Une association dont l'objet est l'accueil des jeunes enfants peut être qualifiée d'entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et exiger la neutralité de ses employés. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Paris dans une décision rendue le 27 novembre 2013 à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013 (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I
N° Lexbase : A5857KA8) (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 27 novembre 2013, n° 13/02981
N° Lexbase : A2218KQ9).
Dans un arrêt du 19 mars 2013, la Cour de cassation avait jugé que "
le principe de laïcité instauré par l'article 1er (
N° Lexbase : L0827AH4)
de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public". Elle avait ainsi considéré que le licenciement pour faute grave d'une salariée ayant refusé de retirer son foulard islamique au mépris des dispositions du règlement intérieur applicable dans l'entreprise était nul, car reposant sur un motif discriminatoire et avait renvoyé les parties devant une nouvelle cour d'appel. La cour d'appel de Paris, cour d'appel de renvoi, prend ici le contre-pied de la solution de la Cour de cassation, confirmant la validité du licenciement comme l'avait jugé la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 11ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/05642
N° Lexbase : A9204HZW). La cour d'appel considère, en effet, qu'une personne morale de droit privé, qui assure une mission d'intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction et se doter d'un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l'exercice de ses tâches ; une telle obligation emportant notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion. En effet, il ressort des statuts de l'association que celle-ci a pour objectif de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d'oeuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes sans distinction d'opinion politique et confessionnelle, ce qui lui confère un statut d'entreprise exerçant des missions d'intérêt général. Par ailleurs, l'association peut être qualifiée d'entreprise de conviction en mesure d'exiger la neutralité de ses employés. Ainsi, les restrictions du règlement intérieur de l'entreprise justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse, et ne présentent pas un caractère discriminatoire. En conséquence, le licenciement de la salarié était justifié (sur la limitation du contenu du règlement intérieur, cf. l’Ouvrage "Droit du travail"
N° Lexbase : E2668ETY).
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