sein de l’OMC après l’application par les États-Unis de droits de douane sur les importations originaires de l’Union européenne.

C’était sans compter sur le retour au pouvoir, pour un second mandat, du président Donald Trump.

Le 10 février 2025, les États-Unis ont décidé de réintroduire des mesures de sauvegarde sous la forme de droits de douane supplémentaires sur les importations d’acier et d’aluminium et de produits dérivés en acier et en aluminium originaires, entre autres, de l’UE. 

Ces droits de douane supplémentaires ont été fixés à 25 % et sont entrés en vigueur le 12 mars 2025.

En parallèle, les États-Unis ont également décidé de soumettre à un droit de douane additionnel de 25 % les importations d’automobiles et de certaines pièces détachées d’automobiles, y compris en provenance de l’UE.

Ces droits de douane additionnels sont entrés en vigueur le 3 avril 2025 en ce qui concerne les automobiles importées.

Finalement, le 2 avril 2025, les États-Unis ont décidé de soumettre l’ensemble des importations en provenance de l’UE à un droit additionnel dit « réciproque » de 20 %. Ces droits ont été finalement suspendus jusqu’au 1er août 2025. Un droit additionnel de 10 % a cependant été appliqué pendant cette période « transitoire », depuis le 5 avril 2025.

Afin de répondre à ces mesures, l’Union européenne avait de nouveau prévu l’application de contre-mesures mais a finalement opté pour leur suspension afin de, nous citons Madame la Présidente de la Commission européenne, « donner une chance aux négociations » avec les États-Unis.

L’administration Trump a cependant poursuivi son escalade en rehaussant de 25 % à 50 % les droits de douane supplémentaires sur les produits en acier et en aluminium et en ajoutant de nouveaux produits à la liste des produits soumis à ce droit additionnel.

Dernière menace en date de l’administration Trump, soumettre l’ensemble des importations de produits européens à un droit supplémentaire de 30 % à l’arrivée aux États-Unis.

C’est dans ce contexte économique extrêmement tendu que les États-Unis et l’Union européenne se sont de nouveau assis à la table des négociations commerciales.

À l’heure où nous bouclions cet article, un accord-cadre venait d’être trouvé.

Celui-ci prévoirait un droit de douane « global » de 15 % sur l’ensemble des produits originaires de l’Union européenne.

Une absence de lisibilité pour les entreprises françaises et européennes que l’accord-cadre ne semble pas résoudre 

Entre apaisement et escalade, les entreprises françaises et européennes sont contraintes à subir les conséquences de cette guerre commerciale qui dure depuis 2018.

Le commerce avec les États-Unis est devenu imprévisible et il est très difficile pour les entreprises françaises et européennes d’identifier et de comprendre les taxations additionnelles applicables, tant elles sont fluctuantes et complexes.

Entre droits dits « sectoriels », droits dits « réciproques », seuil de minimis, taxation sur la part non-US des produits ou encore secteurs exemptés, il est très difficile pour les entreprises de déterminer clairement l’impact de ces mesures sur leurs opérations commerciales.

Pire, les mesures prises par les États-Unis évoluent si rapidement qu’il devient impossible de prédire selon quel taux de droits de douane une marchandise chargée sur un cargo à l’instant T sera finalement dédouanée.

Si l’accord-cadre du 27 juillet 2025 est perçu pour certains comme un gage de stabilité, au lendemain de cette annonce, de nombreuses questions demeurent en suspens ou mériteront tout au moins une confirmation officielle.

Quelle est la nature précise de ce droit de douane de 15 % : s’appliquera-t-il en lieu et place des droits sectoriels (a priori oui, sauf exception), viendra-t-il s’ajouter aux droits de douane conventionnels (a priori non), est-ce que certains secteurs pourront être plus fortement taxés avec le jeu des cumuls avec les droits additionnels actuels (a priori oui) ?

Il est également prévu que certains secteurs soient exemptés mais sans que le champ d’application de ces exemptions, ni leurs contours, ne soient à ce jour bien définis. L’aéronautique, certains produits chimiques, certains équipements pour semi-conducteurs, certains produits agricoles ou encore certaines matières premières jugées critiques pourraient être concernés.

Si certains secteurs, comme l’automobile par exemple, pourraient ainsi voir leur situation s’améliorer avec l’entrée en application du taux de 15 %, il ne faut cependant pas oublier de faire l’exercice de comparaison avec la situation d’avant 2018…

Les professionnels du secteur des alcools et des vins se montrent en revanche particulièrement inquiets car aucune annonce officielle ne semble avoir été prise pour leur secteur.

De nombreuses voix se sont alors élevées contre cet accord qui semble avoir été négocié en faveur des États-Unis.

Au lendemain de la déclaration d’accord, entre incertitudes et négociations à venir, il est difficile de déterminer avec précision le contenu de l’accord définitif qui sera officiellement signé.

De son côté, l’Union européenne est restée évasive sur le sort des contre-mesures visant les produits originaires des États-Unis.
En tout état de cause, même avec un droit de douane réduit de 30 à 15 %, une grande partie des entreprises françaises et européennes continueront de connaître des difficultés importantes sur le marché export des États-Unis.

Encore faut-il que cet accord ne soit pas de nouveau remis en cause par l’administration Trump qui semble s’affranchir très largement des règles de l’OMC sur le sujet…

Articlé rédigé le 28 juillet 2025

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