Le Quotidien du 19 juin 2025 : Urbanisme

[Jurisprudence] Les conditions d’application de l’article L. 600-5-1 relatif à la régularisation des autorisations d’urbanisme à nouveau précisées par le Conseil d’État

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 30 avril 2025, n° 493959, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31450QK

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par Claire Douvreleur, Avocate, cabinet Parme Avocats

le 13 Juin 2025

Mots clés : permis de construire, permis de construire modificatif, régularisation, L. 600-5-1, office du juge

Par un arrêt du 30 avril 2025, le Conseil d’État a jugé qu’il appartient au juge, dès lors qu’il prononce un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, d’apprécier, pour statuer sur le litige lorsqu’une mesure de régularisation lui a été notifiée, si cette mesure assure la régularisation du vice relevé, et ce même si les parties n’ont pas présenté d’observations sur ce point.


 

I. Les faits

En l’espèce, un permis de construire avait été accordé le 1er septembre 2021 par le maire d’une commune de Haute-Savoie, portant sur la construction, après démolition de l’existant, de deux immeubles d’habitation collectifs de 25 logements.  

Ce permis a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Grenoble. Ce dernier a sursis à statuer sur la légalité du permis, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L0034LNL, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois pour permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) concernant l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives [1].

En effet, le règlement du PLUi imposait que les constructions nouvelles soient implantées en limite séparative, ou bien en retrait de ces limites, à une distance au moins égale à la moitié de la hauteur de la construction, sans être inférieure à trois mètres.

Or, le projet prévoyait que les deux bâtiments seraient implantés, par rapport à la limite ouest du terrain d’assiette du projet, à une distance insuffisante puisqu’inférieure à la moitié de la hauteur de prise au faîtage de la construction.

Le tribunal administratif ayant jugé ce vice susceptible d’être régularisé, il a laissé à la société pétitionnaire un délai de deux mois à compter de son jugement du 27 février 2023, pour solliciter et obtenir un permis de construire de régularisation, en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

Ce permis de construire modificatif correspondant a été délivré à la société pétitionnaire le 5 octobre 2023, et communiqué par les parties au tribunal.

Puis, par un second jugement du 4 mars 2024 [2], le tribunal administratif a finalement rejeté la requête des requérants, en jugeant que, de nouvelles dispositions du PLUi étant entrées en vigueur entre-temps, le permis modificatif avait pu valablement régulariser le vice constaté sous l’empire des dispositions antérieures. Il retient en outre que la circonstance que le permis modificatif n’ait pas été délivré dans le délai initialement imparti par le tribunal dans son jugement avant-dire droit était sans incidence sur sa régularité dans la mesure où aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait, sous peine d’annulation du permis de construire, le respect du délai de régularisation indiqué par la juridiction.

Les requérants se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État contre ce jugement du 4 mars 2024.

II. Le pouvoir de régularisation des autorisations d’urbanisme tiré de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme

Pour rappel, l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme prévoit dans les termes suivants, une possibilité de régularisation des autorisations d’urbanisme « dans le prétoire » :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Le Conseil d’État a précisé, à travers plusieurs décisions récentes, les conditions d’application de ces dispositions, comme tel est le cas de l’arrêt ici commenté.

Ainsi, dans un précédent arrêt du 11 mars 2024 [3], le Conseil d’État a jugé que les mécanismes de régularisation en cours d’instance tirés des articles L. 600-5 N° Lexbase : L0035LNM et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ne peuvent être utilisés par le juge lorsqu’il est saisi d’un permis entaché de fraude.

Par un arrêt du 17 juin 2024 [4], il a précisé que, pour bénéficier de l’effet « régularisateur » du permis de construire initial attaqué, le permis de construire modificatif qui est communiqué en cours d’instance doit, non seulement avoir pour effet de régulariser le vice identifié, mais également en avoir l’objet. Le contrôle du juge administratif porte donc non seulement sur les effets de la mesure de régularisation, mais également sur son objet.

