Le Quotidien du 6 juin 2025 : Avocats

[Questions à...] Les transformations à l’œuvre en matière de fusions-acquisitions - Questions à François Baylion, avocat associé, cabinet BDGS

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le 05 Juin 2025

Mots clés : rachats d'entreprises • fusions-acquisitions • break up fees  IA générative • options d’achat

Alors que le marché français des fusions-acquisitions n’a crû que de 3 % en 2024, pour atteindre 160 milliards de dollars (155 milliards d’euros), les transactions réalisées à travers le monde ont totalisé dans le même temps 3 538 milliards de dollars, en progression de 12 %. Début 2025, les multinationales cherchaient à développer leur présence aux États-Unis avant de finalement prendre peur devant la politique économique imprévisible de la nouvelle administration Trump. Pour analyser ces bouleversements et aussi appréhender de quelle manière l'IA générative pourrait révolutionner ce secteur, Lexbase a interrogé François Baylion, avocat associé du cabinet BDGS au sein de la pratique fusions-acquisitions et droit des sociétés*.


 

Lexbase : Quels sont les pièges courants des opérations de fusion-acquisition, de la signature à l'intégration ?

François Baylion : Pour mieux appréhender les pièges et risques juridiques courants des opérations de M&A, il est effectivement utile d’apprécier ces risques au regard des phases d’une opération de M&A.

Avant même la signature de l’opération de M&A, il y a deux phases structurantes dans la gestion des risques : l’initiation du processus M&A et la phase de due diligences.

Lors de ces phases, les risques se posent de façon différente selon que l’on est sell side ou buy side.

Côté sell side, les principaux pièges sont (i) une mauvaise construction du processus de cession (dossier trop diffusé ou auprès des mauvais acteurs de marché, mauvaise gestion de la confidentialité, calendrier de cession mal préparé, droits de tiers non purgés), et (ii) une mauvaise préparation des due diligences (absence de VDD structurées, mauvaise ou non-couverture de certains aspects importants).

Côté buy side, les principaux pièges sont avant tout (i) la réalisation de due diligences insuffisantes ou mal calibrées par rapport à la cible et son secteur, et (ii) une mauvaise appréhension des autorisations réglementaires et antitrust ou du caractère compétitif du deal.

Au moment de la négociation de la documentation d’acquisition et la signature de l’opération de M&A, les principaux risques sont alors :

  • une mauvaise structuration du prix qui sera génératrice d’expertise, voire de contentieux (mauvaise définition des termes comptables et financiers, mauvaise définition des leakages en cas de locked box, mauvaise définition des indemnités spécifiques) ;
  • une mauvaise gestion de la période intercalaire (covenants insuffisants ou inadaptés), à apprécier à l’aune du risque de gun jumping ;
  • une mauvaise gestion des conditions suspensives ;
  • un calendrier d’exécution inadapté au regard des contraintes réglementaires ou antitrust ;
  • et une approche inadaptée en matière de resp & warranties.

Enfin, il existe des risques spécifiques qui peuvent être liés à des opérations de M&A plus particulières, dont notamment :

  • pour les opérations de LBO, la gestion des problématiques liées au financement du LBO et à la construction d’un management package dans un environnement fiscal de plus en plus contraint ;
  • pour les opérations réalisées en consortium ou en JV, la gestion des équilibres de gouvernance entre les différents acteurs, la gestion des conflits d’intérêts, la question de la liquidité entre les membres, et les conséquences antitrust de la mise en consortium ou en JV ;
  • pour les acquisitions entre concurrents ou entre sociétés industrielles, la gestion de l’échange d’informations commerciales sensibles, à apprécier à l’aune du risque d’entente ;
  • ou pour les opérations boursières, la gestion du marché, troisième partie prenante d’une opération de M&A, et des informations privilégiées.

Au total, si les avocats sont peu sollicités sur l’aspect intégration d’une opération de M&A, une meilleure gestion possible des risques juridiques mentionnés ci-avant est de nature à faciliter pour nos clients ce travail d’intégration.

Lexbase : De quelle manière votre cabinet y répond-il ? Avec quelle valeur ajoutée ?

François Baylion : Notre cabinet présente certaines spécificités que nous souhaitons distinctives pour répondre à ces risques en offrant le maximum de valeur ajoutée à nos clients.

L’ensemble de nos associés ont tout d’abord une très bonne compréhension de l’ensemble des parties prenantes à une opération de M&A.

Nous avons ainsi la capacité de comprendre et anticiper la réaction des différentes parties prenantes d’une opération de M&A autres que les parties à l’opération (tutelles, interlopers, etc.) et davantage si l’opération présente des complexités en matière de régulation ou de marchés.

Nous disposons également tous d’une connaissance sectorielle large et d’une expertise qui va au-delà du simple M&A, en ayant des expériences poussées en matière de gouvernance, pré-contentieux, expertise de gestion, suivi de participation, etc.

Nous offrons ainsi à nos clients la possibilité de bénéficier d’une expérience poussée en matière de précédents qui nous permet d’appréhender les risques pouvant ressortir de situations déjà vécues.

Pour exemple, nos associés présentent, en cumulé, plus d’un siècle d’expérience en droit boursier !

Par la qualité de nos parcours et des profils que nous recrutons, nous bénéficions d’une compréhension fine des enjeux financiers des opérations de M&A qui nous permet de recommander à nos clients la meilleure approche face à un risque identifié (traitement en resp & warranties, D&I, ou factorisation dans le prix).

Enfin, nous avons une approche originale quant à notre panel d’intervention en se concentrant essentiellement sur les tâches à haute valeur ajoutée.

