Réf. : Cass. civ. 3, 26 juin 2025, n° 23-18.306, FS-B N° Lexbase : B6307AMK
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N2604B3T
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 16 Juillet 2025
Le dommage futur est réparable sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs ;
si et seulement si le dommage survient de manière certaine, dans le délai de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.
Le délai décennal est un délai d’épreuve et un délai d’action. En tant que délai d’action, il doit être valablement interrompu, par exemple par une citation en justice, dans le délai de 10 ans suivant la réception de l’ouvrage. En tant que délai d’épreuve, les conditions de l’engagement de la responsabilité civile décennale des constructeurs doivent, également, survenir dans le délai décennal. La condition de gravité n’y fait pas obstacle.
Cette double exigence s’accommode mal avec la garantie des dommages futurs, lesquels, pour reprendre les exigences posées par le droit commun, sont des dommages qui vont survenir de façon certaine, dans leur gravité décennale, dans le futur. Autrement dit, à la date de l’interruption du délai décennal, le critère de gravité n’est pas rempli mais il le sera de façon certaine un jour. Toute la question est donc de savoir si ce « jour » doit survenir dans le délai décennal, ce qui serait alors une limitation par rapport au droit commun.
La réponse est, comme le confirme l’arrêt rapporté, positive.
Le dommage futur est réparable sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs à deux conditions. Il doit, d’une part, être dénoncé dans le délai d’épreuve décennal et, d’autre part, revêtir la gravité décennale dans le délai décennal. La jurisprudence est désormais bien établie (V. pour exemple, Cass. civ. 3, 8 octobre 2003, n° 01-17.868 N° Lexbase : A7162C97 ou, plus récemment, Cass. civ. 3, 4 octobre 2008, n° 17-23.190 N° Lexbase : A5429YES, Cass. civ. 3, 18 mars 2021, n° 19-20.710 N° Lexbase : A88264LH).
La présente espèce est l’occasion de le rappeler.
En l’espèce, une SCI fait construire un local industriel et commercial qu’elle loue après achèvement. Après la réception, le maître d’ouvrage apprend que les locaux risquent d’être inondés et que si les pouvoirs publics l’apprennent, ils risquent de demander la démolition et la remise en conformité. Le maître d’ouvrage initie un référé expertise. Aux termes de son rapport, l’expert judiciaire désigné confirme le risque d’inondation et, s’il se produit, la gravité décennale de ce risque. Le maître d’ouvrage assigne au fond les locateurs d’ouvrage ainsi que leurs assureurs de responsabilité civile décennale aux fins d’obtenir leur condamnation à prendre en charge le coût des travaux réparatoires.
La Cour d’appel de Pau, dans un arrêt rendu le 9 mai 2023, le déboute de sa demande. Pour les conseillers, le dommage n’est pas de nature décennale, faute de s’être réalisé dans le délai décennal. Le maître d’ouvrage forme un pourvoi qui est rejeté sur ce moyen. Le maître d’ouvrage ne démontre pas avoir subi des inondations avant l’expiration du délai décennal. Le simple risque d’inondation, même avéré dans le délai décennal, ne suffit pas.
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