Le Quotidien du 5 février 2025 : Actualité judiciaire

[A la une] Le réalisateur Christophe Ruggia condamné à de la prison ferme pour avoir agressé sexuellement Adèle Haenel lorsqu’elle avait 12 ans

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[A la une] Le réalisateur Christophe Ruggia condamné à de la prison ferme pour avoir agressé sexuellement Adèle Haenel lorsqu’elle avait 12 ans. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/115384877-a-la-une-le-realisateur-christophe-ruggia-condamne-a-de-la-prison-ferme-pour-avoir-agresse-sexuellem
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par Vincent Vantighem

le 04 Février 2025

Assise sur un petit strapontin dans cette grande salle d’audience, elle est d’abord restée interdite pendant de longues minutes. Puis, à un moment, Adèle Haenel a esquissé une très légère mimique. Rien à voir avec les tics nerveux qui ont secoué son visage pendant le procès. Là, il s’agissait plutôt d’un sourire de soulagement. Rien de plus. Rien de moins. Voilà comment l’actrice a réagi, lundi 3 février, au jugement prononcé par la 15e chambre du tribunal judiciaire de Paris, à l’encontre de Christophe Ruggia.

Le réalisateur, âgé de 60 ans aujourd’hui, a été déclaré coupable d’agressions sexuelles sur mineure de 15 ans. « Après avoir longuement délibéré, le tribunal a décidé de vous déclarer coupable, a résumé Gilles Fonrouge, le président de cette chambre correctionnelle, après avoir demandé au prévenu de se rapprocher de la barre, en tout début d’après-midi. Vous avez profité de l’ascendant que vous aviez sur cette jeune actrice. Et qui était la conséquence de la relation exclusive que vous lui aviez imposée lors du tournage [du film Les Diables]. »

Sorti en 2001, le long-métrage ne dit plus rien à personne, à part à quelques cinéphiles très avertis. Mais il a ressurgi des archives où il aurait dû rester, en décembre dernier lors de l’audience, et il a suscité le malaise. Les Diables raconte la relation incestueuse entre un frère et une sœur autiste en cavale perpétuelle. Christophe Ruggia a décidé de faire tourner des scènes de sexe mimé par ces jeunes acteurs. Il s’est attardé sur le corps nu et encore enfantin de sa muse : Adèle Haenel.

Doublement césarisée depuis, l’actrice est sortie de sa réserve en 2019. D’abord dans les colonnes de Mediapart, puis dans une plainte à la justice. Elle y a raconté que le réalisateur l’avait invitée, chez lui, après le tournage pour des goûters un peu spéciaux. Quasiment tous les samedis après-midi, alors qu’elle était âgée de 12 à 14 ans. Alors qu’elle était en classe de quatrième. C’est là qu’elle a été agressée sexuellement. « Il respirait fort. Il se rapprochait de moi. Et puis, il passait sa main sous mon T-shirt, sous ma culotte... », avait-elle rappelé lors d’une audience électrique qui s’est tenue les 9 et 10 décembre.

Deux ans de prison ferme aménagés sous bracelet électronique

En dépit de ses dénégations souvent confuses, Christophe Ruggia a donc été condamné à une peine de quatre années d’emprisonnement dont deux années avec sursis. La partie ferme de sa peine devra être purgée sous forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique. Le tribunal a prononcé une interdiction d’exercer toute activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact régulier avec des enfants et son inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais). Le réalisateur doit, en outre, verser 40.000 euros de dommages-intérêts à Adèle Haenel, en réparation de son préjudice d’image et en remboursement de ses frais médicaux, notamment dû au lourd suivi psychiatrique imposé depuis qu’elle a révélé les faits.

Impossible pour le tribunal de ne pas prendre en compte la situation de la jeune femme. Égérie du cinéma français pendant des années, elle avait violemment claqué la porte des César et du milieu, en 2020, lorsque la cérémonie avait couronné Roman Polanski. Cela ne faisait que la conforter dans son idée que le cinéma français « a protégé et protège toujours les agresseurs ». En se levant et en se cassant de la cérémonie, selon l’expression désormais consacrée, elle est devenue le symbole de la lutte féministe. C’est donc à ce titre qu’elle a été soutenue tout au long du procès par une foule d’anonymes venue l’applaudir et quelques actrices comme Judith Godrèche ou encore Aïssa Maïga.

C’est sans doute ce qui lui a permis de livrer un témoignage aussi fort que glaçant et de supporter, pendant de longues heures, les dénégations de Christophe Ruggia avant d’exploser en lui lançant un « Mais ferme ta gueule » terrible alors qu’il était à la barre. S’en est-il souvenu lundi 3 février ? Assis face à elle, le réalisateur n’a jamais osé lui jeter un regard alors qu’il attendait la décision du tribunal.

Le réalisateur monte au greffe pour faire appel du jugement

Pour autant, sa position n’a pas changé si l’on en croit Fanny Colin, son avocate. Sitôt l’audience levée et la condamnation prononcée, celle-ci s’est présentée devant les nombreuses caméras qui l’attendaient dans la salle des pas perdus pour continuer à défendre son client. « Il n'a jamais touché Adèle Haenel. Le souvenir d'Adèle Haenel de ces supposés attouchements ne lui est revenu que quinze ans plus tard. Condamner dans ces conditions et sur la foi de cette seule parole-là nous paraît, non seulement, injustifié mais dangereux, a-t-elle lâché. Ici, la loi du plus puissant, de celui qui crie le plus fort, de celui qui a le soutien inconditionnel de l'opinion publique a broyé le principal fondamental du droit qu'est le bénéfice du doute... »

Derrière elle, Christophe Ruggia est passé sans un mot. Plutôt que de descendre pour quitter ce lieu qui venait de le condamner, il est monté directement au greffe pour indiquer qu’il interjetait appel du jugement qui venait d’être rendu. Cela ne devrait pas lui éviter un rendez-vous devant un service d’application des peines pour la pose d’un bracelet électronique, le tribunal ayant ordonné l’exécution provisoire de la partie ferme du jugement.

Quelques minutes plus tard, Adèle Haenel est sortie à son tour de la 15e chambre. Sans un mot, elle a fendu la foule des journalistes pour descendre dans la salle des pas perdus retrouver les soutiens qui l’ont longuement applaudie. « Merci. Merci de votre présence pour faire avancer les choses pour les droits humains », a-t-elle simplement prononcé. Elle sait déjà qu’ils seront tous là lors d’un éventuel procès en appel.

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