Le Quotidien du 11 juillet 2025 : Actualité judiciaire

[A la une] Une juge d’application des peines estime que les conditions de détention de Redoine Faïd sont « contraires à la dignité humaine »

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par Axel Valard

le 10 Juillet 2025

La question est presque philosophique : comment surveiller un prisonnier qui s’est déjà évadé à deux reprises en utilisant notamment des explosifs tout en lui offrant des conditions de détention dignes ? Enfermé à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), l’ancien braqueur Redoine Faïd pose ce casse-tête depuis des années à l’administration pénitentiaire. Lundi 7 juillet, il a contraint une juge d’application des peines à répondre à la question. Travaillant au tribunal de Béthune, celle-ci a rendu une ordonnance estimant que les conditions de détention étaient « contraires à la dignité humaine de par leur combinaison, leur durée et l’absence de perspectives données au détenu ». Ce faisant, la magistrate a ordonné à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures pour mettre fin à cette situation. Mais le parquet de Béthune a fait appel de cette ordonnance. C’est donc désormais la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Douai (Nord) qui va devoir répondre à cette question.

Ce dossier n’est pas nouveau. Redoine Faïd dénonce depuis des années ses conditions de détention. Condamné dans l’attaque avortée d’un fourgon bancaire ayant conduit à la mort de la policière municipale Aurélie Fouquet, il avait écopé d’une peine de 28 ans de réclusion criminelle. À cette sanction se sont depuis ajoutés dix ans de prison dus à son évasion à l’arme de guerre de la prison de Sequedin en avril 2013 et une autre peine de quatorze ans, consécutive à son évasion, en hélicoptère cette fois, du centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne) en 2018. « La date de sa fin de peine est actuellement fixée au 17 août 2057 », rappelle la juge d’application des peines dans son ordonnance.

Le souci, c’est que sa santé se dégrade de plus en plus d’après des médecins-experts qui l’ont examiné ces dernières années. Les praticiens ont jugé que ses conditions de détention entraînaient des complications « réelles » et qui peuvent devenir « irrémédiables ». « L’isolement prolongé est susceptible de lui provoquer de graves troubles de la santé somatique et psychique, expliquent-ils. Le patient n’ayant aucun contact physique avec ses proches depuis plusieurs années, ses déplacements étant extrêmement limités, l’accès à l’activité physique étant également limitée…».

Une deuxième grille sur la fenêtre et des rondes nocturnes.

Épaulé par l’avocat Benoît David, spécialisé dans les affaires pénitentiaires notamment, Redoine Faïd a listé tous les problèmes qu’il rencontre derrière les barreaux. Le premier, c’est l’isolement auquel il est astreint depuis « a minima onze ans », rappelle la juge d’application des peines dans son ordonnance. Ainsi, les échanges au parloir qu’il peut avoir avec ses proches se font forcément derrière une vitre en plexiglas, à l’aide d’un hygiaphone, ce qui lui interdit tout contact physique.

Dans sa requête, il explique aussi que le 20 mai dernier, des travaux ont été effectués dans sa cellule afin d’installer sur sa fenêtre une deuxième grille superposée à la première déjà installée et rendant le passage de la lumière naturelle quasi nul. Il ajoute aussi qu’il fait l’objet de passages de surveillants pénitentiaires qui allument les luminaires quatre fois par nuit.

Dernier point, et non des moindres, Redoine Faïd a peu d’activités en prison. Il déplore ainsi le fait que l’administration pénitentiaire ne lui permet pas, à l’heure actuelle, de pouvoir participer à des activités, telles que la danse ou la luminothérapie.

Surveillé car « susceptible d’introduire des explosifs »…

Ces dernières semaines, la juge d’application des peines s’est rendue sur place dans sa cellule pour constater tous ces éléments, comme le prévoit la procédure. Elle a aussi évidemment interrogé l’administration pénitentiaire qui a, logiquement, une vision diamétralement opposée à celle du détenu qu’elle héberge.

L’administration estime ainsi que « les droits fondamentaux de Redoine Faïd sont respectés », arguant notamment qu’il a la possibilité de conserver des liens sociaux par le biais d’activités telles que l’enseignement, les visiteurs du visiteur de prison ou encore le Défenseur des droits et qu’il dispose d’un créneau d’une heure par jour qu’il utilise fréquemment.

Elle ajoute que les rondes nocturnes sont « applicables à tous les détenus » faisant l’objet d’une surveillance renforcée. Et explique aussi, concrètement, que ce prisonnier a fait l’objet de 29 fouilles depuis le 1er janvier « au motif qu’il est susceptible d’introduire des explosifs difficilement détectables », dans la mesure où il y est déjà parvenu par le passé.

Voilà donc les termes du débat qui se pose désormais à la chambre d’application des peines. Surveiller quelqu’un en permanence tout en maintenant des conditions de vie « dignes ». Un équilibre à trouver pour les magistrats qui doivent rendre leur décision dans un délai d’un mois. Soit avant le 7 août.

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