Réf. : Cass. civ. 1, 25 juin 2025, n° 23-16.629, FS-B N° Lexbase : B6288AMT
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N2589B3B
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par Marie Le Guerroué
le 07 Juillet 2025
Tenu d'un devoir de conseil et de prudence, l'avocat a l'obligation d'appeler l'attention de son client sur les incertitudes du droit positif au jour de son intervention et sur les risques pouvant affecter la validité ou l'efficacité de l'opération projetée.
Un client avait réalisé, en 2008, sur les conseils de son avocat, avocat associé au sein d’une société d'exercice, une opération dans un but d'optimisation fiscale. L'avocat avait également apporté son concours pour l'établissement des déclarations de revenus du client et était toujours chargé de cette mission d'assistance en 2010 et 2011. L'administration fiscale avait, par la suite, notifié au client une proposition de rectification de l'impôt sur le revenu pour un montant de 13 915 265 euros, fondée sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscales N° Lexbase : L5565G4U réprimant l'abus de droit. Le comité consultatif pour la répression de l'abus de droit avait estimé que la position de l'administration était fondée. Le client avait reçu notification d'un avis d'imposition de 13 915 265 euros, comprenant une majoration de 80 %. Après l'échec d'un recours gracieux, il avait saisi la juridiction administrative d'un recours en contestation du redressement dont il s'était désisté après avoir conclu un accord avec l'administration réduisant les pénalités et majorations. Le client a assigné en responsabilité et indemnisation l'avocat, la société d'exercice, ainsi que les sociétés Axa France Iard, Allianz Iard et MMA Iard, la société MMA Iard assurances mutuelles intervenant volontairement à l'instance.
Pour la Cour de cassation, tenu d'un devoir de conseil et de prudence, l'avocat a l'obligation d'appeler l'attention de son client sur les incertitudes du droit positif au jour de son intervention et sur les risques pouvant affecter la validité ou l'efficacité de l'opération projetée. Après avoir retenu, d'une part, qu'à la date de l'intervention de l'avocat, le Conseil d'État admettait déjà l'existence d'un abus de droit lorsque le contribuable a pour but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles, d'autre part, que, s'il n'avait pas statué sur le fondement de l'article L. 64 du LPF en cas de sursis d'imposition, dès 2007 et 2008, certaines juridictions administratives avaient admis l'application de ce texte au sursis d'imposition malgré le caractère de plein droit de cette mesure, la cour d'appel a constaté que, dans son avis du 24 septembre 2008, même s'il avait indiqué à son client que l'administration avait tendance à remettre en cause ce type d'opérations sur le fondement de l'abus de droit à défaut d'investissement du prix de cession des titres apportés dans le développement d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale, l'avocat avait conclu de manière péremptoire et peu étayée que l'opération ne présentait aucun risque en se fondant seulement sur les avis du CCRAD de 2005. Elle avait ensuite relevé, d'une part, que, toujours chargé de procéder aux formalités déclaratives en 2011, l'avocat n'avait alors pas appelé l'attention de son client sur la nécessité de procéder, avant la fin de cette année, à des investissements significatifs dans des activités économiques, malgré un arrêt du Conseil d'État du 8 octobre 2010 faisant application de l'article L. 64 du LPF au report d'imposition aux motifs que l'intérêt fiscal de la mesure était de différer l'imposition et que celle-ci entrait dans le champ d'application de cet article dès lors qu'elle avait nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû en raison de la situation et des activités réelles du contribuable et retenu, d'autre part, que cette solution était transposable au sursis d'imposition produisant des effets similaires. De ces seuls motifs et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle avait pu déduire qu'au regard de l'état du droit à l'époque de ses interventions successives, l'avocat avait manqué à ses devoirs de prudence et de conseil. Le moyen n'est donc, pour la Cour de cassation, pas fondé.
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