Le Quotidien du 5 février 2025 : Droit rural

[Observations] Décès du preneur : dévolution du bail rural en l’absence de dévolutaires privilégiés

Réf. : Cass. civ 3., 9 janvier 2025, n° 23-13.884, FS-B N° Lexbase : A67956PD

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N1578B3T

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[Observations] Décès du preneur : dévolution du bail rural en l’absence de dévolutaires privilégiés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/115384848-observations-deces-du-preneur-devolution-du-bail-rural-en-labsence-de-devolutaires-privilegies
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 04 Février 2025

► En principe, lorsque le preneur décède sans laisser de conjoint, d'ascendant ou de descendant qui participent à l'exploitation ou qui y ont participé effectivement au cours des cinq années qui ont précédé le décès, le droit au bail passe, en l'absence de résiliation de la part du bailleur dans le délai de six mois, à ses héritiers ou ses légataires universels ; toutefois, ce droit peut être attribué à l'un d'eux par le tribunal paritaire, qui, en cas de demandes multiples, se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir.

En l’espèce, un preneur est décédé laissant pour lui succéder deux fils, estimant chacun pouvoir bénéficier de l’attribution préférentielle du bail rural conclu par leur père. Chacun de deux fils a été débouté de leur demande de désignation en qualité de repreneur du bail litigieux par le tribunal paritaire des baux ruraux. L’un des fils a interjeté appel, mais le jugement a été confirmé par la cour d’appel, qui a attribué le bail au second fils, lequel avait la préférence des bailleurs.

Le fils évincé forme un pourvoi.

Question. Le décès du preneur n’entrant pas la fin du bail rural, comment s’opère sa dévolution en l’absence d’ascendant, de descendant ou de conjoint ayant participé de manière effective à l’exploitation au cours des cinq années précédant le décès ?

Enjeu. En cas de demandes d’attributions multiples, quelles sont les critères et les conditions appliqués par le tribunal paritaire des baux ruraux pour choisir le repreneur du bail rural ?

Réponse de la Cour de cassation. Par application du premier alinéa de l’article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4467I49, la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 janvier 2025, juge qu’en cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article 1742 du Code civil N° Lexbase : L1864ABN, le bail rural ne prend pas fin par le décès du bailleur, et il est en de même avec celui du preneur.

L’article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, qui est d’ordre public (Cass. civ. 3, 28 juin 2006, n° 05-20.860, FS-P+B N° Lexbase : A1195DQC) envisage deux hypothèses de continuation du bail après le décès du preneur :

- transmission anomale ou privilégiée :  lorsque le défunt laisse au moins un ascendant, un descendant ou son conjoint ayant participé de manière effective l’exploitation au cours des cinq dernières années précédant le décès (Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-18.527, FS-B N° Lexbase : A28728TK). Dans ce cas, le bail continue de plein droit au profit de la personne répondant à ses conditions, le bailleur n’ayant pas le droit d’en demander la résiliation (Cass. civ. 3, 14 novembre 2019, n° 18-20.862, F-D N° Lexbase : A6614ZYM).

- transmission ordinaire : en l’absence d’ascendant, de descendant ou de conjoint ayant participé de manière effective à l’exploitation au cours des cinq dernières années précédent le décès. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, le droit au bail est transmis dans ce cas, aux héritiers ou aux légataires (Cass. civ. 3, 27 juin 1979 n° 78-12.090 N° Lexbase : A2207CKX ; Cass. civ. 3, 24 février 1988, n° 86-15.863 N° Lexbase : A0012AAP ; Cass. civ. 3, 27 septembre 2011, n° 10-23.242 N° Lexbase : A1240HYL ; Cass. civ. 3, 7 septembre 2022, n° 21-19.188 N° Lexbase : A68198HZ).

Par ailleurs, l’article L. 411-34 précité dispose qu’en cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et s’y maintenir.

À ce jour, les décisions portant sur la faculté d’attribuer un bail rural dans le cadre d’une transmission ordinaire en cas de demandes multiples sont rares. Ainsi, dans l’arrêt du 27 juin 1979 précité, la Cour de cassation avait décidé que dans cette situation, le droit au bail peut être attribué à l’un des ayants-droits par le tribunal paritaire, qui, en cas de demandes multiples, se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir.

En pratique, les conditions sont appréciées souverainement par les juges du fond, mais il semble que l’avis du bailleur, comme en l’espèce, doive être pris en compte dans le cadre des « intérêts en présence ». En tout état de cause, la Cour de cassation semble devoir exercer seulement un contrôle de motivation en cas de contestation de la décision d’attribution des juges du fond.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Résiliation du bail rural pour cause de décès du preneur : spéc. Continuation du bail par un membre de la famille du preneur in Droit rural (dir. Ch. Lebel) N° Lexbase : E9029E9B.

 

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