Ainsi, pour les exercices de due diligences, nous avons pris pour stratégie de nous appuyer sur des spécialistes de ce type de services dans l’intérêt du rendu au client et de son coût (pratique que nous avons reprise des États-Unis).

Cette spécificité se retrouve également dans notre stratégie internationale où nous privilégions les liens personnels et les équipes les mieux placées sur un sujet donné plutôt que les systèmes d’alliance ou de best friend.

Lexbase : Le secteur des fusions-acquisitions semble se déplacer vers l'axe transatlantique. Cela vous inquiète-t-il ?

François Baylion : Nous ne pensons pas que les opérations transatlantiques seront dominantes dans le marché M&A en 2025. Comme l’a exprimé le Président Donald Trump, le mouvement MAGA ne veut pas dire Make M&A Great Again !

Nous voyons dans la politique conduite par les États-Unis avec les droits de douane, l’accélération d’une régionalisation des économies, dont les pays européens commencent à percevoir l’intérêt, voire la nécessité.

Pour prendre un exemple, dans le secteur de la Défense, le ministre chargé de l’Économie a annoncé que les investisseurs publics français, notamment la Caisse des Dépôts et Bpifrance, mobiliseront 1,7 milliard d’euros en capital, avec l’objectif d’atteindre jusqu’à 5 milliards d’euros de fonds propres grâce aux co-investissements privés dans des projets de défense. De même, l’Allemagne a annoncé un programme de 100 milliards d’euros sur les prochaines années.

Nous pensons qu’une fois les contrats sécurisés, les acteurs de la défense procéderont à des opérations de croissance externe pour acquérir des technologies ou des fournisseurs clés. Compte tenu de notre statut de cabinet français indépendant, notre connaissance des secteurs régulés, de l’écosystème français et de ses acteurs, nous pourrions jouer un rôle privilégié dans cette tendance de fond.

Ce n’est qu’un exemple des réflexions que nous pouvons mener. À titre d’autre exemple, l’histoire enseigne que dans les périodes de troubles, l’activiste actionnarial peut facilement renaître sur des acteurs placés en difficulté. Nous disposons là encore, sur ce type de sujet, d’une expérience approfondie en matière de réponses aux activistes et de restructuration préalable aux difficultés (cas Comexposium ou Clariane à opposer au précédent Orpéa).

Enfin, si le mouvement des opérations transatlantiques est plus poussé qu’attendu, notre position de cabinet français indépendant offre un certain nombre d’atouts pour nos correspondants américains non présents en France. Nous sommes ainsi capables de leur offrir un haut niveau d’expertise et de compréhension des enjeux locaux, notamment en matière de régulation et d’investissements étrangers en France, éléments indispensables pour la réussite d’une opération cross border.

Lexbase : Des pratiques courantes là-bas comme les break up fees sont-elles amenées à se développer en France ?

François Baylion : Pour comprendre pourquoi la pratique du break up fees n’est pas majoritaire en France dans les opérations de M&A, il faut avant tout regarder son utilité par rapport aux autres instruments de deal protection.

Le break up fee a principalement pour objet de permettre à un vendeur de sécuriser sa transaction en contraignant l’acquéreur à payer une partie du prix d’acquisition (usuellement de l’ordre de 2 %) s’il s’avérait que l’acquéreur n’était pas en mesure de remplir les conditions suspensives, notamment en matière d’autorisations d’investissement ou antitrust.

L’effet pervers de ce type d’instrument de deal protection est qu’il pourrait permettre à un acquéreur de s’offrir une option d’achat (et donc une porte de sortie) si les conditions pour obtenir les autorisations d’investissement ou antitrust étaient plus onéreuses qu’anticipées.

Pour répondre à cette difficulté, la pratique a plutôt développé les clauses de type hell or high water ou des listes blanches ou noires d’engagements plus efficaces pour sécuriser la levée des conditions suspensives, notamment antitrust, par l’acquéreur.

À noter que l’utilisation des breaks up fees reste toutefois pertinente pour un certain types de conditions suspensives (type contrôle de change) avec des acquéreurs présents sur des juridictions où leur responsabilité peut-être plus difficile à rechercher (notamment certains acquéreurs asiatiques). Dans un tel cas, il est également important de s’assurer de la sécurisation de ce break-up fee qui devra alors faire l’objet d’une couverture (notamment une garantie à première demande auprès d’une banque).

Lexbase : Comment l'IA générative pourrait-elle s’installer dans votre pratique ? 

François Baylion : Nous avons déjà implanté l’IA générative au sein du cabinet pour de nombreuses tâches avec une valeur ajoutée limitée, telles que la relecture documentaire, la traduction, et un certain nombre de tâches de synthèse. Il en ressort encore la nécessité d’une revue poussée même si ces instruments font gagner un temps conséquent dans l’intérêt de nos clients.

Sur les aspects plus juridiques (recherches et clausiers), compte tenu de notre taille, notre stratégie n’est pas de développer un outil propriétaire mais plutôt de sélectionner les outils les plus performants. Nous sommes actuellement en phase de test des différents outils présents sur le marché (notamment les outils les plus connus comme GeNIA-L, Lexis IA, bientôt Harvey) avec des retours également intéressants.

Dans tous les cas, nous installons ces différents outils en restant vigilants à la confidentialité de nos documents et données clients (notamment en instaurant de bonnes pratiques pour prompter). Nous faisons sur ce sujet preuve de la même rigueur que celle que nous avons employée dans la construction de notre architecture informatique, réseau et téléphonie.

*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

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