Lecture: 5 min
N2476B34
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Axel Valard
le 18 Juin 2025
C’est peut-être le point final de toute l’affaire Fillon que la cour d’appel de Paris a posé mardi 17 juin, sur huit années de procédure. L’ancien locataire de Matignon sous Nicolas Sarkozy a échappé au bracelet électronique en écopant, finalement, d’une peine de quatre ans de prison avec sursis pour « détournement de fonds publics » dû aux emplois fictifs de son épouse, Penelope, qu’il avait embauchée comme assistante parlementaire lorsqu’il était député.
Absent lors de l’annonce du délibéré, François Fillon, 71 ans aujourd’hui, a également écopé d’une peine de 375 000 euros d’amende et de cinq ans d’inéligibilité. Il s’agit d’une peine en deçà de celle annoncée le 9 mai 2022 par la même cour d’appel autrement composée. A l’époque, quatre ans de prison dont un an ferme et dix ans d’inéligibilité avaient été prononcés à son encontre.
Une décision partiellement annulée, en 2024, par la Cour de cassation. À l’époque, la plus haute juridiction française avait définitivement confirmé la culpabilité de l’ancien Premier ministre mais estimé, en parallèle, que la peine de prison ferme qui lui avait été infligée n’était pas suffisamment motivée, sur le fondement d’une lecture stricte de l’article 132-19 du Code pénal N° Lexbase : L7614LPP. D’où une nouvelle audience le 29 avril dernier. Et cette décision plus clémente rendue aujourd’hui.
Non, Penelope Fillon n’a pas vraiment travaillé.
« C’est une décision qui après quelques années vient remettre cette affaire à sa bonne place, a sobrement commenté Antonin Lévy qui défend l’ancien candidat de la droite à l’élection présidentielle depuis le départ. Il n’y a pas de prison ferme, pas de bracelet électronique. François Fillon est un homme libre. Et il y a une forme de soulagement à cela… ».
Il paraît loin, en effet, le temps du procès en première instance consacré à cette affaire au cours duquel le parquet de Paris avait tenu à rappeler que « le détournement de fonds publics était puni de la peine de mort sous l’Ancien régime ». Engoncés par la chaleur de ce mois de juin sous la verrière de la cour d’appel de Paris, les journalistes étaient peu nombreux pour découvrir l’épilogue de cette affaire. « Je crois qu’il y a une forme de lassitude, depuis bien longtemps, avec tous les rebondissements de cette affaire », a encore précisé Antonin Lévy.
Car les choses sont désormais dites et définitives, à moins d’un nouveau pourvoi en cassation du prévenu. « La cour a estimé que n’était pas rapportée dans le dossier la preuve d’un travail salarié », a en effet rapidement évacué le président de la cour d’appel, au moment de rendre sa décision. Autrement dit, Penelope Fillon a bien été rémunérée pendant des années pour un travail, qu’elle n’a pas vraiment effectué. En dépit des dénégations de François Fillon depuis huit ans et qui maintient que son épouse a « réellement » travaillé et que son activité ne se cantonnait pas au « rôle social de l’épouse d’un député ».
Rembourser les sommes indûment perçues à l’Assemblée nationale.
Retiré de la vie politique depuis son échec au scrutin suprême en 2017, l’ancien Premier ministre semble avoir un peu assagi sa position vis-à-vis de toute cette affaire mais continue de croire qu’il a été ciblé alors qu’il était sur la dernière marche lui permettant d’accéder à l’Élysée. « J’ai déjà dit à la Cour que j’avais commis des erreurs dans l’organisation de mon équipe. Organisation due au fait qu’on est dans l’action, avait-il ainsi indiqué lors de l’audience. Après, j’ai été traité d’une manière très particulière. Ce traitement a sans doute un peu quelque chose à voir avec le fait que j’ai été éliminé de l’élection présidentielle ».
Jetant ses dernières forces dans la bataille, son avocat Antonin Lévy avait, lui, rappelé que de très nombreux parlementaires avaient embauché leurs épouses à cette époque-là de la vie politique. Ce à quoi, Yves Claisse, avocat de l’Assemblée nationale, avait rétorqué : « Oui, il y a eu des épouses de députés mais elles ont effectivement travaillé pour leurs époux. Or, dans [le dossier qui nous occupe] ce n’est pas le cas ! ».
Conséquence directe : la cour d’appel a alourdi un peu plus la facture que l’ancien Premier ministre, son épouse, et son ancien suppléant Marc Joulaud doivent acquitter solidairement. Déjà condamnés à verser un peu moins de 700 000 euros de dommages-intérêts au Palais Bourbon, les prévenus devront aussi s’acquitter de 126 700 euros supplémentaires, la cour d’appel n’ayant pas trouvé de « traces » d’un quelconque travail de Penelope Fillon sur les années 2012-2013 qui faisaient encore l’objet de discussions.
Rembourser les sommes et passer à autre chose désormais : voilà sans doute ce qui attend François Fillon qui a conclu un accord avec l’Assemblée nationale permettant d’échelonner sa dette sur dix ans, sans l’application d’un taux d’intérêt. Quant à la question d’un éventuel retour en politique : elle ne se pose pas, si l’on en croit Antonin Lévy : « Je crois qu’il a déjà répondu lui-même par la négative. Et ce n’est pas moi qui vais prendre position sur ce sujet ! ».
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492476