Le Quotidien du 16 octobre 2024 : Droit rural

[Brèves] Pas de résiliation du bail pour défaut de la qualité d’associé d’un preneur

Réf. : Cass. civ. 3, 26 septembre 2024, n° 23-14.685, FS-B N° Lexbase : A4058543

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N0590B3A

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[Brèves] Pas de résiliation du bail pour défaut de la qualité d’associé d’un preneur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/111985734-breves-pas-de-resiliation-du-bail-pour-defaut-de-la-qualite-dassocie-dun-preneur
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 15 Octobre 2024

► Le preneur ou, en cas de cotitularité, l'un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d'un groupement agricole d'exploitation en commun dont ils ne sont pas membres, mais qui continuent à se consacrer à l'exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n'abandonnent pas la jouissance du bien loué à ce groupement et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail ; il en résulte que, dans ce cas, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime et est donc tenu de démontrer que le manquement est de nature à lui porter préjudice.

En l’espèce, par acte du 20 avril 1990, un bailleur a donné à bail à ferme à un couple de preneurs diverses parcelles, qu'ils ont mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée devenue le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), dont seul le mari était membre. Le 27 avril 2018, le bailleur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail. Le bailleur invoquait le fait que le mari soit seul associé du GAEC, à l'exclusion de son épouse pourtant copreneuse, et que cette situation constituait une cession prohibée du bail justifiant le prononcé de sa résiliation et que de surcroît il n'est pas justifié que l’épouse participe de manière effective et permanente à l'exploitation, ce qui lui cause un préjudice dans la mesure où celle-ci a totalement cessé d'exploiter les biens donnés à bail. En défense, les copreneurs ont fait valoir que le bailleur a été régulièrement informé de la mise à disposition des terres au GAEC, que le fait que l’épouse ne soit pas associée du GAEC serait sans portée, dès lors que celle-ci a continué à participer activement à l'exploitation des terres.

Par un arrêt du 16 février 2023 (CA Caen, 16 février 2023, n° 22/00934 N° Lexbase : A72259DX), la cour d’appel considère que du fait de la mise à disposition des terres au profit du GAEC, l’épouse a procédé à une cession prohibée.

En application de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L8924IWG, la résiliation du bail pour cession prohibée de bail du seul fait que l'un des copreneurs n'a pas la qualité d'associé de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne peut être prononcée que si cette irrégularité a causé un préjudice au bailleur.

Les juges du fond relèvent que la copreneuse était affiliée à la MSA en qualité de conjoint collaborateur participant aux travaux depuis le 1er avril 1989. En outre, le règlement du GAEC précise que celle-ci est responsable de la comptabilité et des tâches administratives et qu'elle est responsable de la traite matin et soir. L'expert-comptable du GAEC atteste que la copreneuse participe avec son époux aux travaux d'exploitation depuis 1989 et qu'il a régulièrement des contacts avec celle-ci en ce qui concerne la partie administrative de l'exploitation agricole. Ainsi, la cour d’appel considère que ces éléments, qui établissent une participation habituelle et effective de la copreneuse à l'exploitation des biens donnés à bail ne sont remis en cause par aucune pièce du bailleur. Ainsi, à défaut de justifier de l’existence d’un préjudice particulier, les juges du fond ont confirmé le rejet de la demande du bailleur, lequel forme un pourvoi.

Question. Est-ce que la cessation d'activité du copreneur, qui n'a jamais été associé de la société bénéficiaire de la mise à disposition des parcelles données à bail, prive le bailleur de la possibilité de poursuivre l'exécution des obligations nées du bail que ce copreneur avait contracté ?

Enjeu. Dans l’affirmative, la résiliation du bail sera prononcée ; dans la négative, le bailleur n’ayant pas de préjudice, la demande de résiliation sera rejetée.

Réponse de la Cour de cassation. À défaut de préjudice particulier pour le bailleur, apprécié souverainement par les juges du fond, le bailleur ne peut obtenir la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime.

Dans cet arrêt du 26 septembre 2026, la Cour de cassation rappelle le cadre juridique applicable à la mise à disposition d’un bail rural conclu par des copreneurs, d’une société d’exploitation agricole, dont en principe ils devraient être tous également associés conformément aux articles L. 411-35 N° Lexbase : L4458I4U, L. 323-14 N° Lexbase : L6171HHZ et L. 411-37 N° Lexbase : L4462I4Z du Code rural et de la pêche maritime. Or, il apparait que cette condition n’est pas toujours remplie. Dans ce cas, la mise à disposition au bénéfice d’une société d’exploitation constitue une cession prohibée du fait du copreneur qui n’a pas également la qualité d’associé-exploitant dans la société d’exploitation en application. En effet, selon l'article L. 411-31, II, 1° et 3°, de ce code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37.

Pour justifier cette résiliation, le bailleur doit justifier d’un préjudice dont l’existence et l’importance sont appréciées souverainement par les juges du fond.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Mise à disposition du bail rural à une société à objet principalement agricole majoritairement détenue par des personnes physiques, Résiliation du bail pour mise à disposition irrégulière, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9070E9S.

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