Le Conseil d’État a également jugé que le mécanisme de régularisation en cours d’instance ne peut être utilisé à plusieurs reprises par un pétitionnaire, pour la régularisation d’un même vice [5]. La mesure de régularisation communiquée au juge en cours d’instance doit donc impérativement régulariser le vice identifié par la juridiction, à peine d’annulation du permis initial. Les dispositions de l’article L. 600-5-1 ne sont susceptibles d’être utilisées une seconde fois que si le permis de régularisation est entaché d’un vice qui lui est propre.

L’arrêt du 30 avril 2025 ici commenté s’inscrit donc dans cette lignée jurisprudentielle précisant les modalités d’application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

III. L’absence d’observations par les parties sur la mesure de régularisation en première instance ne les prive pas de la possibilité de la contester en cassation devant le Conseil d’État

La question posée à l’occasion de cette instance au Conseil d’État était la suivante : les parties peuvent-elles contester, par des moyens nouveaux, la mesure de régularisation communiquée dans le cadre de leur pourvoi devant le Conseil d’État, alors même qu’elles n’ont pas présenté d’observations après y avoir été invitées lors de la première instance ?

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’État en conclut qu’il « résulte de ces dispositions qu’il appartient au juge qui a sursis à statuer sur leur fondement d’apprécier, pour statuer sur le litige lorsqu’une mesure de régularisation lui a été notifiée, si cette mesure assure la régularisation du vice qu’il a relevé quand bien même les parties, invitées à la faire, n’ont pas présenté d’observations devant lui sur ce point ».

Il en déduit, et c’est là l’apport novateur de sa décision, que les moyens dirigés contre le permis de régularisation ne sauraient être regardés comme des moyens nouveaux en cassation, et ce quand bien même les parties se sont abstenues de formuler des observations contre cette mesure en première instance.

En l’espèce, les requérants n’avaient en effet pas formulé d’observations quant à la légalité du permis de construire modificatif délivré en cours d’instance, et le tribunal administratif de Grenoble avait considéré, dans son second jugement du 4 mars 2024, que ce dernier permettait la régularisation du vice identifié dans le permis initial attaqué.

Le Conseil d’État relève néanmoins que si, dans son premier jugement, le tribunal administratif a retenu l’existence d’un vice susceptible d’être régularisé et tiré de la violation des règles d’implantation par rapport aux limites séparatives des deux bâtiments du projet, il ne s’est en revanche prononcé, lors de son second jugement, que sur la régularisation par le permis modificatif communiqué d’un seul de ces deux bâtiments par rapport à la limite séparative.               

Or, une modification des dispositions du règlement du PLUi était intervenue entre le permis de construire initial et le permis de construire modificatif, de sorte que les nouvelles règles du PLUi impliquaient une modification dans la manière dont doit s’apprécier le calcul de la hauteur de la construction. Il appartenait donc aux juges du fond de vérifier si la distance d’implantation de tous les bâtiments par rapport aux limites séparatives était bien respectée au regard de cette nouvelle règle de calcul.

Tel n’ayant pas été le cas, le Conseil d’État annule le jugement attaqué pour ce motif.

Cet arrêt permet de rappeler que, la mesure de régularisation peut non seulement être critiquée pour la première fois en cassation, mais encore que le contrôle dont elle est l’objet de la part des juridictions du fond doit porter sur l’ensemble des éléments caractérisant le vice initialement relevé.

À retenir : Le Conseil d’État précise les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme permettant au juge du surseoir à statuer sur la légalité d’un permis de construire dans l’attente de sa régularisation, en jugeant qu’il est loisible pour les parties de contester ladite mesure de régularisation pour la première fois en cassation.

 

[1] TA Grenoble, 27 février 2023, n° 2201135 N° Lexbase : A88979EA.

[2] TA Grenoble, 4 mars 2024, n° 2201135 N° Lexbase : A37732SK.

[3] CE, 11 mars 2024, n° 464257 N° Lexbase : A92942TE.

[4] CE, 17 juin 2024, n° 471711 N° Lexbase : A67315I7.

[5] CE, 14 octobre 2024, n° 471936 N° Lexbase : A877059P.

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