Le Quotidien du 10 juin 2025 : Domaine public

[Dépêches] Les locaux loués par une entreprise dans une pépinière d’entreprise appartiennent au domaine public

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 20 mai 2025, n° 493452, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B2970AAA

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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes

le 09 Juin 2025

Pour les entreprises, la prise à bail de locaux est une opération importante et la possibilité d’occuper les locaux est souvent essentielle à la pérennité de l’activité. Il est désormais acquis que la location de locaux dans une pépinière d’entreprise ou dans un « technopole » appartenant à une collectivité territoriale constitue une occupation du domaine public. De ce fait, l’entreprise est occupante à titre précaire et révocable des locaux qu’elle loue et ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux et d’un quelconque droit au renouvellement de son titre.

Les critères de l’appartenance d’un immeuble au domaine public sont désormais bien connus, pour être affirmés par les textes et éclairés par la jurisprudence.

Deux hypothèses peuvent être relevées :

  • avant l’entrée en vigueur le 1er juillet 2006 du Code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance au domaine public d'un bien dont était propriétaire une collectivité territoriale était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ;
  • après l’entrée en vigueur du Code, un immeuble appartenant à une collectivité territoriale relève de son domaine public dès lors qu’il est affecté à l’usage direct du public ou à un service public pourvu qu'en ce cas il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public (CGPPP, art. L. 2111-1 N° Lexbase : L4505IQW).

Dans cette affaire, le Conseil d’État devait déterminer si l’immeuble appartenant au département relevait du domaine public. Une société occupait l’immeuble en vertu de conventions d’occupations précaires, qui avaient pris fin, et le département avait obtenu du tribunal administratif qu’il enjoigne à cette société de quitter les lieux sans délai. Pour s’y opposer, la société faisait valoir que l’immeuble relevait du domaine public du département si bien que les statuts des baux commerciaux et son droit au renouvellement étaient applicables à la convention (CAA Bordeaux, 15 février 2024, n° 21BX02891 N° Lexbase : A66982MZ).

En effet, selon une jurisprudence désormais bien établie, le statut du bail commercial et en particulier le droit au renouvellement du titre qu’il comporte, est incompatible avec la domanialité publique (CE, 24 novembre 2014, n° 352402, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2574M44 ; CE, 19 janvier 2017, n° 388010 N° Lexbase : A7234S9S), et tout l’argumentaire de la société reposait donc sur la domanialité privée des lieux.

Le Conseil d’État écarte l’argumentaire de la société occupante et donne raison au département. Il retient en premier lieu que « les locaux en cause, qui ont vocation non seulement à accueillir temporairement des entreprises et à être régulièrement remis par le délégataire à la disposition de nouveaux porteurs de projets et créateurs d'entreprises dans le secteur agroalimentaire, mais aussi à permettre, par le biais de prestations matérielles et immatérielles, l'accompagnement de ces entreprises nouvelles de façon à favoriser leur création et leur essor, et qui s'inscrivent dans l'ensemble plus large des équipements et fonctions de la technopole, outil de développement économique départemental, étaient affectées au service public du développement économique départemental ». Il ajoute qu’ « en en déduisant, après avoir relevé par des motifs non critiqués par le pourvoi qu'ils étaient en outre spécialement aménagés pour cette mission, l'appartenance des locaux objet du litige au domaine public de la collectivité délégante, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits ». De ce fait, sont caractérisés tout à la fois l’affectation des locaux à une mission de service public et l’existence des aménagements requis pour affirmer que l’immeuble relève du domaine public du département.

La décision est d’autant plus intéressante que le Conseil d’État avait affirmé par le passé, s’agissant d’ateliers-relais également affectés au développement économique et donc à une mission de service public, les locaux ne pouvaient être considérés comme incorporés au domaine public de ce seul fait, faute d’aménagements spéciaux (CE, 11 juin 2004, n° 261260, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7651DCD). Il en avait été déduit qu’en l’espèce, le bail conclu était un contrat de droit privé.

Par ailleurs, le Conseil d’État confirme sa jurisprudence selon laquelle l’appartenance des locaux au domaine public fait obstacle à ce que les conventions d’occupation puissent être qualifiées de baux commerciaux.

Entreprises locataires ou occupantes comme gestionnaires du domaine public doivent en conséquence réinterroger les qualifications appliquées jusqu’ici à ces locaux mis à disposition d’entreprises, pour lesquelles la domanialité publique et partant la précarité du titre n’est pas exclue.

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