Le Quotidien du 2 juillet 2025 : Avocats/Responsabilité

[Dépêches] Perte de chance : l’indemnisation est possible même si les parties ne l’ont pas demandée

Réf. : Ass. plén., 27 juin 2025, n° 22-21.812 N° Lexbase : B0879ANU

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N2575B3R

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par Marie Le Guerroué

le 02 Juillet 2025

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché. Lorsque le juge constate qu’une faute a privé la victime d’une chance d’empêcher que son dommage se réalise, il doit condamner le responsable à réparer ce préjudice. Il ne peut refuser cette indemnisation au motif que la victime demandait la réparation de son dommage et non de la perte de chance de l’éviter.

 

Une société assistée d'un avocat avait procédé au licenciement d'un salarié, lequel avait saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses indemnités. Un jugement avait condamné la société à payer au salarié une certaine somme au titre de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis. Un arrêt avait fixé cette somme au passif du redressement judiciaire de la société. La société, soutenant que l'avocat avait manqué à ses obligations d'information et de conseil quant aux conséquences de l'absence de libération de cette clause lors du licenciement, l'avait assigné en responsabilité et indemnisation. L'existence d'un manquement de l'avocat à son obligation d'information et de conseil avait été admise. La société faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles de rejeter ses demandes indemnitaires, considérant que le préjudice était une simple une perte de chance dont cette dernière ne demandait pas réparation alors que la société réclamait la réparation intégrale du préjudice subi.
 

La Cour rend sa décision au visa des articles 4 N° Lexbase : L1113H4Y et 1147 N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du Code civil, et les articles 4 et 5 N° Lexbase : L1114H4Z du Code de procédure civile. Aux termes de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé. Il résulte de l'article 1147 du Code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant. Il résulte de l'article 4 du Code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
Pour les juges du droit, il s'en déduit que :

  • le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ; il lui incombe alors d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance ;
  • le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

Or, pour rejeter la demande indemnitaire de la société, l'arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement de l'avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non de la clause de non-concurrence et que la société ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.
Pour l’Assemblée plénière, en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés. La Cour censure par conséquent l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles.

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